mercredi 19 mars 2025

"Le Bateau-phare de Blackwater", Colm Toibin

Je poursuis ma découverte de l'excellent écrivain irlandais, Colm Toibin, avec "Le Bateau-phare de Blackwater", publié en 2001 dans la collection 10/18. Le personnage principal, Helen, vit en harmonie avec son mari et ses deux fils. Sa famille est partie sans elle dans le Donegal. Elle veut profiter de cette parenthèse pour souffler mais, elle reçoit la visite d'un ami de son frère, Declan. Paul lui annonce la maladie de ce frère qu'elle aime tendrement. Homosexuel, il est atteint du sida et va mourir. Elle est chargée d'informer leur mère qu'ils n'ont pas vue depuis plusieurs années. Declan veut finir ses jours chez sa grand-mère dans la maison de famille à Wexford, au bord de la mer. La grand-mère et la mère sont des femmes à fort caractère et leur relation semble toujours tendue. Declan arrive dans la maison avec deux de ses plus fidèles amis et ce nouveau clan disparate va devoir composer et vivre ensemble. L'état de santé du jeune homme se dégrade au fil des jours et sa nouvelle famille recomposée prend soin de lui avec une générosité exemplaire. Colm Toibin décrit merveilleusement les conflits familiaux. Lily, la mère, a perdu son mari d'un cancer et elle a choisi l'éloignement de ses enfants qu'elle a confiés à sa mère. Les souvenirs d'enfance remontent chez Helen et cette remontée d'un sentiment d'abandon alimente sa rancoeur contre sa mère qu'elle n'arrive pas à comprendre. Cette femme, désespérée par la mort de son mari, s'est murée dans le silence et s'est investie dans sa vie professionnelle très réussie. Elle habite dans une maison de rêve en bord de mer que ses enfants n'ont jamais vue. Les deux femmes n'approuvent pas la vie sexuelle de Declan mais, devant sa maladie, elles font face et se dévouent. Quelques scènes de la vie commune entre les amis de Declan et les femmes de la famille éclairent le crépuscule du jeune homme qui finira sa vie à l'hôpital. Ce roman de réconciliation se déploie autour de personnages attachants comme celui d'Helen et de son frère, Declan. Les années 80 ont été marquées par la tragédie du sida et Colm Toibin s'empare de ce sujet avec une délicatesse surprenante même s'il décrit avec précision les dégâts physiques du jeune homme d'un courage incroyable. Les rancunes, les non-dits, ne s'envolent pas facilement dans l'esprit de chaque protagoniste mais, l'apaisement dans les relations advient quand la maladie frappe. Le style sobre et sans fioriture de l'écrivain évite la noirceur du sujet et ce roman démontre le talent particulier de Colm Toibin, celui de proposer une analyse psychologique d'une finesse de dentelle.