Pour terminer l'Atelier Littérature du mois de mai sur Gaëlle Josse, je reviens sur le roman "Nos vies désaccordées", publié en 2013. Cet ouvrage condense à lui seul les thèmes "jossiens" : la musique, l'amour, la poésie. Ces trois phares se retrouvent dans ce texte. François Vallier, pianiste de renom, voyage de Paris à Moscou, de New York à Tokyo. Il reçoit un jour un message d'un admirateur qui lui parle d'une patiente, Sophie. Cette femme écoute sans cesse les enregistrements du pianiste sur Schumann tout en s'adonnant à la peinture. Sa Sophie, sa rebelle, sa douce se retrouve dans un hôpital psychiatrique. Elle a subitement disparu après un malentendu regrettable. Trois ans sans elle. Il a refait sa vie avec Cristina, une belle Milanaise qui manage sa carrière. Il avait rencontré Sophie chez un luthier et son hypersensibilité l'attirait. Il l'avait apprivoisée au fil du temps. Pour renouer avec elle, il prend alors une décision radicale : partir à Valmezan dans les Pyrénées pour comprendre les raisons de sa disparition. Il annule ses contrats et s'installe dans un hôtel proche de l'hôpital. Le médecin de Sophie le reçoit et lui demande d'aller doucement pour approcher la jeune femme mutique et repliée sur elle. Comment va réagir Sophie en voyant son ancien compagnon ? François se livre, raconte sa musique et surtout évoque sa relation amoureuse avec la Sophie d'avant son internement. Vont-ils enfin accorder leurs vies ? Il leur faudra une patience infinie pour vivre enfin un amour apaisé. Ce roman de l'amour total pourrait sembler mièvre et démodé. Mais, le talent de Gaëlle Josse le transforme en sonate schumanienne, nimbée de nostalgie et de douceur. J'ai aussi lu son beau recueil de poésie, "Et recoudre le soleil", publié chez Notabilia. Elle compose ses textes dans "des carnets, des cahiers, sur des pages volantes, des agendas, des tickets, des listes, des enveloppes, des marque-pages". L'écrivaine poète ajoute : "J'ai eu envie de vous offrir aujourd'hui cette moisson de mots cueillis jour après jour, qu'ils aient été d'orage ou d'allégresse. Mais vivants. Vivants, oui et vibrants toujours". Gaëlle Josse, à mots feutrés, à fleur de peau, la poésie ancrée dans ses mots et une empathie évidente pour sonder les âmes.
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
lundi 20 mai 2024
samedi 18 mai 2024
La bouquinerie à la Chapelle Vaugelas
Comme tous les ans, je ne rate presque jamais la bouquinerie d'Amnesty International qui se tient dans la Chapelle Vaugelas ce week-end. J'aime bien ce rendez-vous annuel pour aller à la cueillette de quelques livres d'occasion qui pourraient me plaire. Voir ces milliers d'ouvrages sur des tables ou dans des bacs mérite le détour pour tout amateur de littérature. Je suis restée un grand moment dans cet espace très particulier de la chapelle et je ne comprends toujours pas pourquoi la mairie de Chambéry ne rénove pas cet espace cultuel et culturel. Les fresques sont très abîmées. J'ai donc fureté, trié, accumulé quelques livres dans mon escarcelle. J'ai donc acheté à un prix dérisoire "Le Hussard sur le toit" de Jean Giono que j'envisage de relire cet été. J'ai envie de retrouver ce hussard plein d'énergie et de courage dans une période historique de la peste en Provence. Tous les ans, Jean Giono comme Colette, ou Marguerite Yourcenar appartiennent à mon programme de "relectures". J'ai trouvé aussi un écrivain autrichien peu connu mais pourtant intéressant, Arno Geiger, publié chez Gallimard : "Tout va bien", publié en 2008 et "Le vieux roi en son exil", un portrait de son père, atteint de la maladie d'Alzheimer. J'avais gardé de ce dernier titre un très bon souvenir de lecture. J'ai déniché aussi un Zeruya Shalev et son meilleur roman, "Tout ce qu'il reste de nos vies" en Folio, un véritable chef d'oeuvre que je relirai très bientôt. J'ai aussi choisi un roman de Louis-Philippe Dalembert, "Une histoire romaine", publié en 2023 chez Sabine Wiespeser. D'autres titres ont rejoint mon sac à dos : "Sukkwan Island" de David Vann et "Sur la plage de Chésil" de McEwan. Un sociologue de la lecture devrait observer le stock de livres recueillis grâce aux dons des particuliers. Il constaterait l'engouement des lecteurs-trices pour les romans policiers, les bandes dessinées et les livres de poche de littérature générale. J'ai quand même remarqué très peu de livres sur la philosophie, les sciences humaines et l'art. Evidemment, des ouvrages sur la Savoie sont bien placés à l'entrée de la chapelle alors que la philosophie se situe dans l'espace le plus éloigné. Il suffit de fouiller un maximum de caisses et de tables pour découvrir quelques pépites. Cette boutique éphémère de livres d'occasion reviendra certainement l'année prochaine pour le plaisir des curieux et des curieuses de littérature. Un rendez-vous bien sympathique.
