J'ai relu récemment l'autobiographie de Philip Roth, "Les Faits", publiée chez Gallimard en 1990. Ce récit, traduit par Josée Kamoun, sa fidèle traductrice de longue date, est l'un des deux livres autobiographiques de sa production avec l'extraordinaire "Patrimoine" qu'il faut absolument lire. Auteur de 26 romans depuis "Portnoy et son complexe", publié en 1970, l'auteur consignait son quotidien dans des carnets qui formaient la matrice de ses fictions. Dans ce texte percutant, il revient sur son passé, sur sa propre archéologie. Comment est-il devenu un grand écrivain ? Il se met à nu pour analyser ce besoin essentiel d'écrire, le sens de son existence. Tous les lecteurs et lectrices connaissent le double de Philip Roth dans le personnage de Zuckerman qui a longtemps servi de miroir grossissant en écrivain "plus intense", '"plus tonique", "plus divertissant", "Ombre portée de moi-même, une autre espèce de moi, en quelque sorte". Dans "Les Faits", il cherche à dire la vérité, sa vérité, loin du "mentir-vrai" de la fiction. Quand il compose ce récit, il vient de perdre sa mère et une opération chirurgicale l'a amoindri. Son angoisse de vieillir le taraude. Dans sa cinquantaine, il veut rendre hommage à sa famille et s'interroge sur sa personnalité complexe. Il relate sa lumineuse enfance entre une mère aimante et un père courageux, immigrés juifs d'Europe centrale, exemplaires dans leur volonté de s'assimiler à l'identité américaine. Son frère, Sandy, d'un tempérament artiste, a beaucoup compté pour lui. Le père de l'écrivain travaillait dans une société d'assurances et il a gravi les échelons malgre sa judéité, qui présentait un handicap à cette époque. Philip Roth admire ses parents et se considère comme un "bon fils", même s'il révait de les quitter. Très bon élève, il réussit un parcours sans faute jusqu'à l'université de Bucknell en Pennsylvanie dans les années 50. Dans sa jeunesse, il raconte avec son style percutant les actes antisémites que sa communauté de Newark subissait. Il raconte ses flirts nombreux mais un événement va percuter sa vie. Il fait la connaissance d'une femme, Josie, divorcée et mère de deux enfants, plus âgée que lui. Cette femme va le tourmenter pendant dix ans. Mythomane, dépressive, "accidentée de la vie", elle va même simuler une grossesse en remplissant une fiole d'urine prélevée sur une femme enceinte pour se faire épouser. Cette histoire rocambolesque se retrouvera dans "Ma vie d'homme". Philip Roth évoque, évidemment, sa vie sexuelle trépidante, synonyme d'une liberté totale, revendiquée avec sa truculence habituelle. (La suite, demain)