mercredi 15 mai 2024

"Une longue impatience", Gaëlle Josse

 Je viens de relire "Une longue impatience" de Gaëlle Josse, publié en 2018. L'histoire du roman se déroule en Bretagne dans les années 50. Anne, une veuve de marin, élève son unique fils en 1943. Elle travaille dans une usine de conserves. Un jour, Etienne, un de ses anciens compagnons de classe, se déclare car il aime Anne depuis leur enfance. Il attend deux ans pour respecter son deuil et lui, fils de pharmacien, la demande en mariage. Malgré leur différence sociale, ils se marient et Anne vit dans la maison bourgeoise de son mari. Ils forment un couple uni mais malheureusement Etienne ne supporte pas le petit Louis d'autant plus que la famille s'est agrandie avec deux petites filles. Louis est maltraité et sera même frappé par son beau-père. Anne ne réagit pas assez vite et Louis s'échappe du foyer. Il reste introuvable. Commence alors pour la mère une "longue impatience". Le garçon s'embarque dans un cargo marchand et ne donne aucune nouvelle. Pendant des années, Anne va vivre dans l'attente, une attente interminable en observant l'océan comme une femme d'antan en Bretagne qui perdait son mari en mer. Elle mène deux vies dorénavant : sa vie d'épouse et de mère et une deuxième existence, son jardin secret, vouée au chagrin d'avoir perdu son fils. Elle utilise l'écriture pour imaginer des futures retrouvailles avec Louis et brode une tapisserie. Cette attente douloureuse et insupportable se déroule dans la solitude de son ancienne petite maison de pêcheur. Gaëlle Josse évoque avec pudeur et avec délicatesse l'immensité de l'amour maternel, le manque infini de cet enfant disparu : "Ce toujours les mères courent, courent et s'inquiètent de tout (...) Elles se hâtent et se démultiplient présentes à tout, à tous, tandis qu'une voix intérieure qu'elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de leur flanc". Anne tombe dans la spirale de la culpabilité car elle n'a pas protégé son enfant des coups de ceinturon que son mari lui donnait. Elle se sent aussi étrangère au milieu de son mari : "Depuis des années, je cherche mon lieu à moi dans cette maison, un coin, un fauteuil qui serait ma place, mon refuge, mon centre de gravité et je ne le trouve pas". Les années passent. Anne s'étiole et finit par s'éteindre. Le fils va revenir mais il sera trop tard. Le chagrin l'a tuée. Ce roman poignant sur une mère désespérée, une femme courage,  raconte un fait universel sur la perte et sur le deuil. 

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