J'ai choisi Emmanuel Carrère dans le cadre de l'Atelier Littérature du mois d'octobre. Pourquoi ce choix pour mon deuxième atelier de la saison ? Dans le panorama littéraire contemporain, les critiques citent son nom comme celui de Michel Houellebecq, les considérant comme de grands écrivains contemporains, connus autant en France qu'à l'étranger. La rentrée littétaire commentée par la presse évoquait dès cet été, l'événement à surveiller : le dernier récit d'Emmanuel Carrère, "Kolkhoze", publié chez P.O.L., son éditeur de toujours. Je l'ai donc lu et malgré les 560 pages, j'ai beaucoup apprécié ce récit autobiographique d'une grande ampleur et d'un souffle romanesque évident. L'écrivain évoque ses influences littéraires : Georges Perec et Marguerite Yourcenar. Il admire le roman de Perec, "W ou Le souvenir d'enfance" mêlant l'histoire intime à la grande Histoire. Marguerite Yourcenar a composé son autobiographie à partir de ses propres archives, "Le Labyrinthe du monde" en trois tomes, et ces récits psychogénéalogiques ont fortement influencé l'écrivain pour se plonger lui-même dans les eaux familiales. Comment résumer ces centaines de pages ? Exercice difficile. Je tire le fil le plus essentiel : le portrait de sa mère, Hélène Carrère d'Encausse, morte en 2023. Cette grande dame de l'excellence française, Secrétaire perpétuel de l'Académie française, spécialiste du monde russe, a un parcours exemplaire dans une assimilation parfaite avec la France. Son mari, originaire de la bourgeoisie bordelaise, n'a pas la même trajectoire que sa femme. Il occupait un poste de direction dans les assurances et voyageait beaucoup. Emmanuel Carrère en prenant le titre de "Kolkhoze" raconte une anecdote familiale d'une tendresse évidente quand leur mère invitait ses trois enfants dans sa chambre le soir pour dormir avec elle : faire kolkhoze. Le narrateur remonte sur quatre générations et il avait déjà mentionné la généalogie de sa famille dans "Un roman russe". Originaire de la Georgie, sa mère, née Zourabichvili, issue de la noblesse russe ruinée, s'est exilée en France dans les années 30. Son père a collaboré avec les Allemands pendant la Guerre et Emmanuel Carrère avait révélé ce secret refoulé et honteux que sa mère voulait absolument caché. Le père de l'Académicienne a disparu certainement assassiné pendant la Libération. Ce roman biographique raconte une saga familiale fascinante dans le bouleversement de l'Histoire : la révolution bolchévique, l'exil des Russes blancs, la guerre mondiale, la Russie de Poutine, la France institutionnelle avec l'Académie française. (La suite, demain)