En ces jours de novembre où on pense davantage à nos chers disparus, j'ai lu le nouveau livre de Lydia Flem, "Que ce soit doux pour les vivants", publié en septembre dans la collection "La librairie du XXIe siècle" au Seuil. Après son ouvrage le plus connu, "Comment j'ai vidé la maison de mes parents", publié en 2004, l'écrivaine revient sur la notion du deuil d'autant plus qu'elle a récemment perdu son mari, Maurice Olender, éditeur et directeur de la collection du Seuil. Il aurait prononcé cette phrase sur la douceur, devenue le titre du livre. Lydia Flem pose la question suivante : "Que font les vivants avec les morts ?", en ajoutant que ces derniers peuvent aussi jouer un rôle majeur dans notre vision de la vie. Le titre du livre évoque le sentiment du "doux deuil", "ce deuil long, ce deuil sans fin, nimbé de tendresse". Pour Victor Hugo qu'elle cite, "les morts sont des invisible, mais non des absents". Son mari continue de l'habiter car il lui avait demandé d'écrire un ouvrage sur le deuil en résonance avec la mort de ses parents en 2004. L'écrivaine déclare aussi : "Ce n'est pas parce qu'une personne meurt que l'amour qu'on éprouve pour elle disparaît". Cette idée contredit souvent l'expression de "tourner la page", s'arracher par devoir à la douleur de la perte et ne plus évoquer nos disparus. En fait, la menace d'un oubli total guette tous ceux et celles qui ont perdu leurs proches. Les lieux, les objets, les archives, les photographies se transmettent de génération en génération et grâce à ces traces indélébiles, les vivants et les morts se mêlent intimement. Le temps n'est plus linéaire : "Le temps fait des boucles, avance en se déportant sur le côté. Il ne se déroule pas selon une flèche orientée entre passé et futur. Chaque nuit explore hier et demain, parfois, ils se confondent". Pour illustrer sa pensée, elle s'appuie sur la photographe Moira Ricci et sur une étudiante, Mathilde, qui photographie les archives de l'autrice. Des souvenirs personnels apportent aussi une touche intimiste au récit, à ce "doux" récit sur la disparition définitive de nos proches qu'on aime toujours autant, si ce n'est plus encore. Parler d'eux, posséder des objets souvenirs, permettent de "prolonger leur présence-absence". Ce texte sensible et lumineux ne peut qu'émouvoir les lecteurs et lectrices qui vivent l'expérience d'un deuil. Psychanalyste, écrivaine, photographe, membre de l'Académie royale de Belgique, Lydia Flem nous offre un récit magnifique sur la vie des vivants et sur la suvie des morts dans notre esprit.