Lundi dernier, je me suis baladée comme je le fais régulièrement, au bord du lac. Lors de ma marche bénéfique, je m'arrête devant les cabanes à livres que j'aime bien fouiller. Quand je me suis approchée de la cabane du Jardin vagabond à Aix-les-Bains, j'étais ébahie : devant mes yeux, un amas de ferraille et de livres carbonisés ! Depuis quelques années, je me réjouis de voir ces boîtes à livres où chacun peut déposer des romans, des essais, des documentaires dans un méli-mélo sympathique. Parfois, je trouve des vieux poches, lus dans ma jeunesse ou même des nouveautés. Quels sont donc ces crétins qui ont mis le feu à cette cabane que j'avais prise en photo tellement elle était originale, s'intégrant dans cet espace vert protégé ? Quels sont ces idiots qui n'aiment pas les livres ? Quels sont les mobiles de ces antisociaux ? Mais, pourquoi s'attaquer à cet objet paisible qui ne gêne personne, un abri pour les livres qui n'ont aucune valeur marchande ? Je n'arrive pas à comprendre ces actes gratuits d'incivilité. Des livres dans un jardin public, de la culture en pleine nature, un acquis merveilleux de notre art de vivre. Des questions sans réponses. En juin 2023, des émeutiers ont brûlé quelques médiathèques et des écoles. S'attaquer au savoir, à la connaissance, aux "Lumières" relève d'un comportement inquiétant. Une partie de notre jeunesse semble partir en vrille en laissant leurs pulsions agressives prendre le dessus. Aucun surmoi pour ces jeunes, dépourvus de morale et d'idéal. Je rêve qu'ils approchent ces cabanes à livres et au lieu de prendre une allumette pour flamber ce nid où quelques livres sommeillent, un des protagonistes saisit un de ces beaux objets en papier et il se met à le lire. C'est un essai de Pascal Quignard. Il le feuillete et tombe sur cette citation : "L'humanité doit plus à la lecture qu'aux armes". Alors, ce garçon à la tête en jachère, choisit ce camp, le camp de la culture. Plus jamais de cabanes brûlées pour ne jamais revivre aussi ces autodafés des temps passés dont celui de Berlin. J'étais très émue devant ce mémorial de l'autodafé, appelé "La Bibliothèque engloutie", un monument du sculpteur israélien, Micha Ullman, inaugurée en 1995 et dédiée au souvenir des autodafés de livres perpétrés à Berlin en mai 1933. Cette oeuvre se situe sous le sol de la Bebelplatz. Plus de 20 000 livres ont été brûlés symbolisant pour les nazis, "l'esprit non allemand". La mairie d'Aix-les-Bains va-t-elle réintégrer une nouvelle cabine à livres dans le Jardin vagabond ? A surveiller.
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
mercredi 5 février 2025
mardi 4 février 2025
"Madame Bovary", Gustave Flaubert, 2
Le sentimentalisme exarcerbé d'Emma Bovary lasse ses conquêtes masculines. Ses achats compulsifs d'étoffes et de colifichets la mettent en danger car le commerçant lui fait crédit et la menace de saisir ses biens. Tout s'effondre pour elle : "Le lendemain fut pour Emma, une journée funèbre. Tout lui parut enveloppé par une atmosphère noire qui flottait confusément sur l'extérieur des choses, et le chagrin s'engouffrait dans son âme avec des hurlements doux, comme fait le vent d'hiver dans les châteaux abandonnés". Acculée à rembourser ses dettes, Emma comprend qu'elle ne peut plus faire face. Elle s'empoisonne par désespoir. Charles Bovary meurt de chagrin et la petite Berthe est confiée à une tante. Gustave Flaubert a élaboré avec ce personnage féminin le concept de "bovarysme", passé dans le langage courant. Ce sentiment d'insastifaction, de frustation procure une souffrance "psychique" chez l'héroïne qui désire une vie de passion, alimentée par les effets des lectures romantiques. Elle bute contre un réel qui la blesse sans cesse. Je pense à Clément Rosset et à sa théorie sur "Le réel et son double". J'aurais aimé que ce philosophe analyse le roman de Gustave Flaubert. Quand la réalité ne nous convient pas, chacun s'engouffre dans un double, un ailleurs et Emma se noie dans une idée du "grand amour" qu'aucun partenaire ne lui offre sauf son propre mari, Charles, le seul qui l'a véritablement aimée mais qu'elle néglige et méprise. Gustave Flaubert dénonce évidemment cette attitude mais il aime aussi cette femme quand il a déclaré : "Madame Bovary, c'est moi ! ". Le roman dans son ensemble décrypte aussi la "bêtise" : celle du pharmacien Homais, infatué de sa personne. Les amants d'Emma, Rodolphe et Léon, sont pétris d'égoïsme et de lâcheté. Ce classique intemporel demeure un puissant réquisitoire contre la médiocrité intellectuelle, le conformisme social, les illusions lyriques, la bêtise humaine. L'écrivain a subi un procès pour outrage à la morale et aux bonnes moeurs. Le roman, sous-titré, "Moeurs de province" en hommage à Honoré de Balzac, est inspiré d'un fait divers local, l'histoire d'une jeune épouse d'un officier de santé qui mourut à 26 ans. Et le style de Flaubert, un sommet de la langue française !
