J'ai redécouvert la grande Colette depuis deux ans. Comment oublier une écrivaine aussi vibrante, une femme libre, une compagne littéraire aussi empathique ? Elle aimait tant la vie qu'elle communique une énergie vitale en la lisant. J'avais redécouvert un grand nombre de ses oeuvres dont les emblématiques et savoureuses "Claudine". Je ne sais pas pourquoi je lis Colette plutôt l'été que l'hiver. J'ai relevé dans un ouvrage récent de Jean-Paul Kaufmann que certains écrivains étaient 'atmosphériques" et Colette appartient à cette catégorie. J'ai donc repris ma Pléiade pour lire "Chéri", paru en 1921. A chaque lecture d'un Colette, je me retrouve dans une France totalement disparue, comme dans le monde de Marcel Proust. La matrice du roman ressemblait plus à une pièce de théâtre qu'à un roman. Chéri est un très beau jeune homme, un peu dandy, un peu infantile, plus adolescent qu'adulte. Il entretient une relation intime avec une ancienne courtisane, Léa de Lonval, une quinquagénaire de toute beauté. La mère du jeune homme, Charlotte Peloux, amie de Léa, complote de le marier avec une jeune fille, Edmée. Le complot réussit et Chéri accepte de quitter sa maîtresse pour mener une vie plus "respectable". Léa comprend alors sa défaite et songe avec frayeur à son vieillissement inéluctable. Elle quitte Paris sans laisser d'indice sur sa destination. Après un voyage de noces de six mois, Chéri se morfond dans ce mariage et devient jaloux, obsédé par la vie de Léa qu'il soupçonne d'infidélité. Il réalise qu'il est très amoureux de son ancienne maîtresse et fuit son nouveau foyer en se noyant dans les mondanités. De son côté, Léa a cherché l'oubli mais ne l'a pas trouvé. Elle rentre à Paris et quand les deux amants se retrouvent, ils s'aiment à nouveau. Mais, au matin, Chéri réalise que sa maîtresse est marquée par les années. Sa douce "Nounoune" n'est plus la femme qu'il a aimée. Ils se séparent sans drame et Léa pressent la fin de ses amours. Le roman raconte l'histoire de sa relation transgressive avec Bertrand de Jouvenel, son beau-fils, devenu son amant avec le même écart d'âge que son couple fictif. Ce texte n'a pas vieilli et garde toute sa saveur. Il traite d'une question délicate, la nostalgie, nostalgie de la jeunesse, incarnée par l'insouciant Chéri. Léa, femme amoureuse dans le déclin, vit le drame de l'inéluctable vieillissement. Je lirai "La fin de Chéri", cet été pour retrouver la délicieuse Colette.