Nathalie Azoulay a intégré dans son dernier roman, "Toutes les vies de Théo", publié chez P.O.L, la tragédie du 7 octobre en Israël. Ce pari risqué, celui d'aborder ce sujet sensible dans la littérature contemporaine, peut déranger car l'écrivaine porte un regard décalé et ironique sur les identités divergentes. Elle se saisit de ce drame atroce pour montrer l'irruption de l'Histoite dans le privé intime des individus. Un couple uni va faire les frais d'une guerre fratricide pourtant loin de chez eux. A vingt cinq ans, Théo, le personnage masculin, tombe amoureux de Léa, d'origine juive, dans une séance d'initiation au tir. Ils vont se marier, ont une petite fille, Noémie. Léa appartient au clan familial très soudé autour de leur culture et de leur religion. Théo se sent très fier d'intégrer ce milieu si différent du sien. Lui-même, catholique breton, fils d'une mère allemande profondèment meurtrie par le nazisme de son pays, se sent investi d'une mission salutaire en soutenant la cause d'Israël et du judaïsme sans toutefois se convertir car Léa n'est pas pratiquante. Il devient critique d'art. Comment s'aimer dans ces différences culturelles et religieuses ? Théo sert de cobaye dans ce couple mixte pour répondre à cette question existentielle. Tout se passe relativement bien jusqu'à la date fatidique du 7 octobre. Ses beaux-parents adorent Théo et acceptent ce gendre enthousiaste pour leur culture. Le 7 octobre, date fatidique, Léa a préparé l'anniversaire de Théo pour ses cinquante ans mais, elle annule tout car l'attentat la choque au plus au point comme la majorité des citoyens. Au fil des jours, elle ne supporte pas l'antisémitisme "d'ambiance" dans ses relations professionnelles et amicales. Elle s'aperçoit que l'unanimité universelle pour condamner ce pogrom ne se produit pas. Léa se plaint de l'absence d'engagement de Théo et leur couple se délite peu à peu d'autant plus qu'il rencontre une jeune libanaise, Maya, artiste originale. Le couple se sépare et Théo succombe devant le charme de sa nouvelle compagne, plus jeune de vingt ans et l'inverse de Léa. Il se passionne pour la culture orientale et surtout pour la cause palestienne. Maya se servira de Théo pour sa célébrité artistique et le consommera à sa guise. Théo, dans ses aveuglements amoureux, ressemble à une girouette, une coquille vide. Nathalie a composé une comédie de moeurs sur un sujet grave. Qui est-il au fond, cet homme amoureux, en bradant sa propre identité ? Ce roman singulier, ultra contemporain sur les problématiques du moment reflète le malaise identitaire des uns et des autres, les dangers du communautarisme qui bouleversent les relations sociales. La politique, les conflits, les drames de l'Histoire peuvent provoquer des ravages, des séismes dans les couples, dans les amitiés, dans la société. Une fracture que l'écrivaine raconte avec ironie, causticité et efficacité. Un roman de qualité à découvrir.
