mercredi 3 septembre 2025

"Journal. Les années d'exil, 1969-1989, tome 3", Sandor Marai, 2

 Ce tome 3 du journal montre le côté sombre de Sandor Marai car, âgé de 67 ans quand il écrit ses mémoires, il évoque souvent le déclin de sa santé et surtout celle de sa femme. Avec un certain esprit de dérision, il plaisante en pensant à sa disparition : "A notre âge, ce n'est pas tant un logement que l'on cherche qu'un crématoire proche et fiable". Le couple s'installe à San Diego en Californie après Salerne et ils semblent bien isolés dans cette ville balnéaire : "Le nombre de personnes que nous pouvons appeler diminue de plus en plus". Heureusement la nature luxuriante et la beauté du Pacifique atténuent ce sentiment de solitude. Les livres sont les véritables soutiens affectifs de l'écrivain, en particulier ses collègues hongrois, Arany, Babits et Krudy. Il parle aussi de Soljenitsyne qu'il admire pour avoir dénoncé les atrocités du communisme : "Le prix de la liberté est élevé. Je ne lis que les livres de ceux qui l'ont payé". Son goût pour les mots ne faiblit jamais et il consulte les dictionnaires avec gourmandise : "C'est comme farfouiller secrètement dans un sac d'or". Il cite ses lectures qui le rendent heureux, en particulier Marcel Proust et Stendhal. Les bibliothèques le rassurent aussi, considérant ces espaces comme des paradis. Mais, plus l'écrivain vieillit, plus la vie devient difficile. Il s'intéresse aux écrivains qui se sont suicidés comme Nerval et Montherlant. Les séjours à l'hôpital se multiplient et quand son épouse, Lola, meurt dans une souffrance terrible, Sandor Marai se retrouve seul et il pense à propre mort, ne supportant pas cette cruelle séparation. Il achète un pistolet et pense au suicide. Il perd alors ses deux frères et sa soeur, et apprend la mort subite de son unique enfant adoptif, Janos, âgé d'une quarantaine d'années. En janvier 89, il se tire une balle dans la tête et ses cendres seront dispersées dans l'océan. Malgré son naufrage final, l'écrivain hongrois a aimé la vie malgré ses trente ans d'exil. L'amour pour Lola est omniprésent dans son journal, un amour immense quand il écrit, trois ans après sa mort : "Aujourd'hui, Lola, m'a beaucoup manqué, son corps, noble et élégant. Son sourire. Sa voix". Un beau journal intime, sincère et poignant, un hymne à l'amour et à la littérature.