vendredi 17 mai 2024
Atelier Littérature, 2
Geneviève M. a lu "Une femme en contre-jour", publié en 2019. L'écrivaine s'expliquait sur ce choix inhabituel : "Raconter Vivian Maier, c'est raconter la vie d'une invisible, d'une effacée. Une nurse, une bonne d'enfants. Une photographe de génie qui n'a pas vu la plupart de ses propres photos. Une Américaine d'origine française, arpenteuse inlassable des rues de New York et de Chicago". Geneviève avait apporté un beau livre sur les photographies de Vivian Maier. Nous avons apprécié ces photos en noir et blanc, pleines d'empathie pour les enfants, les vieilles personnes et les Noirs d'Amérique. Ce roman inspiré par une femme qui a passé sa vie à surprendre ses contemporains, les perdants d'une Amérique des années 50. Une vie solitaire, pauvre, avec de lourds secrets de famille, une personnalité troublante. L'extrême attention que porte Gaëlle Josse aux destins parfois brisés ne pouvait que se porter sur Vivian Maier. Un débat a ensuite eu lieu dans l'atelier sur le roman "Ce matin-là", publié en 2021. Pascale, Régine et Odile ont bien apprécié le livre alors que Janelou a été déçue par l'histoire de la jeune femme en pleine burn-out. Pour Janelou, la dépression n'était pas assez réaliste et trop de détails descriptifs la gênaient. Le sujet délicat de la dépression était pourtant traitée avec beaucoup de délicatesse par Gaëlle Josse. Le roman se termine peut-être trop bien avec une guérison possible grâce à une reconversion professionnelle. Janelou a préféré "La nuit des pères", publié en 2023. Isabelle et son frère Olivier entourent leur père, atteint de la maladie d'Alzheimer qui va entrer dans "la brume de l'oubli". Ancien guide de montagne, ce père destructeur a meurtri sa famille et ce huis-clos retrouvé entre lui et ses enfants va provoquer des révèlations qui peuvent atténuer les douleurs passées. Régine a présenté le dernier ouvrage paru en 2024, "A quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?". Ce recueil de mini-textes, micro-fictions, représente la quintessence de l'art "Jossien". Des regrets, des désillusions, des peines, mais aussi de l'espoir fou, de la joie sage, de la sérénité conquise. Toute une galerie de personnages émouvants qui laisseront des traces dans la mémoire des lecteurs-trices. Régine a donné envie de lire ce recueil indispensable pour apprécier Gaëlle Josse. Une écrivaine touchante, sensible, élégante et délicate. On ne la quittera plus.
jeudi 16 mai 2024
Atelier Littérature, 1
Dans l''Atelier Littérature du jeudi 16 mai, une écrivaine française était à l'honneur, Gaëlle Gosse. J'ai déjà résumé dans ce blog quelques-uns de ses romans subtils, intimistes, esthétiques. Toutes les lectrices présentes ont apprécié l'oeuvre de cette romancière, venue à la littérature depuis douze ans. Pour simplifier la présentation de son oeuvre globale, j'ai choisi la chronologie. Son premier roman, "Les heures silencieuses", publié en 2011 avait tout de suite attiré la sympathie des lectrices et Régine l'avait déjà présenté comme un grand coup de coeur. Un tableau d'Emmanuel de Witte inspire la narratrice qui imagine la vie d'une femme, Magdalena. Elle raconte sa vie d'épouse, de mère alors qu'elle rêvait d'une autre vie, plus aventureuse. Un très beau premier roman. En 2012, elle publie "Nos vies désaccordées" que je présenterai dans un billet futur. Geneviève H. a choisi "Noces de neige" (2013). Elle a bien aimé ce roman à deux voix, deux parcours de deux jeunes femmes qui prennent le train à deux époques différentes. L'une, une jeune fille noble russe, Anna, voyage dans les années 1886 de Nice à Moscou et l'autre, Irina, jeune femme russe d'aujourd'hui, prend le train dans le sens contraire. Ce trajet va transformer leurs destins. En 2014, Gaëlle Josse écrit son roman le plus connu, "Le dernier gardien d'Ellis Island". Beaucoup de lectrices l'ont lu et l'ont apprécié à l'unanimité. A New York en 1954, le centre d'Ellis Island va fermer. Les immigrants européens ont été triés sur cet île depuis 1892. Le directeur, John, reste seul sur ce lieu déserté et se raconte dans un journal intime. Il se souvient de sa femme et raconte sa rencontre avec Nella, une jeune sarde, porteuse d'un étrange passé. Sous la tendre plume de l'auteure, une palette, sa palette d'émotions, surgit : joie, renoncement, désillusion, espoir. Un roman sur l'exil et sur la solitude. En 2016, paraît "L'ombre de nos nuits". Odile a beaucoup apprécié cet opus historique autour du peintre Georges de la Tour. La méthode romanesque de Gaëlle Josse se confirme avec deux époques, celle du peintre et celle du personnage féminin qui reste anonyme. Nous suivons le peintre dans son atelier, puis à Paris où il va présenter son Saint Sébastien au roi de France. Ce monde, fait de "silences, d'ombres et de passions" est très bien reconstitué par la prose poétique de l'auteure. (La suite, demain)
mercredi 15 mai 2024
"Une longue impatience", Gaëlle Josse
