lundi 13 mai 2024

"A quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit ?", Gaëlle Josse

 Le dernier ouvrage de Gaëlle Josse, paru cette année, "A quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit ?", évoque des "silhouettes silencieuses à la grande nuit bleue". Ces textes courts, des mini-nouvelles, racontent des instants fugitifs, des moments fugaces, à la frontière du songe éveillé. L'écrivaine décrit ces micro-fictions nocturnes ainsi : "C'est l'heure des aveux, des regrets, des impatiences, des souvenirs, de l'attente. Ce sont les heures où le coeur tremble, où les corps se souviennent, peau à peau avec la nuit. On ne triche plus. Ce sont les heures sentinelles de nos histoires, de nos petites victoires, de nos défaites". Comment résumer ces textes nimbés de nostalgie ? Un homme se souvient d'un ancien amour et il ose lui envoyer un message quelques années plus tard. Une mère attend un coup de téléphone de sa fille, en vain. Une amoureuse prépare un bon repas pour un compagnon qui ne viendra pas. L'incompréhension dans un couple. Un éloge de la musique : "La musique comme un passage, une voie mystérieuse entre hier et demain, une invitation, une énigme rapprochée". Une escapade d'un couple au Japon, le rêve de leurs vies. Une querelle entre deux soeurs pour une bague de leur mère. Un chirurgien songe à un de ses patients mort sur la table d'opération. Un enfant assiste à la mésentente des parents. Un musicien renonce à sa carrière. Une escapade à Naples à partir de photos. Et toujours, la nuit, l'éveil, l'insomnie, la conscience d'être en vie dans un certain silence et dans une certaine solitude : "Les heures profondes de la nuit sont aussi les premières du matin, un matin qui s'ignore et n'a rien à dire au jour, un matin enveloppé de ses ténèbres comme dans un manteau d'hiver". Une rupture amoureuse : "Seule, soulagée, libre". Chaque texte est introduit par une phrase poétique sur le thème de la nuit : "La nuit violoncelle aux gestes graves, la nuit, pleine lune", "La nuit enlace-moi, la nuit promenade", "La nuit, le vent, le galop de la mémoire". Et le dernier poème du recueil : "La nuit les traces effacées, la nuit déchirure, la nuit rivage, la nuit, cahier blanc pour nos histoires, en saisir quelques unes et les nouer aux doigts du jour". Chaque personnage vit derrière une vitre dans la nuit, motif romanesque par excellence, moment de bascule. Les thèmes de Gaëlle Josse servent de balises au fil des pages : doute, espoir, peur, amour, tristesse, joie. La nuit fait tomber les masques du jour. Un très beau recueil, la quintessence de l'écriture de Gaëlle Josse. 

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