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
lundi 24 mars 2025
jeudi 20 mars 2025
"Armen", Jean-Pierre Abraham
Dans ma liste concernant les récits de vie pour l'Atelier Littérature du 27 mars, j'ai choisi "Armen" de Jean-Pierre Abraham (1936-2003). Publié en 1967, ce journal de bord est considéré comme un objet littéraire non indentifié. Jeune poète, il est inspiré par la mer, ayant vécu en Bretagne avec sa famille. Il a entrepris des études de lettres à la Sorbonne mais il ne veut pas devenir professeur. L'appel du large le fascine et après une formation sérieuse de gardien de phare, il occupe le poste de gardien au phare d'Ar-Men, situé au large de l'île de Sein et de la pointe du Raz. Vingt jours de travail non-stop et dix jours de repos à terre, voilà le ryhtme de sa vie maritime. Le phare nécessite deux gardiens en service. La relève et le ravitaillement souvent périlleux sont assurés par la Velléda dont le patron se nomme Henri Le Gall. Dans cet espace réduit face à l'immensité océanique, le narrateur décrit sa vie quotidienne très pragmatique, technique et routinière mais trois livres lui apportent les nourritures spirituelles : un album sur Vermeer, un second livre sur un monastère cistercien et un recueil de poèmes de Pierre Reverdy. Cette expérience unique de quelques saisons lui révèle une connaissance approfondie de lui-même. Au milieu des assauts monstrueux du vent et des vagues qui font trembler le phare, il subit une angoisse qu'il ne peut contrôler face aux événements imprévisibles. La mer a envahi le premier étage lors d'un épisode furieux. L'angoisse nocturne, celle des pannes des feux, de la radio, l'angoisse d'affronter les éléments naturels indomptables. Les tempêtes réelles répondent à sa tempête intérieure. Jean-Pierre Abraham s'interroge sur sa vie et sur ce choix d'une ascèse exigeante. Il désire être "habitable à lui-même". Sa recherche d'un accord avec sa propre existence illumine son journal. La présence féminine se niche dans les tableaux de Vermeer dont la "Jeune fille en bleu". Certains passages du texte sont des poèmes en prose : "J'ai tenu ce fil improbable. Veiller, le coeur obscur, veiller encore, vieillir, près d'un reflet, près d'une fragile tempe bleutée". Plus loin, il réaffirme son adhésion à la vie : "Parfois dans le coeur vide, rincé de toute image, s'allume toute seule une autre lueur, comment le dire, la ferveur, peut-être. J'aime violemment cette vie, je veux toucher sa peau, sa vraie peau sans oripeaux. J'ai souvent l'impression que c'est très simple". Dans ce journal intemporel, entre le ciel et la mer, entre les roches et les vagues, un homme se penche sur le sens de sa vie. Un récit trop longtemps oublié qu'il faut lire et relire. La Bretagne, l'océan, la solitude mais aussi la solidarité, la lecture, le travail manuel. "Armen" ou "le lieu où l'on puisse devenir soi-même, s'épanouir, être à sa place, bien dans sa peau". Une lecture iodée !
mercredi 19 mars 2025
"Le Bateau-phare de Blackwater", Colm Toibin
Je poursuis ma découverte de l'excellent écrivain irlandais, Colm Toibin, avec "Le Bateau-phare de Blackwater", publié en 2001 dans la collection 10/18. Le personnage principal, Helen, vit en harmonie avec son mari et ses deux fils. Sa famille est partie sans elle dans le Donegal. Elle veut profiter de cette parenthèse pour souffler mais, elle reçoit la visite d'un ami de son frère, Declan. Paul lui annonce la maladie de ce frère qu'elle aime tendrement. Homosexuel, il est atteint du sida et va mourir. Elle est chargée d'informer leur mère qu'ils n'ont pas vue depuis plusieurs années. Declan veut finir ses jours chez sa grand-mère dans la maison de famille à Wexford, au bord de la mer. La grand-mère et la mère sont des femmes à fort caractère et leur relation semble toujours tendue. Declan arrive dans la maison avec deux de ses plus fidèles amis et ce nouveau clan disparate va devoir composer et vivre ensemble. L'état de santé du jeune homme se dégrade au fil des jours et sa nouvelle famille recomposée prend soin de lui avec une générosité exemplaire. Colm Toibin décrit merveilleusement les conflits familiaux. Lily, la mère, a perdu son mari d'un cancer et elle a choisi l'éloignement de ses enfants qu'elle a confiés à sa mère. Les souvenirs d'enfance remontent chez Helen et cette remontée d'un sentiment d'abandon alimente sa rancoeur contre sa mère qu'elle n'arrive pas à comprendre. Cette femme, désespérée par la mort de son mari, s'est murée dans le silence et s'est investie dans sa vie professionnelle très réussie. Elle habite dans une maison de rêve en bord de mer que ses enfants n'ont jamais vue. Les deux femmes n'approuvent pas la vie sexuelle de Declan mais, devant sa maladie, elles font face et se dévouent. Quelques scènes de la vie commune entre les amis de Declan et les femmes de la famille éclairent le crépuscule du jeune homme qui finira sa vie à l'hôpital. Ce roman de réconciliation se déploie autour de personnages attachants comme celui d'Helen et de son frère, Declan. Les années 80 ont été marquées par la tragédie du sida et Colm Toibin s'empare de ce sujet avec une délicatesse surprenante même s'il décrit avec précision les dégâts physiques du jeune homme d'un courage incroyable. Les rancunes, les non-dits, ne s'envolent pas facilement dans l'esprit de chaque protagoniste mais, l'apaisement dans les relations advient quand la maladie frappe. Le style sobre et sans fioriture de l'écrivain évite la noirceur du sujet et ce roman démontre le talent particulier de Colm Toibin, celui de proposer une analyse psychologique d'une finesse de dentelle.