Je viens de relire "Une longue impatience" de Gaëlle Josse, publié en 2018. L'histoire du roman se déroule en Bretagne dans les années 50. Anne, une veuve de marin, élève son unique fils en 1943. Elle travaille dans une usine de conserves. Un jour, Etienne, un de ses anciens compagnons de classe, se déclare car il aime Anne depuis leur enfance. Il attend deux ans pour respecter son deuil et lui, fils de pharmacien, la demande en mariage. Malgré leur différence sociale, ils se marient et Anne vit dans la maison bourgeoise de son mari. Ils forment un couple uni mais malheureusement Etienne ne supporte pas le petit Louis d'autant plus que la famille s'est agrandie avec deux petites filles. Louis est maltraité et sera même frappé par son beau-père. Anne ne réagit pas assez vite et Louis s'échappe du foyer. Il reste introuvable. Commence alors pour la mère une "longue impatience". Le garçon s'embarque dans un cargo marchand et ne donne aucune nouvelle. Pendant des années, Anne va vivre dans l'attente, une attente interminable en observant l'océan comme une femme d'antan en Bretagne qui perdait son mari en mer. Elle mène deux vies dorénavant : sa vie d'épouse et de mère et une deuxième existence, son jardin secret, vouée au chagrin d'avoir perdu son fils. Elle utilise l'écriture pour imaginer des futures retrouvailles avec Louis et brode une tapisserie. Cette attente douloureuse et insupportable se déroule dans la solitude de son ancienne petite maison de pêcheur. Gaëlle Josse évoque avec pudeur et avec délicatesse l'immensité de l'amour maternel, le manque infini de cet enfant disparu : "Ce toujours les mères courent, courent et s'inquiètent de tout (...) Elles se hâtent et se démultiplient présentes à tout, à tous, tandis qu'une voix intérieure qu'elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de leur flanc". Anne tombe dans la spirale de la culpabilité car elle n'a pas protégé son enfant des coups de ceinturon que son mari lui donnait. Elle se sent aussi étrangère au milieu de son mari : "Depuis des années, je cherche mon lieu à moi dans cette maison, un coin, un fauteuil qui serait ma place, mon refuge, mon centre de gravité et je ne le trouve pas". Les années passent. Anne s'étiole et finit par s'éteindre. Le fils va revenir mais il sera trop tard. Le chagrin l'a tuée. Ce roman poignant sur une mère désespérée, une femme courage, raconte un fait universel sur la perte et sur le deuil.
mardi 14 mai 2024
"Penser contre soi-même", Nathan Devers
Nathan Devers, écrivain et philosophe, normalien et agrégé, un jeune homme de 26 ans, vient de publier une autobiographie intellectuelle, "Penser contre soi-même", chez Albin Michel. Il a déjà écrit quatre romans et essais. Il est aussi éditeur de la revue, "La Règle du jeu". Un surdoué du langage et de la communication. Son enfance se déroule à Auteuil auprès d'une famille brillante et aisée. Son père, Lionel Naccache, est très connu dans les sciences cognitives et neurologiques. Il grandit dans un milieu où la religion juive sert de repères et il s'est senti très vite attiré par la vocation de rabbin. Ses parents sont un peu étonnés par ce choix radical mais, ils ne le contrarient pas. Il est tombé amoureux de l'hébreu, de la Torah, du Talmud et de Jérusalem. Il a besoin d'un certain mysticisme pour vivre sa foi. Il rencontre des rabbins, se forme dans les écoles religieuses, respecte les rites, part à Jérusalem pour parfaire sa formation. Son destin semble tracé tout droit vers le rabbinat. Mais, un jour, il commence à "penser contre soi-même". Première fêlure dans sa carapace religieuse : la lecture de "Terre des hommes" de Saint-Exupéry. La littérature lui ouvre des perspectives nouvelles, un chemin bien arpenté avant qu'il ne découvre l'Everest de la pensée, la philosophie ! Sa nouvelle religion. Dans un entretien, il précise sa démarche : "Penser contre soi-même est une éthique de vie car cela suppose de ne pas être dogmatique, d'être à l'écoute des autres, de ne pas s'opposer de manière stérile, ni ferme à des discours, d'écouter leurs argumentations et d'accepter parfois d'être fragilisé par les discours des autres". Il a donc rompu avec la religion et s'est donné "une nouvelle vie, une nouvelle naissance". La philosophie représente selon lui "une expérience d'altérité. Cela suppose de s'intéresser au monde qui nous entoure avec curiosité, avec scepticisme, avec une forme de doute". Ce profond bouleversement personnel s'accompagne d'une forme de violence, d'inconfort intellectuel. Ce récit autobiographique évite souvent le jargon philosophique et se lit assez facilement. Ces confidences de vie d'un jeune homme croyant, puis athée, imprégné de culture religieuse juive et de philosophie, peuvent dérouter le lecteur-trice, peu coutumier de ce type d'ouvrage. Pourtant, ce jeune écrivain prend le risque du dévoilement, de la recherche de sa vérité dans un style inventif, vibrant. Le voilà maintenant philosophe critique et écrivain en devenir. Il a choisi la littérature et la philosophie, une métamorphose heureuse.
