Les éditions Gallimard ont eu une très bonne idée de créer une nouvelle collection, "Ma vie avec", depuis 2021. Dans la présentation de la collection, l'éditeur déclare : "Un homme ou une femme ont consacré leur vie à la littérature, à la politique, à l'histoire ou à la science. Ils ont passé toutes ces années dans la compagnie d'un ami secret, écrivain, philosophe ou poète, sans laquelle leur existence aurait été différente". J'ai bien apprécié l'excellent ouvrage de Pauline Dreyfus sur Colette et je compte bien découvrir les autres titres concernant Gérard de Nerval, Joseph Conrad, François Mauriac. J'ai donc lu récemment le livre de Catherine Cusset qu'elle consacre à Marcel Proust. Comme cet écrivain m'accompagne aussi depuis ma jeunesse où je l'ai étudié à l'université, j'étais curieuse de vérifier le lien d'amitié que l'écrivaine a tissé avec Proust. Catherine Cusset, née en 1963, a éprouvé un premier coup de foudre dans son adolescence mais cette première lecture, pourtant fondamentale, s'est approfondie au fil des années car plus les expériences de la vie transforment la personnalité de chacun, plus l'oeuvre proustienne résonne dans le coeur des lecteurs et lectrices. La narratrice de cet essai claivoyant écrit : "J'ai lu trois fois "A la recherche du temps perdu" en entier : à 15 ans comme le grand roman de l'amour ; à 20 ans, comme le grand roman de la société ; à 50 ans comme le grand roman de l'écriture". L'ouvrage se construit autour des thématiques de l'oeuvre proustienne s'impliquant dans la vie de l'écrivaine. Jeune, elle s'est reconnue dans le sentiment amoureux passionnel et exclusif qu'elle ressentait dans ses rencontres. Marcel, le narrateur de la Recherche, symbolise l'amour obsessionnel et possessif envers Gilberte et Albertine. Swann épouse Odette par jalousie alors "qu'elle n'était pas son genre". Charlus aime éperdument Morel alors que ce garçon ne cesse de le fuir et de le mépriser. Catherine Cusset évoque son adhésion à ce concept de l'amour de l'écrivain qui "articule avec une intelligence infinie les sentiments confus, violents, douloureux qui m'habitaient". Lire, c'est aussi "se lire" , se retrouver dans les personnages, adhérer à la vision de la vie d'un écrivain. Marcel Proust nous tend un miroir sur nos angoisses, nos rêves, nos plaisirs comme nos déceptions. Même si son univers du debut du siècle semble lointain, sa conception de l'amour reste universelle et atemporelle. J'ai cherché une citation de l'écrivain sur l'amour et j'ai trouvé celle-ci, assez sybilline : "L'amour cause de véritables soulèvements géologiques de la pensée". A méditer.
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