mardi 11 mars 2025
"1984", George Orwell, 2
Une intrigue amoureuse naît entre Weston et Julia, une collègue du "commissariat aux romans". Leur relation secrète ne dure pas longtemps malgré leurs rencontres secrètes car l'Etat interdit la sexualité. Ils découvrent un cercle de rebelles appelé la Fraternité. A leur tête, Emmanuel Goldstein, l'ennemi de l'Angsoc, qui passe sur les écrans lors des "Deux Minutes de la Haine" quotidienne. Cet ennemi n'a jamais existé et s'avère être une invention pour traquer les réfractaires à la pensée unique. Mais, ils sont trahis par un contact qui s'avère appartenir au Parti. Weston est jeté dans une prison et il est soumis à des mois de manipulation mentale, de la torture permanente. Il finit par craquer et trahit Julia. Sa rééducation dans le droit fil de la Police de la Pensée est accomplie. Il n'est plus qu'une coquille vidée de son humanité, de sentiments et de dignité. George Orwell abandonne son "héros" dans sa béatitude admirative de Big Brother. Tous les ex-criminels finissent exécutés par le Parti. Le dessein final de cette société totalitaire aboutira en 2050 car "toute connaissance de l'ancienne langue aura disparu. Toute la littérature du passé aura été détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron plus qu'en versions novlangue. (...) Ils seront changés en quelque chose qui sera le contraire de ce qu'ils étaient jusque-là". Les bibliothèques n'existent plus et l'écrivain rappelle les autodafés des nazis : "La chasse aux livres et leur destruction avaient été faites avec autant de soin dans les quartiers prolétaires que partout ailleurs. Il était tout à fait improbable qu'il existât, quelque part dans l'Océania, un exemplaire du livre imprimé avant 1960". Pour ma part, j'ai lu ce roman d'anticipation avec un certain effroi et après les totalitarismes du XXe siècle, le XXIe siècle me semble bien mal parti. George Orwell avait une prémonition glaçante : "Vous désirez une image de l'avenir, imaginez une botte, piétinant un visage humain... Eternellement... ". Pour mieux connaître cet écrivain majeur du siècle dernier, de nombreuses émissions de France Culture sont disponibles en podcast. On peut aussi lire toute l'oeuvre de George Orwell dans la prestigieuse collection de la Pléiade chez Gallimard. "1984", un roman d'une actualité brûlante !