lundi 13 mai 2024
"A quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit ?", Gaëlle Josse
Le dernier ouvrage de Gaëlle Josse, paru cette année, "A quoi songent-ils ceux que le sommeil fuit ?", évoque des "silhouettes silencieuses à la grande nuit bleue". Ces textes courts, des mini-nouvelles, racontent des instants fugitifs, des moments fugaces, à la frontière du songe éveillé. L'écrivaine décrit ces micro-fictions nocturnes ainsi : "C'est l'heure des aveux, des regrets, des impatiences, des souvenirs, de l'attente. Ce sont les heures où le coeur tremble, où les corps se souviennent, peau à peau avec la nuit. On ne triche plus. Ce sont les heures sentinelles de nos histoires, de nos petites victoires, de nos défaites". Comment résumer ces textes nimbés de nostalgie ? Un homme se souvient d'un ancien amour et il ose lui envoyer un message quelques années plus tard. Une mère attend un coup de téléphone de sa fille, en vain. Une amoureuse prépare un bon repas pour un compagnon qui ne viendra pas. L'incompréhension dans un couple. Un éloge de la musique : "La musique comme un passage, une voie mystérieuse entre hier et demain, une invitation, une énigme rapprochée". Une escapade d'un couple au Japon, le rêve de leurs vies. Une querelle entre deux soeurs pour une bague de leur mère. Un chirurgien songe à un de ses patients mort sur la table d'opération. Un enfant assiste à la mésentente des parents. Un musicien renonce à sa carrière. Une escapade à Naples à partir de photos. Et toujours, la nuit, l'éveil, l'insomnie, la conscience d'être en vie dans un certain silence et dans une certaine solitude : "Les heures profondes de la nuit sont aussi les premières du matin, un matin qui s'ignore et n'a rien à dire au jour, un matin enveloppé de ses ténèbres comme dans un manteau d'hiver". Une rupture amoureuse : "Seule, soulagée, libre". Chaque texte est introduit par une phrase poétique sur le thème de la nuit : "La nuit violoncelle aux gestes graves, la nuit, pleine lune", "La nuit enlace-moi, la nuit promenade", "La nuit, le vent, le galop de la mémoire". Et le dernier poème du recueil : "La nuit les traces effacées, la nuit déchirure, la nuit rivage, la nuit, cahier blanc pour nos histoires, en saisir quelques unes et les nouer aux doigts du jour". Chaque personnage vit derrière une vitre dans la nuit, motif romanesque par excellence, moment de bascule. Les thèmes de Gaëlle Josse servent de balises au fil des pages : doute, espoir, peur, amour, tristesse, joie. La nuit fait tomber les masques du jour. Un très beau recueil, la quintessence de l'écriture de Gaëlle Josse.
vendredi 10 mai 2024
"Cézembre", Hélène Gestern
Le dernier roman d'Hélène Gestern, "Cézembre", se lit d'une traite malgré les 560 pages. Cette saga familiale se déroule à Saint-Malo, une des plus belles villes françaises du bord de mer. Le personnage principal, Yann de Kérambrun, quitte son poste de professeur d'histoire à Paris pour revenir dans sa ville natale. Il vient de perdre son père et il se sépare de sa femme. Troublé par tous ces problèmes familiaux, il désire retrouver un peu de sérénité en contemplant la mer depuis sa maison dont il a hérité, le long de la plage du Sillon, face à l'île de Cézembre. Il apprécie sa solitude et part nager tous les jours pour se ressourcer. Il se lance aussi dans le rangement des archives de son père. Celui-ci conservait depuis des décennies les carnets, journaux de bord de son grand-père, Octave, fondateur d'une compagnie maritime au début du XXe siècle. Peu à peu, il se passionne pour ces archives familiales et mène une enquête policière sur trois protagonistes de l'entreprise : son arrière-grand père, Octave, le capitaine industriel et deux collègues, Ambroise de Sainte-Croix, un homme politique et Augustus Minchinton, un homme d'affaires anglais. Derrière l'image superbe d'Octave, ce grand novateur dans le commerce maritime, se cache un homme inquiet, un mari fou d'amour pour sa femme qui le fuit, un père absent. L'arrière-petit fils veut comprendre les failles de cet homme malheureux en famille et il se voit dans un miroir quand il manipule toutes ces archives. Il va découvrir au fil de ses recherches la disparition mystérieuse d'un des trois protagonistes de l'entreprise. L'île en face de Saint Malo, Cézembre, prend une place importante sur le plan historique dans ce roman aux multiples qualités. Les thèmes chers à Hélène Gestern se retrouvent dans ce livre polyphonique : l'exploration de la mémoire familiale et ses conséquences sur le présent, le goût des archives et des photographies, les secrets de famille, la recherce de la vérité. Cette histoire sur trois générations est liée à Saint Malo, à la mer et Cézembre. Yann de Kérambrun, en pleine crise existentielle, découvre dans cette enquête mémorielle, un ancrage dans un territoire magique, celui de la ville marine dans laquelle il trouve enfin ses vrais repères, un enracinement choisi après quelques années de rupture. Ce beau roman sent les embruns de la plage du Sillon tout au long de ses pages et rien que pour cette présence de la mer, il faut lire "Cézembre" et partir à Saint-Malo !