lundi 3 février 2025
"Madame Bovary", Gustave Flaubert, 1
Comme je le dis souvent dans ce blog, je retrouve le chemin des classiques avec délectation. Je redécouvre ainsi mes grands écrivains qui m'ont fait aimer la littérature : Flaubert, Stendhal, Balzac et Proust pour citer mes préférés. Le roman de Flaubert, "Madame Bovary", paru en 1857, se savoure avec plus d'intensité après une deuxième lecture. Emma représentait, à mes yeux, le modèle des femmes insastifaites, frustrées, déçues par la goujaterie de leurs amants. Je la trouvais un peu "idiote" de se laisser berner aussi facilement. Aujourd'hui, je la comprends mieux dans son désir d'être heureuse. Son balourd de Charles devient éperdument amoureux d'elle quand il la voit pour la première fois chez le père Rouault. Comme elle s'ennuie dans la ferme familiale, elle accepte de le revoir et finit par se marier avec ce médecin de campagne, loin d'être séduisant. Quand elle rêve de son mariage, elle pense à une cérémonie aux chandelles vers minuit. Evidemment, Charles ne comprend rien aux rêves de princesse de sa femme. Le poison du romantisme s'infiltre dans ses veines car, dans ses jeunes années adolescentes, elle lisait des romans à l'eau de rose où les princesses et les chevaliers peuplaient son imagination : "Elle était l'amoureuse de tous les romans, l'héroïne de tous les drames". La lecture peut aussi jouer un rôle déformant comme le Don Quichotte avalant des romans de chevalerie et se transformant en héros factice devant les moulins à vent. Charles constate que son épouse souffre des "nerfs". A cette époque, le mot dépression ne faisait pas partie du vocabulaire flaubertien. Il reçoit une invitation du marquis d'Andervilliers pour assister à un bal. Emma en sort éblouie par ce monde tellement différent du sien. Charles décide alors de quitter son bourg trop campagnard pour Yonville, une petite ville plus animée. Apparaissent dans le roman des personnage secondaires, hauts en couleurs, dont le stupide Homais, pharmacien herboriste, progressiste et voltairien, le notable de province par excellence qui sait tout sur tout. Emma donne naissance à sa fille, Berthe, mais elle est déçue car elle voulait un garçon. Le réel la contrarie constamment : elle n'éprouve rien pour son mari, ni pour sa fille qu'elle confie à une nourrice. Comme elle veut vivre avec passion, elle se lance dans une aventure amoureuse avec Rodolphe, un hobereau sans foi ni loi qui se moque de cette pauvre Emma, rêvant de fuir sa famille et son milieu petit-bourgeois. Elle se disait : "J'ai un amant, un amant ! Se délectant à cette idée comme à celle d'une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc possèder enfin ces joies de l'amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré". Emma Bovary ou les "Illusions perdues". Gustave Flaubert avait lu et bien lu Balzac ! (La suite, demain)
mercredi 29 janvier 2025
"Une seconde vie", Dermot Bolger
Comme j'ai choisi la littérature irlandaise pour l'Atelier Littérature de février, j'ai lu récemment "Une seconde vie" de Dermot Bolger, paru en 2012 chez Joëlle Losfeld. Cet écrivain, né en 1959, n'est pas très traduit en France. Seuls, deux romans ont franchi la frontière : "Toute la famille sur la jetée du paradis" et "Une seconde vie", parus en Folio. Le personnage principal, Sean Blake, photographe de métier, frôle la mort dans un accident de voiture. Il en sort indemme, mais son coeur s'est arrêté de battre pendant quelques secondes. Le jeune homme, marié et père de deux enfants, découvre qu'il ressent un sentiment étrange dû à cette survie miraculeuse : "Comment pouvais-je expliquer que j'étais revenu à la vie différent de celui que j'avais été, désormais incapable de me focaliser sur la petite république d'amour que nous avions soigneusement construite". Conscient de vivre "une seconde vie", Sean Blake comprend qu'il a bâti son existence sur un mensonge. Il a été adopté peu après sa naissance par un couple qui lui a révélé la vérité quand il avait onze ans. Il a enfoui ce secret de famille qu'il n'a confié à personne. Il se met en quête de sa mère biologique, une obsession qui le hante. Son identité semble ébranler face à ce gouffre existentiel : qui était sa mère ? Pourquoi cet abandon ? Est-elle encore vivante ? La réponse se situe dans les chapitres consacrés à cette femme qui a toujours pensé à ce bébé, confié à un couvent tellement une naissance hors mariage s'apparentait à un crime. Toute sa famille dont un frère prêtre ne lui a jamais tendu la main. Cette mère va pourtant se marier et avoir des enfants mais, cet acte d'abandon lui assombrira sa vie par la honte et par le remords. L'écrivain dénonce la dureté extrême de cette époque où les femmes irlandaises devaient confier leur enfant "mal né" dans les bras des religieuses au nom de la "respectabilité" imposée par l'Eglise. Sean Blake se plonge ainsi dans son passé trouble pour sauver son couple : "Comment lui dire que je lui mens depuis des années, qu'elle ne sait pas réellement qui je suis car je ne le sais pas réellement moi-même ?". Ce roman sur la problématique de l'adoption rappelle les films, "The Magdalene Sisters" et "Philomena" car plusieurs milliers de jeunes filles ont subi cette tragédie intime. Le fils adoptif va-t-il retrouver sa mère biologique ? Il faut lire ce beau roman, très bien traduit, pour le savoir...
lundi 27 janvier 2025
"Le Maître", Colm Toibin
Je poursuis avec un grand plaisir la lecture des romans de Colm Toibin, écrivain irlandais, lauréat du prix Femina l'an passé pour l'ensemble de son oeuvre. Comme il l'avait fait pour le grand écrivain allemand, Thomas Mann, dans une biographie romancée, "Le Magicien", paru en 2022, il avait déjà exploré l'univers de la création littéraire avec son "Maître", son modèle, Henry James (1843-1916). L'écrivain raconte cinq années d'Henry James de 1895 à 1899 à Londres. Sa pièce de théâtre, "Guy Domville" ne rencontre aucun succès auprès du public londonien. Par contre, la nouvelle pièce d'Oscar Wilde, est un triomphe. Henry James se console de son échec cuisant en voyageant en Irlande et en visitant des amis de la noblesse, installés dans ce pays. Colm Toibin s'arrête sur quelques événements majeurs dans la vie de l'écrivain américain. Sa soeur, Alice, une femme originale et fascinante, meurt jeune et cette mort a bouleversé son frère et sa famille. Il achète une maison dans la campagne anglaise pour vivre loin des mondanités urbaines, une vie calme, studieuse et concentrée au service de son imagination. Mais, il est perturbé par l'alcoolisme de son serviteur et il est contraint de renvoyer le couple. Henry James a perdu une amie chère avec laquelle il a vécu à Venise. Le destin tragique de cette femme de lettres qui se suicide a déclenché chez lui une mélancolie permanente. En Italie, le pays de son coeur, il fait la connaissance d'un sculpteur, Henrik Andersen, dont il tombe amoureux, un amour sans réciprocité et sans espoir. Son frère aîné, célèbre philosophe, William James, avec lequel il est en mauvais terme, vient lui rendre visite et enfin, a lieu leur réconciliation. Durant ces cinq années, Henry James compose trois de ses chefs d'oeuvre : "Ce que savait Maisie", "Le Tour d'écrou" et "Les Ambassadeurs". Au delà des anecdotes fondatrices de la personnalité d'Henry James, Colm Toibin interroge le mystère fabuleux de la création littéraire. Comment devient-on écrivain ? Comment vient l'inspiration ? La vie privée influence-t-elle l'élaboration psychique des personnages ? L'écrivain irlandais a déclaré que "Le Maître est devenu peu à peu un personnage, d'abord lointain. Un homme raffiné, plus très jeune, hanté par son passé, tout entier voué à son travail". Colm Toibin rend un hommage profond et sensible à Henry James, ce géant de la littérature universelle. La complicité évidente d'un cadet pour un aîné, d'un "élève" pour un "maître" donne au roman biographique une touche subtile et délicate. Et le Roi James conserve tout son mystère, son "aura" même après avoir refermé les pages de ce roman envoûtant.
