vendredi 4 juillet 2025

"Je me retournerai souvent", Jean-Paul Enthoven, 2

Dans cette galérie littéraire, j'ai apprécié quelques anecdotes concernant des écrivains qui font partie aussi de mon Panthéon personnel. Georges Perec apparaît dans ce texte avec cette phrase qui lui ressemble tant : "Vous savez, jeune homme, ce qu'il faudrait dans la vie, c'est écrire ou moins une fois chaque mot du dictionnaire. (...) Car les mots, voyez-vous, se refroidissent ou risquent de s'éteindre si on ne soucie pas d'entretenir leur feu originel grâce à la voix et au souffle". Bel hommage à notre langue française. Jean-Paul Enthoven raconte ses rencontres et celle avec Françoise Sagan est particulièrement savoureuse. L'amour de Proust les réunissait dans une passion partagée. J'ai retrouvé avec plaisir mon cher Milan Kundera dans un chapitre plein d'émotion car l'auteur relate le fin de vie de l'écrivain disparu en 2023. Il résume à merveille la philosophie fondamentale kundérienne : "Fuir la meute, le spectacle, le bruit, la pétition, le carnaval, l'imagologie. Sagesse en acte. Preuve par le retrait". Sa fin de vie s'avère d'une infinie tristesse car Milan Kundera était atteint d'une longue maladie affectant sa mémoire. Il déchirait les livres que Vera lui tendait en faisant des confettis. Un seul échappait à cet "émiettement" : "L'homme révolté" d'Albert Camus. Il voulait sans doute manifester sa révolte face à la maladie qui le rendait absent au monde. Il évoque des personnalités marquantes dans le panorama culturel français comme Jean Daniel,  Bernard-Henry Levy, un frère de coeur, le seul vivant du livre. Il égratigne Julien Gracq, trop solennel à son goût, trop sérieux. Il préfère la fantaisie de Romain Gary ou de Jean Cocteau. Ce grand témoin de la littérature contemporaine esr surtout un grand amoureux des livres et de sa bibliothèque : "Les livres qui tapissent mon refuge m'enveloppent et me protègent. Leurs reliures dorées, rutilantes, pâles, leurs tranches en lambeaux, leurs pages fraîches ou jaunies, répandent un éclat de sérénité qui m'offre un rempart bienfaisant". Cet essai littéraire rend un hommage passionnant aux écrivains amis, aux personnes touchées par la grâce de l'écriture qui l'ont accompagné toute sa vie. Comme le suggère le titre du livre, "Je me retournerai souvent", un esprit de gratitude et de reconnaissance envers tous ces créateurs de génie.