jeudi 9 mai 2024
"Un été à quatre mains", Gaëlle Josse
Je poursuis l'évocation des romans de Gaêlle Josse que je lis pour l'Atelier Littérature du jeudi 16 mai. J'ai donc découvert "Un été à quatres mains", publié en 2017 chez HD ateliers Henry Dougier. L'écrivaine raconte un épisode de la vie du grand musicien, Franz Schubert, qu'elle aime tout particulièrement : "Schubert parle au coeur, en accompagnant les plus ténus, les plus impalpables de nos états émotionnels intérieurs, sa musique nous atteint avec une désarmante simplicité, comme la main d'un ami posée sur notre épaule". En 1824, après plusieurs années où le génial Schubert s'embourbe dans la maladie et les échecs, il est invité chez le comte Esterhazy comme maître de musique pour ses deux filles, Marie et Caroline. Il a 27 ans et il passe quelques mois dans ce milieu aristocratique loin du tumulte de Vienne, en Hongrie. Il veut profiter de la sérénité campagnarde pour composer un opéra et une symphonie. Timide et complexé par son physique, il se révèle aux yeux de ses hôtes quand il se met au piano. Il tombe amoureux de la cadette, une jeune fille gracieuse, sensible et timide comme lui. Franz Schubert voit en elle une âme soeur mais dans cette classe sociale, le musicien ne peut pas envisager une relation affective avec elle. Gaëlle Josse propose une broderie de mots, délicate et aérienne, sur un mystère dans la biographie du musicien. Au coeur de l'été, il composera une série de pièces pour piano à quatre mains. Un hommage amoureux, certainement, semble suggérer l'auteure. Leurs mains se sont effleurées lors des leçons que le musicien donnait à Caroline. Un amour silencieux, un amour impossible. La prose de Gaëlle Josse se rapproche de la tonalité schubertienne toute en délicatesse, intimiste et profonde. Evidemment, la lecture de ce livre doit être accompagnée par une sonate de Schubert, n'importe laquelle tant elles vibrent de beauté. Un évocation originale de Schubert, je ne pouvais pas manquer ce rendez-vous car comme Gaëlle Josse, j'éprouve une admiration infinie pour ce musicien mélancolique, mort à 31 ans !
mercredi 8 mai 2024
"Le Journal, 1942-1944", Hélène Berr, 2
Après l'épisode du port de l'étoile jaune, la jeune fille apprend que son père vient d'être arrêté par un inspecteur de police. L'avenir devient sombre pour la famille. Hélène et sa mère vont lui rendre visite au commissariat et il sera interné à Drancy. Il envoie des lettres et raconte cette vie d'enfermement absurde. Le quotidien d'Hélène se complique et elle note des abérrations nazies : "Les Juifs n'auront plus le droit de traverser les Champs-Elysées", ni de fréquenter les restaurants et les magasins ! Parfois, elle reprend courage en croisant des hommes et des femmes compatissants sur le sort des Juifs à Paris. Malgré ces temps sombres, la jeune Hélène tente de vivre normalement entre ses études, ses sorties avec des amis, son bénévolat pour s'occuper des enfants, sa passion de la musique. Elle apprend la tragédie de la déportation : "On les rase tous, on les parque entre les barbelés, et on les entasse dans les wagonsà bestiaux, sans paille, plombés". Une belle surprise l'attend quand son père, interné à Drancy depuis trois mois, est enfin rentré chez lui après le versement d'une caution que l'entreprise a donné pour le libérer. Hélène se sent soulagée de revoir son père mais elle ressent la fin de son monde : "Il y a une espèce de glas qui sonne en moi, lorsque j'entends parler de livres, de professeurs à la Sorbonne". Son ami de coeur part en Espagne pour rejoindre la Résistance à Londres. Ses amies ont été arrêtées. Le piège de la déportation va se fermer sur elle et sur sa famille. Elle se pose des questions sur le bien, sur le mal, sur cette tragédie qui la frappe : "Souffrir pour moi n'est rien, jamais je n'émettrai une plainte à mon sujet. Mais quelle angoisse pour les autres, pour les proches et pour les autres". Plus le temps passe, plus les nuages du malheur s'amoncellent. Seule la culture l'aide à affronter cette période : "Ce matin, je lisais Shelley et sa "Défense de la poésié" ; hier soir, un dialogue de Platon. Quel désespoir de penser que tout cela, tous ces magnifiques résultats de polissure, d'humanisation, toute cette intelligence et cette largeur de vues sont morts aujourd'hui". Ce journal intense se termine en février 1944 sur ces mots terribles : "Horror ! Horror ! Horror !". Elle sera arrêtée le 8 mars avec ses parents. Le père est assassiné à Auschwitz, sa mère dans une chambre à gaz. Hélène survivra un an et meurt du typhus avant la libération des Anglais. Ce journal témoigne d'une époque terrible vécue par une jeune parisienne, cultivée, généreuse, curieuse. Son destin tragique dans un camp de concentration oblige toutes les générations à se souvenir. La ville de Paris lui rend un hommage timide avec son nom donné à une bibliothèque parisienne. Une plaque est dévoilée en 2015 sur l'immeuble où résidait la famille Berr. Mais, il faut surtout voir les feuillets du journal au Mémorial de la Shoah à Paris pour ne jamais oublier les atrocités monstrueuses du nazisme.