jeudi 23 janvier 2025
"Ne jamais arriver. Le voyage d'Ovide"", Béatrice Commengé
J'ai reçu le mois dernier un beau cadeau d'une amie de l'Atelier Littérature : le roman de Béatrice Commengé, "Ne jamais arriver. Le voyage d'Ovide", paru chez Verdier en 2024. Comme j'aime tout particulièrement l'Antiquité greco-romaine, j'ai évidemment lu avec beaucoup d'intérêt ce texte-hommage au poète latin, Ovide, l'auteur des "Métamorphoses" et de "L'art d'aimer". Né en 43 av. J.-C. à Sulmone et mort en 18 ap. J.-C. à Tomis, l'actuelle Constantza sur les bords de la Mer Noire en Roumanie, le poète est le personnage principal de ce roman atypique et original. Pendant le temps immobile de la période Covid, la narratrice se met à rêver d'une île lointaine, celle d'un lieu parfait, couverte de végétation, portant le nom d'Ovide, "Insila Invidiu". Comme chez Proust, le nom de l'île mobilise son esprit fantasque et elle veut absolument connaître l'endroit improbable où le poète est mort. Alors, elle prépare ce voyage avec précision pour le mois de mars 2020 mais cette date tombe très mal car le gouvernement de l'époque assigne tous les citoyens et toutes les citoyennes à rester chez eux comme le fut Ovide, deux mille ans avant. Ovide a évoqué son exil en regrettant son pays natal, ses vignes et ses oliviers, ses champs, ses rivières. Dans son exil, il ne voit que "vent et glace, terre sans fruit, campagnes nues sans verdure et sans arbres". L'écrivaine partage avec un sentiment nostalgique, l'exil obligatoire sans espoir de retour de son poète : "Etre ailleurs, c'est se trouver en un lieu où le monde d'avant est inatteignable". Elle attend ce voyage pendant deux ans dans un esprit d'exaltation : pendant tous ces mois de covid, ce projet la porte, l'exalte. Ses rêveries vers cet île lointaine la précipitent dans son passé comme la traversée d'Alger à Marseille ou son premier voyage à Rome. Ce projet "ovidien" l'embarque vers des horizons imaginaires grâce à l'écriture. Le voyage se concrétise enfin en mars 2023 et la narratrice précipite son escapade en une semaine en raccourcissant les étapes : "C'était mon choix, le choix d'illustrer ce gigantesque bouleversement du glissement des heures sur les paysages". Le périple, digne d'Homère, passe par Rome en suivant la via Appia, puis de l'Adriatique à la mer Ionienne sur le ferry Brindisi-Patras, en traversant la Grèce, la Bulgarie jusqu'à Constantza. Elle écrit : "Garder toujours à l'esprit que, lorsque Ovide pleurait à Tomis, un million d'hommes et de femmes vivaient à Rome, et la terre tout entière comptait seulement 170 millions d'habitants". L'île paradisiaque se transforme alors en un lieu inatteignable car, en mars, aucun bateau ne fait la liaison pour visiter l'île. Au fond, le titre du texte prend tout son sens : "ne jamais arriver". Ce récit illustre la quintessence de la rêverie littéraire, ce que j'apprécie beaucoup. Après avoir lu ce livre tellement hors du temps, je vais enfin redécouvrir Ovide !
mercredi 22 janvier 2025
Atelier Littérature, les coups de coeur
Mylène a démarré la séquence "coups de coeur" avec un roman d'Alice McDermott, "Absolution", paru à La Table ronde en 2024. En 1963, lors de la guerre du Vietnam, Patricia, jeune irlando-américaine, rencontre Charlène, mére de trois enfants dont la petite Rainey. Cette petite fille lui montre sa Barbie avec ses divers costumes mais il lui en manque un, le "ao dai" que Lilly, l'employée de maison, lui confectionne. Charlène s'inspire de ce projet pour collecter des fonds afin de créer une Barbie saïgonnaise. Patricia se lie d'amitié avec Charlène, une femme généreuse et charismatique, pilier de la communauté américaine à Saigon. Soixante ans plus tard, Patricia, désormais veuve, raconte à Rainey cette période de son passé et sa fascination pour cette amie idéale. Mylène a beaucoup aimé ce roman qui raconte le rôle des femmes expatriées dans un pays en guerre et l'amitié entre ces deux femmes si différentes. Régine a présenté le roman de Sandrine Collette, "Madelaine avant l'aube", prix Goncourt des Lycéens, paru chez Lattès. Pas d'indication de temps, ni de lieu dans ce texte. Des familles pauvres travaillent une terre avare dans un hameau, "Les Montées" où vivent des jumelles Ambre et Aelis. Un jour, surgit Madelaine, une fillette affamée et sauvage, sortie de la forêt. Elle est adoptée par le hameau, ravi de l'accueillir. Mais, Madelaine, passionnée et courageuse, couve en elle la flamme de la révolte. Un critique a composé une critique dythirambique : "Sandrine Collette questionne l'ordre des choses, sonde l'instinct de révolte, et nous offre, servie par une écriture éblouissante, une ode aux liens familiaux". Comme je n'ai recueilli que deux coups de coeur, fait rare tout de même, Mylène a évoqué un deuxième coup de coeur sur un sujet d'actualité concernant la fin de vie. Il s'agit de l'ouvrage, "L'éclaireuse, entretiens avec Marie de Hennezel", paru chez Actes sud en 2024. Psychologue clinicienne, spécialiste du bien vieillir et pionnière des soins palliatifs, elle revient sur son parcours hors norme, ses rencontres, ses choix de vie, ses doutes et ses convictions. Un livre indispensable sur ce sujet délicat et douloureux. Le manque de coups de coeur s'explique par le nombre des absentes de janvier et peut-être aussi par l'époque festive de Noël...
