dimanche 2 mars 2025

"Trésor caché", Pascal Quignard, 2

 Luigi meurt donc de chagrin car il ne supporte pas la disparition de sa mère. Louise quitte son paradis terrestre d'Ischia et retourne dans sa maison de campagne. Elle retrouve son cercle familial et elle cumule des pertes : son père et son ex-mari. Cette série de deuils au seuil de sa retraite et d'un "certain repli sur soi" rappellent à Louise le décès de sa mère quand elle était enfant. Pascal Quignard évoque avec bonheur l'avancée de l'âge et ce "trésor caché" semble correspondre à l'éloge tout simplement de la vie dans tous ces facettes lumineuses ou sombres. La symbolique de l'eau imprègne les pages : de la mer aux rivières, des lacs aux fleuves, l'auteur ressent une fascination pour cet univers liquide. Ce roman hybride mêle toutes les formes littéraires : conte, aphorismes, légende, histoire amoureuse, journal intime, éloge. L'art de l'écrivain englobe ces libertés de l'écriture sans se conformer à un modèle unique et uniforme : "Parfois les mots sont des hameçons étranges qui piquent ou qui embrochent un bout de vie au fond de la mémoire". Le coeur du roman repose sur le personnage de Louise, un double féminin de Pascal Quignard, à la recherche du bonheur d'être et ce "trésor caché" symbolise toutes les possibilités que la vie donne pour l'apprécier. Quand un journaliste a demandé à l'écrivain un voeu en début d'année, il a répondu l'essentiel : "rester vivant". Dans ce livre qui condense toutes les facettes "quignardiennes", deux éloges m'ont semblé dominants : l'éloge des chats et l'éloge de la vieillesse. Les chats prennent une place importante dans la vie de Louise (et de Pascal Quignard). Farouches, libres, indépendants, calins, intelligents, ils sont omniprésents dans le texte. Il est très rare qu'un écrivain évoque le "vieillissement" sans constater le ravage éventuel physique, moral et intellectuel du cumul des années. Mais, Pascal Quignard ne sombre pas dans ce pessimisme. "L'âge tend une main plus vaste que ne peuvent l'être les poings ou les menottes du premier monde, du premier jour de la naissance, des premières saisons de l'enfance. (...) Seul l'âge, dans le monde externe, constitue le trésor". Il faut se laisser porter par le flux poétique de ce texte entre "la jouissance de la vie et la mélancolie de la perte". Un des meilleurs romans de Pascal Quignard.