mardi 7 mai 2024
"Le Journal, 1942-1944", Hélène Berr, 1
Récemment, j'ai écouté une émission sur France Culture, "Répliques", animée par Alain Finkielkraut. Il évoquait avec émotion la jeune Hélène Berr, née à Paris en 1921 d'une famille juive d'origine alsacienne et morte en 1945 au camp de concentration de Bergen-Belsen. Elle a tenu un journal intime relatant sa vie de 1942 à 1944. Son livre a été publié en 2008 avec une préface de Patrick Modiano. Je suis passée à côté de cet ouvrage à l'époque et vraiment, je suis heureuse de l'avoir découvert grâce à France Culture. Son père, Raymond Berr, est un polytechnicien et dirige l'entreprise Kuhlmann. Sa mère, Antoinette, s'occupe de son foyer. Hélène à Paris mène une vie "euphorique" d'étudiante à la Sorbonne où elle prépare l'agrégation d'anglais. Elle occupe un poste de bibliothécaire bénévole dans cette université prestigieuse. Le journal commence avec Paul Valéry quand la jeune fille va chercher, chez la concierge de l'immeuble où vit le poète, un exemplaire dédicacé avec cette phrase magnifique : "Au réveil, si douce la lumière, et si beau ce bleu vivant". Ce vers la comble de joie tellement Hélène aime la vie. Dès les premières pages, elle parle de ses parents, de sa famille, de ses amis et de Gérard, son amoureux mais elle doute de son amour pour lui. De temps en temps, elle part à la campagne pour se ressourcer à Aubergenville. Hélène adore la littérature anglaise et surtout la musique. Elle joue du violon et pratique la musique de chambre avec ses amis. Un jour, elle rencontre un étudiant, Jean Morawiecki, qu'elle commence à apprécier beaucoup. Tout n'est que jubilation chez elle : jeunesse, amour et amitié mêlés, étude et musique, famille aimante, culture et Paris. Mais, cette belle vie parisienne s'interrompt quand sa mère lui dit de porter une étoile jaune (29 mai 1942). Elle va la porter par solidarité et avec courage. Elle écrit : "Ce sont les deux aspects de la vie actuelle : la fraîcheur, la beauté, la jeunesse de la vie, incarnée par cette matinée limpide ; la barbarie et le mal, représentés par cette étoile jaune". La jeune fille raconte les réactions des Parisiens quand elle arbore son étoile jaune. Certains lui sourient, d'autres se moquent d'elle. Un controleur du métro l'engage à rejoindre la dernière voiture, réservée aux Juifs. Ce journal précieux relate ces événements quotidiens dans un pays en guerre où l'antisémitisme régnait dans toutes les sphères de la société. Une monstruosité inhumaine, cette période historique. (La suite, demain)
lundi 6 mai 2024
Bernard Pivot, hommage
Bernard Pivot ! J'ai appris avec tristesse (après Paul Auster) qu'il venait de nous quitter à l'âge de 89 ans. Un fou de livres, de littérature, un bibliomane, un bibliophile, un ami de l'orthographe et des dictées. Le "nounou" des écrivains et écrivaines. La France perd un de ses meilleurs amoureux de la culture. D'ailleurs, je l'aurais vu ministre de la lecture ! Je donne une idée à notre Président qu'il devrait nommer un ministère de la lecture ! Oui, cet homme était un galérien de la lecture. Pour animer ses émissions d'Apostrophes, il lisait toute la journée, prenait des notes, s'informait et quand il recevait les auteurs sur le plateau, il consultait ses fiches. Personne aujourd'hui ne veut sacrifier sa vie à un tel sacerdoce. Quelles images vont rester de ce charmant Monsieur, d'une éducation parfaite, avec une once d'humour et des traces d'ironie ? Celles de ses débats tonitruants et aussi élégants avec tous les écrivains et tous les intellectuels des années 70 aux années 2000. Je me souviens de ce passé livresque car dans ma librairie et plus tard mes bibliothèques, tous les téléspectateurs, interessés par les livres de Bernard Pivot, me disait qu'il ne se souvenait plus du titre mais qu'il était passé chez Pivot ! J'organisais souvent des tables "pivotiennes" pour