lundi 20 janvier 2025
Atelier Littérature, 2
J'ai demandé aux lectrices présentes ce jeudi de choisir leur livre préféré de l'année 2024. J'avais établi mon propre palmarès dans ce blog en évoquant mes dix romans qui m'avait marquée. J'étais curieuse d'appliquer ce jeu littéraire à l'ensemble des lectrices amies. Régine a démarré avec "La petite menteuse" de Pascale Robert-Diard, disponible en Livre de Poche. Une jeune adolescente, Lisa, mal dans sa peau, se sent harcelée par les garçons. Un jour, elle accuse un homme de l'avoir violée. Cet homme s'appelle Marco, un ouvrier venu faire des travaux chez ses parents. Malgré sa déclaration d'innoncence, il est condamné à dix ans de prison. Mais, à l'heure de Metoo, la jeune Lisa a-t-elle dit la vérité ? Ce thriller pyschologique, écrit par la chroniqueuse juridique du Monde, se lit avec beaucoup d'intérêt et on découvre les terribles conséquences d'un mensonge qui entraîne un engrenage mortifère. Régine nous a communiqué son enthousiasme pour découvrir ce livre. Mylène a évoqué son choix : "Lire Lolita à Téhéran" de Azar Nafisi, édité chez Zulma. Après avoir refusé de porter le voile, Azar Nafisi doit quitter l'université de Téhéran. Elle décide de réunir sept de ses étudiantes pour des cours clandestins dans son salon. Ces jeunes femmes vont débattre de Nabokov mais aussi de Fitzgerald, de Jane Austen. Elles découvrent alors le pouvoir de la littérature comme "arme de résistance et gage de liberté". Geneviève a présenté "L'or des rivières" de Françoise Chandernagor, paru chez Gallimard. Ce récit autobiographique a donc enchanté notre amie lectrice car l'écrivaine raconte son enfance dans une région de rivières sauvages et de vallées sombres. Une enfance auprès d'un grand-père maçon dans un hameau, "une île, hors du temps, son île battue des vents, où, longtemps, on n'arrivait qu'à pied". Ce récit est un éloge des provinces souvent méprisées et la Creuse est devenue alors le "paradis perdu" de la narratrice. Odile et Véronique ont unanimement préféré "Les yeux de Mona" de Thomas Schlesser. Un grand-père, un homme érudit et fantasque, initie sa petite fille à l'art en lui montrant des tableaux du Louvre mais aussi des sculptures. Un ode à la beauté et à la sagesse. Un livre au succès planétaire. Odile a évoqué le grand roman de Paul Auster, "4 3 2 1", une lecture qui l'a beaucoup marquée. Ce roman total conte l'histoire d'un personnage unique avec quatre destions différents. Une entreprise littéraire surdimensionnée avec ses 1216 pages. Un ouvrage à emporter pendant de longues vacances... Il manque à ce palmarès quelques titres car, en ce mois de janvier, quelques amies lectrices étaient absentes. Je leur demanderai dans le prochain atelier de février leur choix.
jeudi 16 janvier 2025
Atelier Littérature, 1
Nous nous sommes retrouvées ce jeudi après-midi à la Base pour évoquer la liste sur Paris et sur les coups de coeur. J'avais demandé à chacune d'entre elles leur choix d'un roman qu'elles ont particulièrement aimé en 2024 et j'en parlerai dans ce blog. Nous avons commencé par Paris, notre capitale que les écrivains et écrivaines ont souvent décrit dans leurs romans. Odile et Geneviève ont démarré la séquence avec le roman de Laurent Gaudé, "Paris, mille vies", paru chez Actes sud en 2023. Elles ont trouvé la lecture de ce texte agréable. Le narrateur est apostrophé par un homme agité qui lui pose la question, "Qui es-tu, toi ?". Guidé par cet ombre errante, il se promène dans les rues de Paris où les époques se mêlent. Il écrit "Je crois que je suis le veilleur de la ville. Je n'ai rien d'autre à faire que déambuler dans ses rues comme un gardien attentif. Paris veut sa bouche. Elle a faim de mots. Trop de vies s'entassent en elle. Il faut les dire". Un défilé d'événements et de célébrités littéraires hante les pages de ce livre-éloge : la Division Leclerc, Victor Hugo, la Commune, Artaud et tant de fantômes du passé parisien. Laurent Gaudé chante ses mille vies qui accompagnent le narrateur. Un récit sur Paris à découvrir. Véronique a lu "Notre-Dame de Paris", le roman de Victor Hugo, paru en 1831. Tout le monde connaît l'amour absolu de Quasimodo, sonneur de cloches de la cathédrale, pour Esmeralda, une danseuse bohémienne. Il se passe beaucoup d'événements dans ce roman foisonnant et romantique qu'il serait intéressant de relire. Odile a lu et beaucoup apprécié "L'Oeuvre" d'Emile Zola, paru en 1886. J'ai évoqué dans ce blog le roman d'Emile Zola dont le malheureux héros, Claude Lantier, est obsédé par la notion d'oeuvre unique et finira par sombrer dans le désespoir et la mort. Un classique à redécouvrir sans tarder. Régine a très bien presenté "Paris vu et vécu par les écrivains" de Françoise Besse, paru en 2016. Ce beau livre bilingue pourrait servir de guide culturel pour découvrir la dimension littéraire de notre capitale. Régine nous a lu quelques anecdotes sur certains d'entre eux dont Céline et Henri Calet. Paris, un lieu essentiel d'inspiration pour tous nos écrivains et écrivaines de Balzac à Proust, de Nerval à Colette, de Prévert à Modiano et tant d'autres amoureux de la ville. (La suite, demain)