lundi 10 mars 2025
"1984", Georges Orwell, 1
Je n'avais jamais lu ce classique de la littérature anglaise, "1984", de George Orwell. J'avais l'impression de connaître ce texte tellement il sert de référence pour tous les lecteurs et lectrices qui aiment le genre dystopique. Comme le monde vacille en ce moment sur ses bases traditionnelles, ce roman, publié en 1949, conserve une actualité bien plus qu'inquiétante. L'écrivain anglais achève ce livre à la veille de sa disparition, le neuvième de son oeuvre. Le thème majeur décrit les conséquences du totalitarisme, de la surveillance de masse, de l'anéantissement de l'individu. Lui-même, socialiste démocrate, antifranquiste, appartenait à la gauche antistalinienne. L'histoire se déroule dans un futur imaginaire à Londres. Le monde entier est en guerre perpétuelle entre trois blocs géopolitiques tous totalitaires : l'Oceania (l'Occident d'aujourd'hui), l'Eurasia (la Russie) et l'Estasia (la Chine et plus). La Grande Bretagne, province d'Oceania, s'est transformée en dictature, dirigée par Big Brother, un leader soutenu par la police de la Pensée. Dès les premières pages du roman, une cascade d'horreurs surgit pour présenter le modèle du totalitarisme : un télécran permanent sur les individus, aucune intimité, le négationnisme historique, la propagande permanente pour vanter la gloire du leader, la liberté d'expression interdite, la torture et la déportation des rebelles, la sexualité contrôlée, la vérité niée, etc. Le slogan du Parti, lapidaire et cynique, s'affiche partout : "La guerre, c'est la paix. La liberté, c'est l'esclavage. L'ignorance, c'est la force". Le personnage central, Winston Smith, travaille au sein du Ministère de la Vérité ! Il doute, se méfie, n'adhère pas complétement à l'idéologie totalitaire et rêve du passé avant la dictature. Il trouve un cahier dans une papeterie et cet objet si banal en soi déclenche en lui l'envie de raconter le cauchemar d'Oceania. Son journal intime l'aide à traverser cette vie insupportable. Winston Smith occupe un poste stratégique : falsifier le passé et inventer les mensonges du Parti. Ce monde totalitaire possède son propre langage, la novlangue, en se dotant d'un nouveau dictionnaire : "Vous croyez que notre travail principal est d'inventer des mots nouveaux ? Pas du tout ! Nous détruisons chaque jour des mots, des vingtaines de mots, des centaines de mots. Nous taillons le langage jusqu'à l'os". Mort de la pensée, mort du libre arbitre, mort de la civilisation. Comment résister dans ce monde mortifère ? Le camp du Bien ? Winston Smith garde dans sa mémoire le sentiment des temps anciens, "Des temps où existaient encore l'intimité, l'amour et l'amitié (...) Aujourd'hui, il y avait de la peur, de la haine, de la souffrance, mais il n'y avait aucune dignité dans l'émotion. Il n'y avait aucune profondeur, aucune complexité dans les tristesses". (La suite, demain)
samedi 8 mars 2025
"Mrs Dalloway", Virginia Woolf
En cette journée des Droits des femmes du 8 Mars, je ne pense qu'à l'une d'entre elles, celle qui m'a influencée depuis des dizaines d'années. Je veux parler, non pas de Simone de Beauvoir, mais de Virginia Woolf. J'ai écouté sur France Culture une émission sur les cent ans de "Mrs Dalloway", publié en 1925. J'ai lu ce roman à trois reprises pour m'imprégner de l'univers woolfien. Il ne se passe pas grand chose dans ce texte. L'intrigue est inexistente : le personnage féminin raconte sa journée. Elle doit organiser une réception en l'honneur de son mari. Elle reçoit la visite inopinée d'un ancien amoureux, Peter Walsh et leur rencontre provoque un flux de souvenirs et surtout d'interrogations sur sa vie. Un des invités de la soirée mentionne le suicide d'un soldat, Septimus Warren Smith, revenu du front. Il souffre de trouble de stress post-traumatique et de crises hallucinatoires. Clarissa Dalloway est bouleversée par ce choix du suicide. Virginia Woolf analyse à travers ce chef d'oeuvre les vibrations sensuelles de la vie. Les carillons, le printemps, le flux de Londres, les fleurs, la lumière. Les sons, les images, les sentiments, l'écrivaine tente de "sauver cette partie de la vie, la seule précieuse, ce centre, ce ravissement, que les hommes laissent échapper, cette joie prodigieuse qui pourrait être nôtre". Mais, en arrière-plan, rôdent l'inquiétude, l'angoisse et le vertige du suicide. Ce livre culte sur le temps, sur l'amour, sur les relations sociales représente la quintessence de tous les livres de la grande Virginia. J'ai repris mon Folio pour relire quelques passages. J'avais souligné ces lignes sur le personnage de Peter Walsh : "L'avantage de vieillir (...) c'est tout simplement que les passions demeurent aussi vives qu'auparavant, mais qu'on a acquis, finalement, la faculté qui donne à l'existence sa saveur suprême, la faculté de prendre ces expériences et de les faire tourner, lentement, à la lumière". Plus loin, Virginia Woolf écrit : "La vie à elle seule, chaque seconde, chaque goutte de vie, l'instant présent, là, maintenant au soleil, à Regent's Park, cela suffisait". Essayiste féministe, critique littéraire, romancière, cent ans après, Virginia Woolf n'a jamais été aussi moderne dans ses choix de vie : la cause juste des femmes pour leur indépendance dans "Une chambre à soi", la conquète de son "moi" intime dans son "Journal", son invention du flux de conscience dans tous ces romans novateurs. Virginia Woolf, au fond, comme Marcel Proust, symbolisent la Littérature : "La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent, réellement vécue".