présenter ces publications, qui, sans l'aide de ce journaliste, n'auraient pas rencontré leurs nombreux destinataires. Nostalgie de cette époque quand ce monde des livres avait une place prépondérante dans la société. Temps béni du dialogue sans violence, de la découverte de talents sans scandale. Evidemment, on était bien tranquille sans Instagram, Tiktok et compagnie. Les jeunes d'aujourd'hui ne savent plus qu'il existait un temps libre de toutes ces chaînes virtuelles. La télévision, la radio et la presse suffisaient amplement pour informer les amateurs de livres, de littérature. Et les librairies et les bibliothèques étaient des relais indispensables pour la lecture. Une page se tourne avec le départ de Bernard Pivot et j'espère qu'il va animer au paradis (car il ira tout droit) des rencontres avec tous ceux et toutes celles qu'il a invités. Je pense en particulier à Jean d'Ormesson, Marguerite Yourcenar, Marguerite Duras. Homme de télévision, médiateur culturel de génie, chantre de l'orthographe, écrivain, jongleur de mots, il va nous manquer et il nous a déjà beaucoup manqué quand il s'est retiré dans sa retraite. Je savais qu'il était très malade. Un "chic type", un Français du Beaujolais, un amateur de football et de cuisine. Sa disparition, un grand moment de nostalgie...
vendredi 3 mai 2024
"Ce matin là", Gaëlle Josse
Pour l'Atelier Littérature du jeudi 16 mai, j'ai choisi l'écrivaine Gaëlle Josse. J'avais lu quelques uns de ses romans depuis les années 2010 et j'avais remarqué l'élégance de son écriture, la délicatesse des sentiments, la pudeur des émotions. Venue à l'écriture romanesque par la poésie, elle a publié son premier roman, "Les heures silencieuses", en 2011 aux Editions Notabilia. Diplomée en droit, en journalisme et en psychologie clinique, elle a passé quelques années en Nouvelle-Calédonie et vit à Paris. J'ai relu récemment "Ce matin-là", publié en 2021. Le personnage central du roman s'appelle Clara. Un matin, sa voiture ne démarre plus. Symbole mimétique, elle aussi n'a plus d'énergie pour démarrer sa journée dans une société de crédit où elle travaille. Sa panne morale et physique ressemble à un "burn out" géant. Collaboratrice dynamique et motivée, elle découvre peu à peu les aberrations de son travail quand elle refuse, sur les conseils de sa hiérarchie, un petit crédit à un couple de retraités. La culture d'entreprise commence à l'épuiser avec l'esprit de compétition, une organisation du travail écrasante, le culte des bénéfices. La dépression s'infiltre dans le corps et dans la tête de Clara : rejet total de son travail, de ses relations familiales et amicales. A quoi bon, cette vie ? Un enfermement moral, une paralysie physique : "Vie de paramécie, immobilité d'iguane". Son compagnon tente de l'aider mais rien n'y fait. Il jette l'éponge et la quitte. Une vie à l'arrêt. Ses parents s'inquiètent et mesurent leur impuissance à la soutenir. Clara traverse la grande crise existentielle qui peut, un jour, saisir n'importe quel humain, en proie au doute de vivre. Dans sa solitude infinie, elle perçoit un signe qui lui vient de sa meilleure amie, Cécile. Elle accepte sa proposition et la rejoint chez elle à la campagne. Clara peu à peu commence à s'intéresser à cette famille en difficulté dans leur ferme. Son amie lui rappelle son ancienne vocation, enseigner le français à l'étranger. Voilà la clé de sa guérison : quitter sa société de crédit et changer de métier. Son père avait été victime d'un AVC survenu douze ans avant et elle avait interrompu ses études pour aider sa mère. L'avenir s'éclaire et la dépression s'éloigne enfin. Un roman tout en délicatesse, tout en pudeur, en ressenti et en empathie. La signature de cette écrivaine se déploie dans tous ses écrits. Un sujet actuel sur la souffrance au travail quand ce n'est pas un choix. Gaëlle Josse semble bien connaître le monde professionnel...