mardi 14 janvier 2025
"L'Oeuvre", Emile Zola
Dans mon programme des lectures récentes, j'ai redécouvert Emile Zola que j'avais oublié depuis très longtemps. J'appréciais le projet titanesque de Zola avec la saga des Rougon-Macquart et j'avais lu évidemment "Germinal", "Thérèse Raquin" et d'autres titres. En novembre, j'avais visité le musée d'Orsay et j'avais revu un grand nombre de tableaux impressionnistes. J'ai donc choisi "L'Oeuvre", publié en 1886, le quatorzième volume de la série des Rougon-Macquart. L'ouvrage se situe dans le monde de l'art et des artistes dans les années 1860-1870, à travers le portrait d'un peintre, Claude Lantier. Fils de Gervaise Macquart et d'Auguste Lantier, Claude est l'ami d'enfance du romancier Pierre Sandoz, un autoportrait d'Emile Zola. Les deux amis d'enfance appartiennent à un cercle d'artistes anticonformistes. Ils combattent l'académisme, loin des canons "classiques" qui ont la faveur des expositions officielles. Claude est toujours refusé dans les salons de peinture et se sent incompris. Emile Zola raconte aussi une histoire d'amour entre le peintre et une jeune femme, Christine, rencontré un soir de pluie sous le porche de son immeuble. Leur relation devient sérieuse quand ils décident de vivre à la campagne, loin de Paris. Ils ont un enfant et pendant quelques années, ils sont heureux mais l'obsession artistique de Claude reste vive. Il décide de revenir à Paris pour peindre des paysages urbains : "Je ne veux pas m'en aller avec toi, je ne veux pas être heureux. Je veux peindre". Mais, tout a changé depuis leur départ. Il devient de plus en plus isolé malgré ses retrouvailles avec ses amis. Il est obsédé par la création d'un tableau gigantesque qu'il installe dans un hangar. Il néglige alors sa famille et son cercle d'amis pour se consacrer à son oeuvre unique. Il finira par se pendre à la fin du roman tellement il se sent en échec et ne parviendra pas à créer son "oeuvre" unique, comme un absolu non atteint. Emile Zola évoque quelques peintres impressionnistes qu'il nomme les "Pleinairistes", ceux qui peignent leurs toiles en plein air comme Manet et son "Déjeuner sur l'herbe". Zola a fréquenté ce milieu artistique. Il a connu Paul Cézanne au collège d'Aix-en-Provence, sont devenus amis pour la vie. Et Paris ? La ville est souvent décrite surtout l'Ile de la Cité avec ses ponts et ses quais. Claude Lantier tente en vain de saisir la beauté de la ville, cette beauté réelle qu'il veut étaler sur une toile. Un roman vraiment intéressant qui n'a pris aucune ride sur ses pages...
lundi 13 janvier 2025
"Paris ne finit jamais", Enrique Vila-Matas
J'ai choisi Paris comme thème de lectures pour l'Atelier Littérature du jeudi 16 janvier. J'ai lu récemment "Paris ne finit jamais" de l'écrivain espagnol, Enrique Vila-Matas, publié en 2006. Cet écrivain original et d'une drôlerie ironique raconte dans ce roman autofictif son séjour à Paris dans les années 75. Il se réfère au modèle d'Hemingway, le chantre de la ville lumière des années 30, qui se disait "très pauvre et très heureux" alors que lui, fut "très pauvre et très malheureux". Le texte qu'il compose dans son présent fera l'objet d'une conférence à Barcelone consacrée à l'ironie. Le voilà jeune à Paris, dans une ville post-soixante-huitarde, jouant le rôle d'écrivain en herbe avec un premier roman, "La lecture assassine". En poète maudit, habillé en noir, il se définit comme un "situationniste". Il loge dans une chambre de bonne que Marguerite Duras lui loue. D'illustres personnalités ont défilé dans cette location comme François Mitterrand. Lui, ce jeune homme, ébloui par la vie littéraire parisienne, côtoie donc une grande écrivaine qui parle "un français supérieur". Elle lui donne des conseils d'écriture qu'il essaie de suivre. Cette figure célèbre réapparaît dans le roman avec des scènes très drôles. Il la décrit ainsi : "Je garderai à jamais le souvenir d'une femme violemment libre et audacieuse, qui incarnait en elle à tombeau ouvert, cette désolation dont sont faits les écrivains les moins exemplaires, les moins académiques et les moins édifiants, ceux qui ne cherchent pas à donner à tout prix une bonne image". Notre écrivain amateur se faufile dans les hauts lieux mythiques : Les Deux Magots, le Flore, etc. Il rencontre quelques exilés espagnols et d'Amérique du Sud ainsi que le cercle d'amis de Marguerite Duras qui vient de tourner "India Song". Il traverse ce monde parisien avec un humour dévastateur et se pose la question : où est donc la littérature ? Elle se cache peut-être dans le portrait de Virginia Woolf qu'il a affiché dans sa chambre de bonne ou dans la scène du Luxembourg quand il aperçoit Samuel Beckett sur un banc. Enrique Vila-Matas est un obsédé de littérature tant elle est prégnante dans sa vie. Ce roman ludique et baroque illustre bien la démarche de l'auteur espagnol, mêlant dans ses anecdotes, une réflexion quasi philosophique sur la littérature. Un roman-labyrinthe, un hommage à Paris, la ville des écrivains par excellence où il a ressenti dès les années 70 une atmosphère magique dans le mythique quartier de Saint-Germain-des-Prés.