vendredi 7 mars 2025
"Ann d'Angleterre", Julia Deck
Prix Médicis en 2024, le récit autobiographique de Julia Deck, "Ann d'Angleterre", publié au Seuil, évoque sa mère, Ann, d'origine anglaise. La narratrice relate son pressentissement : "On y pense ou on n'y pense pas. J'y pense depuis trente ans". En avril 2022, Julia Deck découvre le corps inanimé de sa mère, âgée de 84 ans, dans sa salle de bain. Atteinte d'une hémorragie cérébrale, elle a passé vingt-huit heures toute seule, sur le carrelage. L'ambulance la conduit aux Urgences et elle va rester à l'hôpital pendant six mois. Pour sa fille, cet événement est une catastrophe. Sa mère, pourtant en bonne santé, s'enfonce dans un abîme sans fin. Deux récits s'alternent après ce drame prévisible, celui du passé d'Ann en Angleterre et en France et son présent à l'hôpital. La narratrice affronte ces bouleversements et l'écriture de ce journal intime l'aide à passer ce cap Horn de la vieillesse naufragée : "C'est l'ordinaire des mères et des filles enchaînées par un cordon d'acier". La narratrice raconte avec un certain humour le périple hospitalier de sa mère : urgences, médecins impuissants, soins négligents, manque de personnel, administration inhumaine. Un monde médical à la dérive malgré ses performances techniques évidentes. Les internes "gèrent le flux" et "font tourner les lits". Une assistante sociale n'attend que le placement d'Ann Deck dans une maison de retraite médicalisée. Comme sa mère commence à perdre la mémoire, il est urgent de rassembler les souvenirs pour évoquer sa vie. La biographie maternelle se charge de déminer la violence du présent à l'hôpital. Eleanor Ann, née en 1937, à Billingham, une cité ouvrière, quitte son pays pour tenter l'aventure parisienne. Après des études d'histoire, elle enseigne l'anglais à des employés de Colgate et d'une banque. Sa mère rencontre François et donne naissance à son unique fille, Julia. Femme libre et cultivée, elle "a traversé la guerre, la reconstruction, la Nouvelle Vague, la dolce vita, les swinging sixties". La narratrice ne supporte pas la déchéance physique et intellectuelle de sa mère. Leur relation n'est pas toujours sereine et apaisée. Bien au contraire. Tout l'art de l'écrivaine s'imprègne de l'ambiguité des sentiments familiaux entre amour et exaspération. Un secret de famille effleure le récit concernant une cousine anglaise que sa mère adorait tout particulièrement. Julia Deck dévoile aussi ses périodes dépressives, sa vie d'écrivain entre salons et signatures. La maladie de sa mère se dégrade au fil des jours. Sa mère refuse de partir dans un EHPAD (mot technique déshumanisé), mais le réel s'impose et elle intègre une maison de retraite. L'écrivaine rend un hommage touchant à une femme du XXe siècle, forte et indépendante, une mère responsable de sa vie et de celle de sa fille. Ann et Julia. Un beau récit autobiographique à lire sans hésiter.