Le roman de Donatella Di Pietrantonio, "L'âge fragile", a obtenu le célèbre prix Strega, l'équivalent du Goncourt, en 2024. Lucia, le personnage principal, se souvient d'un drame atroce, survenu dans les années 90 dans les Abbruzes alors qu'elle avait 15 ans. Un crime a eu lieu près d'un camping en montagne et deux jeunes filles ont été tuées. La meilleure amie de Lucia a échappé miraculeusement au meurtrier. Lucia, trente ans après, s'est séparée de son mari et sa fille unique, Amanda, est revenue chez elle après avoir été agressée à Milan. Cet acte de violence la renvoie à ce crime dans la montagne. Lucia pratique le métier de kinésithérapeute dans ce milieu rural. Mais, sa fille traverse une crise dépressive après son agression et ne communique plus avec sa mère. Confrontée à son malaise, Lucia se souvient de la violence qu'elle a elle-même rencontrée dans sa région d'origine. Son père, Rocco, envisage de lui faire la donation du camping maudit, dans l'alpage, surnommé le Dente del Lupo où a eu lieu le drame. Ce site désolé et abandonné a pourtant connu son heure de gloire avec une piscine et une guinguette que les habitants de la vallée fréquentaient beaucoup. Dans ce lieu de bonheur, le malheur a surgi avec sa brutalité évidente quand un jeune berger frustre a assassiné ces deux jeunes campeuses. L'écrivaine s'est inspirée d'un fait divers qui avait scandalisé l'opinion publique. A travers ce drame terrible, Donatella Di Pietrantonio décrit un monde où l'emprise des hommes se manifeste dans la vie des femmes. Du meurtre des deux jeune filles à l'agression de sa propre fille, la violence règne dans le monde depuis la nuit des temps. Cet "âge fragile", le titre du roman, représente la fragilité et la vulnérabilité des femmes. Un aspect important du roman se situe dans la relation mère-fille, traitée d'une manière subtile et profonde. La montagne peut aussi se transformer en piège : "Elle ne partageait pas cette vision idéalisée de la montagne, les forêts étaient certes séduisantes mais, aussi pleines d'ombres. Elles pouvaient vous trahir, vous perdre. Le garçon y avait perdu le sens des limites humaines". La construction du roman repose sur l'alternance passé-présent et donne au récit une rare fluidité. Un très bon roman à découvrir avec en prime, un voyage dans les Abbruzes, région peu connue de la péninsule.