vendredi 10 janvier 2025
Chronique chambérienne
Parfois, je me balade dans le centre ville de Chambéry pour des courses diverses. Je suis toujours étonnée par l'allure charmante des rues piétonnes et de la place Saint-Léger. Mais ce que j'apprécie le plus, c'est le côté "italien" de Chambéry. Quel dommage d'avoir rompu avec l'Italie ! Je serais une italienne adoptée aujourd'hui... Un jour de cette semaine, j'ai parcouru mes étapes "culturelles" avec plaisir. Première étape dans ma librairie préférée, Garin, où j'ai acheté le dernier roman de Pascal Quignard, "Un trésor caché". Je commence bien l'année avec un nouveau Quignard. Je le garde au chaud car je lis en ce moment du Henry James. Deuxième étape, le bouquiniste de la rue Basse du Château, une petite échoppe du Moyen Age où le libraire propose surtout des collections de romans policiers. J'ai fouillé quelques caisses et je suis repartie avec un ouvrage de Rilke et une biographie de Kierkegaard. Je ne pourrais pas vivre dans une ville dénuée de librairies, de bouquinistes et de bibliothèques. En me baladant dans les traboules, j'ai vu la plaque du cercle Alain-Fournier et en faisant des recherches sur Internet, j'ai appris qu'un certain Robert Chapeaux, alias Jean Ercé, journaliste lyonnais, a fondé ce cercle en 1944, l'une des première expériences d'éducation populaire de la Libération. Il est aussi à l'origine du premier ciné-club aixois car il est passionné par le cinéma d'amateur. Directeur de l'hebdomadaire "La Vie nouvelle", cet humaniste avéré a suivi la construction du quartier du Biollay. A Paris, j'aime toujours regarder les plaques littéraires sur les immeubles et, évidemment, à Chambery, j'ai en relevé une qui m'a intriguée : celle de Marc-Claude de Buttet, située dans la rue Métropole. Ce poète savoyard, membre du courant humaniste de la Pléiade, est né en 1530 et mort en 1586. Une notice sur Wikipedia assez complète raconte le destin de ce poète, ami de Ronsard. Au fond, les chambériens et chambériennes connaissent les séjours de Jean-Jacques Rousseau chez Madame de Warens aux Charmettes. N'oublions pas Marc-Claude de Buttet !
jeudi 9 janvier 2025
"Long Island", Colm Toibin
Après avoir lu le beau roman de Colm Toibin, paru en 2009, "Brooklyn", j'ai découvert la suite, "Long Island", publié chez Grasset en septembre 2024. Eilis Lacey, la jeune irlandaise, une sage adolescente trop obéissante des années 50, part en exil involontaire à New York. Ving-cinq ans plus tard, elle s'est donc mariée avec son amoureux, d'origine italienne, plombier de métier. Tout le clan familial Fiorello vit dans la banlieue de New York et Eilis travaille comme comptable dans une entreprise. L'envahissante famille de son mari, "ce grand filet familial", étouffe Eilis avec le repas obligatoire du dimanche et les intrusions incessantes de sa belle-mère dans son foyer. Le couple et leurs enfants semblent heureux dans ce cocon confortable et conformiste. Mais, le mari a commis une infidélité passagère dans une liaison éphèmère avec une cliente qui est tombée enceinte. Le mari de la dame ne supporte pas cet événement et il menace Eilis de déposer ce bébé devant la porte de leur maison pour l'élever. Pour Eilis, il est hors de question d'accepter cet enfant alors que son mari et son clan ne disent pas non. Elle prend ce prétexte de mésentente avec son mari pour retourner en Irlande à Enniscorthy afin de fêter les quatre-vingt ans de sa mère qu'elle n'a jamais revue depuis la mort de sa soeur, Rose. Le roman se déroule dans ce village irlandais où la présence de "l'américaine adoptive" suscite des ragots et des rumeurs. Sa mère, elle-même, ne la ménage guère malgré leurs retrouvailles tardives. Elle retrouve son ancien amoureux, Jim, toujours propriétaire de son bar et célibataire endurci. Il n'a jamais oublié cette si belle jeune fille qui lui cachait le secret de son mariage. Ils se retrouvent donc après ces deux décennies d'absence et Jim a entamé une relation amoureuse clandestine avec la meilleure amie d'Eilis. Vont-ils enfin s'aimer à nouveau ou est-ce trop tard ? Chacun se tait sur son propre secret malgré leur attirance commune. Et ce silence pesant bride les désirs d'une vie nouvelle. Eilis ne se sent pas prête pour vivre avec Jim à New York et lui, se sent culpabilisé d'abandonner sa fiancée cachée. Colm Toibin est un grand couturier des sentiments avec ses bobines de fils pudiques. Son style possède un charme certain tout en délicatesse et ce roman délectable se lit avec un vif plaisir. Au fond, le grand sujet de ces deux romans, "Brooklyn" et "Long Island", évoque la solitude farouche d'une femme exilée. Pour moi, le meilleur roman de l'année 2024.
mardi 7 janvier 2025
Mes récits et essais préférés en 2024, 2
Quand un écrivain ou un artiste m'intéresse particulièrement, je lis des biographies. J'ai donc apprécié le livre de Stefan Zweig sur Balzac. Le talent de l'écrivain viennois se manifeste dans les nombreuses biographies qu'il a consacrées à Freud, Marie-Antoinette, Magellan, etc. Celle de Balzac se lit comme un roman passionnant et tous ceux et celles qui aiment notre Honoré devraient se plonger dans ses pages hautement balzaciennes. Une biographie révèle les fondations de l'oeuvre littéraire et ces enquêtes en profondeur éclairent le phénomène extraordinaire de la création artistique. La biographie sur Milan Kundera, écrite par Florence Noiville, ressemble à un patchwork composé de fragments de textes, de conversations, de souvenirs, de photos, d'anecdotes sur cet immense écrivain, ce "maître de l'ironie et de la désillusion", un homme que se méfiait des "plaisanteries qui nourrissent nos rêves et nos mensonges". J'ai rarement lu une biographie de cette qualité. J'ai "dévoré" aussi celle d'Anselm Kiefer, écrite par José Alvarez, son éditeur et ami depuis plus de vingt-cinq ans. Cet artiste allemand aux recherches formelles très originales ne cesse de me bousculer quand je vois une de ses oeuvres dans les musées. Né en 1945, il s'interroge à travers son art sur les tragédies du XXe siècle : les guerres, l'Holocauste, mais aussi la spiritualité juive, les mythes, le cosmos, le paysage. J'ai mieux compris le travail d'Anselm Kiefer après cette lecture initiatique. Après ces biographies, j'aime bien lire des ouvrages liés à la psychanalyse comme celui de Lydia Flem, "Que ce soit doux pour les vivants" où l'essayiste évoque le "doux deuil, un deuil sans fin, nimbé de tendresse et d'émotions". Pour elle, il ne faut pas rompre avec nos morts mais, bien au contraire, "nouer des liens de continuité avec nos bien-aimés disparus, les garder vivants en nous, porteurs d'élans et de souffles nouveaux". Un essai troublant et émouvant. J'ai découvert récemment le livre de Pascal Chabot, "Un sens à la vie" où l'auteur analyse la mutation majeure de nos comportements quand on consulte sans cesse un écran, internet et les réseaux sociaux qu'il définit comme un "surconscient" numérique qui change notre rapport au sens. Il développe dans ce texte intéressant la notion de "digitoses contemporaines" comme le burn-out, l'éco-anxiété, l'irruption de l'intelligence artificielle. Voilà pour mes préférences d'ouvrages documentaires en 2024. L'année 2025 me réservera aussi de très bonnes surprises dans ce domaine éditorial...
