samedi 23 août 2025

"L'Amour conjugal", Alberto Moravia

J'ai lu récemment une biographie romancée de la grande écrivaine italienne, Elsa Morante. Son mari s'appelait Alberto Moravia (1907-1990) et j'avoue que cet écrivain n'avait pas attiré mon attention. J'ai trouvé un de ses romans dans une cabane à livres et j'ai eu envie de découvrir l'univers moravien. "L'amour conjugal", publié en 1946, raconte l'histoire d'un couple, Silvio et Léda. Silvio, le narrateur, décrit avec une précision de chirurgien la relation amoureuse avec sa femme. Il définit l'amour ainsi : "Aimer, cela veut dire, entre bien d'autres choses, trouver du charme à regarder et à considérer la personne aimée. (...) J'éprouvais un inexprimable plaisir à regarder Léda, à épier son visage et toute sa personne dans ses moindres mouvements et ses plus fugitives expressions". Lui-même se qualifie d'esthète mais aussi "d'un homme tourmenté par l'angoisse, toujours au bord du désespoir". Il observe sa femme qu'il ne comprend pas et il a peur de la perdre. Ils partent dans une maison de famille en Toscane pour que Silvio se consacre entièremnt à son projet : écrire un roman. Mais, leur entente sexuelle intense empêche Silvio d'écrire son roman sur un couple, car il ne peut pas se "concentrer". Il propose à sa femme de faire chambre à part pour qu'il trouve l'énergie d'écrire son "chef d'oeuvre". Entretemps, il reçoit tous les matins un barbier pour son confort personnel. Ce personnage un peu repoussant traîne une réputation sulfureuse sur son comportement avec les femmes malgré sa laideur légendaire. Léda prévient son mari que cet homme frustre a tenté de la toucher. Mais, Silvio n'écoute pas sa femme. Obsédé par son roman, il délaisse Léda. Une nuit, il remarque l'absence de sa femme et il l'aperçoit dans le parc. Il découvre alors l'invraisemblable tromperie de Léda avec le barbier. Que va donc faire Silvio ? Se séparer d'elle, lui pardonner cette folie ? Alberto Moravia montre dans son texte le manque d'attention au sein d'un couple, dans une juxtaposition de désirs contraires. Le narrateur choisit son projet d'écriture malgré l'amour qu'il ressent pour elle. Cet adultère provoque un tremblement d'être chez Silvio ; "Toute passion se dissout en moi par l'acide de la réflexion : manière comme une autre de la dominer et d'en détruire à la fois l'empire et la souffrance".  Un grand roman eontemporain malgré son âge, presque quatre-vingt ans !