jeudi 2 mai 2024
Rubrique Cinéma : "Il reste encore demain", Paola Cortellesi
J'ai vu récemment le film italien, "Il reste encore demain" (titre original, "C'é ancora domani"), sorti en 2023 et réalisé par Paola Cortellesi. Ce long métrage a obtenu des prix en Italie dont celui du meilleur premier film et a dépassé plus de 5 millions d'entrées. L'histoire se déroule dans les années 40 dans un pays où les traditions familiales patriarcales dominent la vie des femmes. Delia, la mère de famille, aspire à un avenir différent après avoir reçu un lettre mystérieuse. Dans la ville de Rome en 1946, les unités militaires alliées sillonnent les rues et cette présence rappelle le chaos de la guerre. Delia est mariée à Ivano, un homme violent, macho, une brute épaisse. Le couple a trois enfants. Marcella, l'aînée, va se fiancer et elle ne supporte plus la violence de son père à l'égard de sa femme. Ses deux frères d'une dizaine d'années se disputent sans cesse. Delia travaille après ses tâches ménagères : couturière, raccomodeuse de sous-vêtements, femme de chambre, aide-soignante, réparatrice de parapluies. Son mari exige l'argent qu'elle rapporte mais elle subtilise chaque fois quelques billets pour elle. Première révolte de sa part. Elle a aussi une amie, Marisa, pleine d'esprit, qui l'aide à supporter sa vie familiale et Nino, un mécanicien, qui lui propose de fuir ce mari violent. Delia conserve malgré tout une patience infinie sur son sort et une joie de vivre. Marcella prépare son mariage et la famille de son fiancé est invitée chez eux, tradition oblige. Les scènes de ce repas sont particulièrement teintées d'un humour grinçant à la manière de la comédie italienne des années 50. Giulio, le fiancé de Marcella, ne veut pas qu'elle travaille. Encore un fait patriarcal notoire que Delia perçoit dans une conversation entre les deux fiancés. Pour éviter ce naufrage, elle fait exploser avec l'aide d'un ami le bar des parents du jeune homme. Le mariage est donc annulé et Marcella, dévastée par cet événement. Entretemps, le père d'Ivano, un patriarche brutal comme son fils, meurt et ce deuil empêche Delia de partir avec son ami mécanicien. Mais, sa ténacité pour quitter son mari se manifeste le lendemain. Elle donne ses économies à sa fille pour qu'elle parte à l'université. Elle se rend alors secrètement aux urnes pour choisir entre la monarchie et la république car les femmes italiennes ont enfin obtenu leur droit de vote ! Son mari la pourchasse mais quand il arrive devant la mairie, Delia le défie avec un rempart de regards féminins sur cet homme d'une bêtise incommensurable... Fini, le patriarcat ? Ce film raconte l'émancipation d'une femme soumise mais qui va se libérer peu à peu... Une comédie italienne à savourer sans modération !
mercredi 1 mai 2024
Paul Auster, hommage
Ce matin, j'ai appris la mort de Paul Auster à 77 ans. Son cancer du poumon a fini par le terrasser. J'ai éprouvé un sentiment de tristesse et je le ressens à chaque disparition d'un écrivain que j'ai lu depuis longtemps. Ces créateurs et créatrices de mots, de pensées, d'univers représentent des phares lumineux dans nos vies des lecteurs et des lectrices. J'ai évoqué dans ce blog le dernier roman magnifique de Paul Auster, "Baumgartner", publié chez Actes Sud. Ce roman testamentaire résume à lui seul la magie de l'écriture austerienne. Depuis sa trilogie sur New York dans les années 80, il a écrit plus de trente ouvrages dont 17 romans, de "Moon Palace" à "La Musique du hasard", sans oublier ses récits autobiographiques passionnants comme "L'Invention de la solitude", "Chronique d'hiver", "Excursions dans la zone intérieure". Une oeuvre totale, profonde, puissante qui aurait mérité amplement le Prix Nobel de Littérature. Encore une erreur lamentable de ce jury. Né de parents juifs d'Europe centrale, Paul Auster commence à écrire à l'âge de douze ans ! Etudiant à l'université Columbia, il traduit des auteurs français (Mallarmé, Sartre, Simenon) et découvre Paris dans les années 70. Il compose des poèmes, des pièces de théâtre. En 1979, il se sépare de l'écrivaine, Lydia Davis avec laquelle il a eu un fils, Daniel, mort d'une overdose en 2022. En 1981, il rencontre alors sa compagne, Siri Hustvedt, écrivaine comme lui et ils ont une fille, la chanteuse Sophie Auster. A New York, il élabore une oeuvre littéraire, influencée par Borgès, mêlant parfois le réel au fantastique. Il écrit les vertiges de l'identité, le poids du hasard dans les destins humains, la ville comme un décor essentiel. La tragédie dans sa vie de famille. La littérature coulant dans ses veines, dans son "scriptorium newyorkais". Dans un de ses récents romans, "4 3 2 1", il écrit : "L'humanité a besoin d'histoires, on ne peut pas imaginer la vie sans des histoires imaginaires". Sur la solitude qui l'obsédait, "Quand on est seul, on n'est pas seul, on est habité par les autres, les voix des autres, les souvenirs". Paul Auster s'est éteint mais, il est toujours auprès de nous dans ses romans, dans ses essais pour l'éternité. Un immense écrivain américain à lire ou à relire.