lundi 6 janvier 2025
Mes récits et essais préférés en 2024, 1
Après les romans qui constituent tout de même la majorité de mes lectures, je lis des essais et des récits de vie. La fiction me passionne mais le réel me semble parfois aussi romanesque et même dépasse les frontières instables, friables entre ces deux notions. J'ai donc choisi dix documentaires en 2024 et je commencerai par le récit autobiographique d'Alain Finkielkraut, philosophe médiatique très souvent décrié mais pourtant indispensable dans les débats actuels sur la société contemporaine. Ce nostalgique du passé souffre des nombreux changements trop brutaux de la société. Pour lui, le slogan "du passé, faisons table rase" l'angoisse trop. Cet homme blessé ne se remet pas de ce grand chamboulement autour de la culture, du savoir et de la littérature. Il aime les citations pour "en arracher le riche et l'étrange" et cite ses modèles comme Hannah Arendt, Kundera, Virginia Woolf, Thomas Mann, etc. Son inquiétude existentielle sur un monde qui ne "va pas" illustre son éternel pessimisme philosophique. Un livre d'alerte à découvrir. Deux récits m'ont particulièrement touchée en 2024 : le journal bouleversant d'Hélène Berr et "Etre sans destin" d'Imre Kertész. Hélène Berr tient un journal de 1942 à 1944 et raconte sa vie parisienne au sein d'une famille juive. Elle sera arrêtée et disparaît dans le camp de Bergen-Belsen en avril 45. Cette jeune fille profondèment attachante était tiraillée entre sa joie de vivre à Paris et sa conscience de la tragédie qu'elle subissait avec sa famille. Un témoignage précieux et émouvant. Imre Kertész, écrivain hongrois, a écrit un récit glaçant, "Etre sans destin", une impitoyable reconstitution de son expérience de l'Holocauste avec le filtre fictionnel pour mettre à distance l'effroyable douleur d'être privé de son destin parce que Juif. Toute son oeuvre évoque l'étau du totalitarisme nazi mais aussi communiste. Un écrivain essentiel pour comprendre les tragédies du XXe siècle. Dans un des ateliers Littérature de l'an passé, j'avais proposé le thème de la littérature et de la psychanalyse et à cette occasion, j'ai relu "Le Malaise dans la civilisation" de Sigmund Freud, un grand texte plus philosophique que psychanalytique. Je cite seulement cettre phrase qui résume l'essai : "La question cruciale pour le genre humain me semble être de savoir si et dans quelle mesure l'évolution de sa civilisation parviendra à venir à bout des perturbations de la vie collective par l'agressivité des hommes et leur pulsion d'autodestruction". Une réflexion à méditer, de la Préhistoire à nos jours. (La suite, demain)
vendredi 3 janvier 2025
Mes classiques préférés en 2024, lire et relire
Plus j'accumule des années, plus je me rapproche de ma jeunesse quand j'ai commencé à lire des classiques dès mes quinze ans. En 2024, j'ai donc consacré quelques belles heures à Balzac en relisant "Eugénie Grandet", un roman passionnant sur l'avarice humaine et sur la fidélité amoureuse de cette pauvre jeune fille pour un goujat arriviste. Si je me retirais sur une île déserte, j'emporterais quelques pléiades de notre cher Honoré. J'ai aussi redécouvert après quelques décennies l'immense roman de Gustave Flaubert, "Madame Bovary". J'en parlerai prochainement dans ce blog. Mais, j'ai savouré tout au long du livre la prose flaubertienne, la langue française au sommet de son art. J'ai poursuivi aussi la lecture de Colette, avec "Claudine à Paris" et j'aime prélasser mon esprit dans la prose poétique de notre écrivaine bourguignonne. Je m'étais aussi donnée un vaste programme de relecture de Marcel Proust et j'ai profité du temps estival pour avancer d'un pas dans ce labyrinthe de mots, de pensées, de sensations avec "Sodome et Gomorrhe", le quatrième volet de "La Recherche du Temps perdu". Suivre les méandres de l'écriture proustienne reste une expérience unique de lecture qui stimule l'imagination. L'année dernière, j'ai enfin lu plus sérieusement Henry James que j'ai emporté avec moi à Venise avec sa nouvelle, "Les papiers de Jeffrey Aspern" et depuis cette découverte, je commence à me familiariser avec cet écrivain américain, le plus européen de tous à son époque avec sa centaine de nouvelles et quelques grands romans comme "Les Bostoniennes". Grâce à l'Atelier Littérature de février dernier, j'ai lu et relu des nouvelles de Stefan Zweig, une bonne vingtaine pour mon plus grand plaisir et je poursuivrai cette année l'exploration de son monde romanesque. Pour terminer l'évocation de mes classiques, je n'oublie jamais Virginia Woolf et j'ai relu "Instants de vie", un récit autobiographique où l'écrivaine se livre avec une sincérité audacieuse. Dans la catégorie de mes classiques contemporains, je reste fidèle à Pascal Quignard, un "objet littéraire non identifié", tellement son univers provoque souvent de multiples interrogations. D'autres écrivains m'appelent régulièrement comme Philip Roth, Milan Kundera, Marguerite Yourcenar. Mon programme de relectures s'étoffe année après années. Est-ce le constat que la littérature contemporaine ne m'enthousiasme moins qu'avant ? Peut-être...
