Jean-Paul Kauffmann a donc tenu bon face à ses terroristes islamistes parce qu'il était "construit" par son enfance heureuse et par des parents aimants. Le bonheur de son passé atténuait l'horreur de son présent. Mais, à l'age de onze ans, il est entré en pensionnat, ce qui était un privilège pour les familles modestes, une chance à saisir. L'auteur précise dans la presse : "Ce livre est d'abord une dette que j'avais envers une enfance qui m'a protégé. Je n'ai fait aucun cauchemar pendant ma captivité". Dans le cadre de son enquête sur son enfance, apparait un personnage clé : un mystérieux abbé, cousin de la famille, original, marginal dans la hiérarchie de l'Eglise, influent. Ce cousin a conseillé aux parents de Jean-Paul qu'il poursuive ardemment des études. De nombreux passages de son texte sentent des parfums proustiens : l'odeur si caractérisque du pain dans le fournil paternel, les odeurs d'une nature préservée dans une France villageoise, solidaire et chaleureuse. Il décrit la présence d'un catholicisme omniprésent (le narrateur était enfant de choeur dans l'église de son village). Tous ces souvenirs forgent une identité culturelle que l'on n'oublie jamais en soi. Il devient journaliste, mené par "le démon de la curiosité", "par désir d'apprendre et de découvrir la nature secrète des choses". Cette curiosité chevillée au corps donnera naissance à tous ses récits-enquêtes. Le jeune homme, Marcel Martin, responsable de l'accident, intéresse le narrateur. Qu'est-il devenu ? Comment a-t-il traversé la vie ? Jean-Paul Kaffmann retrouvera les traces de cet homme et interrogera un membre de sa famille. Il raconte le réel sans émettre aucun jugement sur le comportement des hommes. Ce livre m'a réjouie par son hommage à l'enfance dans les années 50: "L'enfance est un grenier, un coffre-fort, un athanor, où l'on emmagasine sans souci encore des lendemains qui chanteront peut-être". J'apprécie aussi son immense culture quand il évoque des écrivains, des peintres dont Nicolas Poussin, des voyages, des découvertes. Cet écrivain occupe une place particulière dans le panorama littéraire contemporain : hors-norme, hors tribu parisienne, ancré dans le passé et dans le présent. Un très bonne lecture estivale.