jeudi 2 janvier 2025
Mes dix romans préférés en 2024, 2
Dans ma liste des dix romans préférés, j'ai négligé deux éléments : la parité et la langue et sans m'en rendre compte, mon choix est assez équilibré : cinq femmes et cinq hommes et à ma grande surprise, la littérature française est dominante. J'ai donc lu avec plaisir le dernier roman d'Hélène Gaudy, "Archipels" qui aurait mérité un prix littéraire important. L'écrivaine dresse un portrait sensible et attachant d'un père mutique, compulsif avec l'accumulation d'objets chez lui. Cet homme perd pied dans le réel et sa fille tente de retenir tous les souvenirs familiaux qui tomberont dans l'oubli si l'écriture ne s'en mêle pas. Un hommage à ses parents servi par une belle écriture. Une lecture m'a enchantée cet automne avec "Les Jardins de Torcello" de Claudie Gallay. Comment ne pas apprécier ce roman où le personnage principal se nomme Venise, la cité enchanteresse où la lumière change à tous moments. Une jeune femme cherche à s'inventer une vie meilleure. Et chaque séjour à Venise ressemble à une parenthèse hors du temps. Un roman "italien" mais écrit par un écrivain français m'a vraiment marquée : "Hôtel Roma" de Pierre Adrian. Avant de se suicider à Turin en 1950, Cesare Pavese a écrit : "Je pardonne à tous et à tous je demande pardon. ça va ? Pas trop de bavardages". Pierre Adrian a retracé le dernier été d'un écrivain hanté par l'échec. Un roman biographique élégant, pudique et passionnant sur ce grand écrivain italien. La littérature demeure toujours un vaste champ imaginaire. C'est le cas de la figure parfois écrasante de Marguerite Yourcenar. Un écrivain français, Christophe Bigot, s'est emparé de l'histoire amoureuse que la grande Marguerite a vécu à la fin de sa vie avec un jeune photographe de 46 ans son cadet. Ce roman biographique, audacieux et pourtant respectueux, se lit d'une seule traite surtout quand la première femme à entrer dans l'Académie française se voue à la passion d'aimer comme son cher Hadrien envers son jeune amant, Antinous. Mon neuvième choix se porte sur le roman original d'Isabelle Pandazopoulos, "Les sept vies d'Anna Freud". Le destin de la fille cadette de Freud ne pouvait que m'intéresser, un destin lié à la psychanalyse dans ses soubresauts comme dans ses conquêtes. Saga familiale, secrets intimes, Vienne et Londres, amours cachés, ce roman montre aussi la force vitale et le courage de cette femme exceptionnelle. J'ai terminé mon année avec le très beau roman de Colm Toibin, "Long Island", la suite de "Brooklyn". J'ai découvert cet écrivain irlandais et je consacrerai un billet sur "Long Island" dans ce blog en janvier. Un immense plaisir de lecture assez rare de nos jours. Voilà pour ma liste de mes préférences fictionnelles de 2024. Rendez-vous dans un an pour la présentation de mes dix meilleurs romans préférés en 2025 que j'ai hâte de découvrir au fil des mois !
mercredi 1 janvier 2025
Mes dix romans préférés en 2024, 1
Comme tous les ans, j'aime bien revenir sur mon année de lectures et je commencerai par mes dix romans préférés en 2024. Je lis une bonne centaine de livres par an tous genres confondus : des nouveautés, des classiques, des essais, des récits, des beaux livres d'art, des guides touristiques sans oublier la presse sur Internet. La lecture m'occupe quelques heures par jour et je me donne, je m'offre ce temps de lecture comme une respiration bienfaisante et bienveillante pour mon équilibre personnel. Selon des spécialistes de la lecture, lire stimule le cerveau, améliore la mémoire, atténue le stress, developpe l'esprit critique, apporte des connaissances, etc. Je ne cherche en aucun cas des justifications pour m'adonner à mon loisir préféré. Entre les livres et moi, c'est un vrai coup de foudre qui dure depuis que je sais lire ! Cette année, j'ai choisi sans ordre de préférence dix romans qui m'ont particulièrement marquée. Je commencerai par l'excellente romancière néerlandaise, Anna Enquist pour "Démolitions", publié chez Actes Sud. Ses thèmes de prédilection se nichent toujours dans ses ouvrages : un portrait de femme artiste, la musique, l'amour perdu, la désillusion, l'ironie, la psychanalyse. Alice Augustus raconte sa vie de compositrice avec ses heures de gloire comme ses heures sombres. Quand paraît un Anna Enquist, je cours en librairie pour le lire aussitôt ! J'ai choisi le dernier roman de Paul Auster, "Baumgartner", professeur de philosophie, veuf solitaire de 70 ans. Comment vivre sa solitude après des décénnies d'amour conjugal ? Il se penche sur son passé pour évoquer sa jeunesse, la vie de son père, sa rencontre avec Anna, sa femme et de sa disparition qui le laisse inconsolé. Roman de l'amour, roman de la perte, un dernier chef d'oeuvre de cet écrivain américain génial. Une troisième fiction, celle-ci française, m'a procuré un grand plaisir de lecture. Il s'agit de "Cézembre" d'Hélène Gestern. Des embruns de Saint Malo, une enquête familiale, une île mystérieuse, la culture marine, un style élégant. Un livre que l'on quitte à regret. J'ai aussi retenu dans ma liste, "La vie des spectres" de Patrice Jean. Un régal de lecture, plein d'ironie et d'insolence, politiquement incorrect. Le portrait d'un misanthrope moderne qui ne supporte plus le XXIe siècle, sa femme, son fils, ses amis. Un vieux sanglier solitaire bien sympathique au demeurant. (La suite, demain)