jeudi 6 novembre 2025

"L'héritier", Vita Sackiville-West

 J'ai lu récemment par curiosité un roman, "L'Héritier", de la grande amie de Virginia Woolf, Vita Sackville-West (1892-1962). Cette longue nouvelle a été publiée en 1922, édité chez Autrement en 2019 et traduit par le grand spécialiste d'Henry James, Jean Pavans. L'écrivaine anglaise a abordé le sujet de l'héritage dans ce texte charmant car elle a souffert elle-même de ne pas bénéficier du domaine de son père qu'elle adorait car les filles étaient scandaleusement évincées de la succession familiale dans l'Angleterre du début du XXe. Le personnage principal, Peregrine Chase, hérite d'une tante qu'il n'avait jamais vue. Cette grande propriété dans la campagne anglaise est hypothéquée et le notaire, chargé de l'affaire, doit la mettte en vente. Perigrine Chase travaille dans une compagnie d'assurance et mène une vie un peu terne. Il se retrouve donc dans cette maison ancienne qu'il apprivoise peu à peu. Il succombe alors au charme envoûtant du domaine avec son parc, ses arbres, ses fleurs et la présence des paons, déambulant avec grâce dans les allées : "Il était à présent au rez-de-chaussée, devant la porte de la bibliothèque, à regarder un vase de tulipes couleur corail dont la transparente délicatesse se détachait avec éclat sur les sobres lambris de la pièce. Il était reconnaissant envers la somnolence de la maison, abolissant l'agitation avec une manière de tranquille réprimande". L'héritier loge dans cette maison et apprécie les matins brumeux, se balade dans les chemins, rencontre les fermiers, se lie avec les domestiques de sa tante. Mais, l'avocat Nutlet veille avec ardeur et sans coeur au démembrement du mobilier, des objets, des peintures pour les mettre en vente aux enchères jusqu'au moment fatidique. Va-t-il sauver la maison pour qu'elle ne tombe pas dans les griffes d'un repreneur ? Vita Sackville-West ne possède pas évidemment le génie de son amie chérie, Virginia Woolf, mais j'ai retrouvé dans ce petit roman la dentelle d'un roman anglais féminin, tissé d'une délicatesse psychologique digne de toutes ses collègues comme Anita Brookner, Penelope Lively, Katherine Mansfield, etc. 

mercredi 5 novembre 2025

"La chambre d'hôtel suivi de La Lune de miel", Colette

 Je reviens toujours vers "ma" Colette quand j'ai envie de retrouver un monde à part, un style, une ambiance d'autrefois. Elle ressemble à "mon" Proust mais en plus léger, en plus sensoriel. J'ai trouvé un livre de poche dans la bibliothèque d'une parente et les couvertures de ces Colette possèdent un charme d'antan avec des illustrations colorées et naïves. Dans la première nouvelle, "La Chambre d'hôtel", l'écrivaine revient sur son passé quand elle s'est lancée dans le Music-Hall. Lucette, une belle fille et danseuse entretenue, propose à la narratrice, un séjour dans un chalet de montagne pour quelques semaines. Colette accepte cette offre et part avec sa chatte adorée. Mais, en arrivant devant ce chalet, elle refuse d'y loger et s'installe dans une chambre d'hôtel dans la station thermale. Elle rencontre un couple avec lequel elle se lie. Antoinette est malade et s'est entichée de Colette. Le mari, Gérard, a une maîtresse à Paris mais il se morfond de ne pas avoir de nouvelles d'elle. Il demande à leur amie d'aller à Paris pour enquêter sur son silence. Celle-ci a disparu et plonge son amant dans le désespoir. Mais, l'humour et l'ironie de Colette donnent au texte une tonalité particulière quand elle raconte l'arrivée de Lucette et la "résurrection" de Gérard pour séduire cette femme avec laquelle il va vite se consoler. Dans la deuxième nouvelle, "La Lune de pluie", Colette ne peut pas compter sur sa secrétaire habituelle et se rend chez Rositta, dactylo, pour son manuscrit. Elle découvre alors qu'elle a vécu dans cet appartement et elle aimait les reflets que faisaient naître les rayons de soleil dans une vitre, sa "lune de pluie". Colette y retourne souvent et apprend que la soeur de Rositta jette des sorts à son mari qui l'a quittée. La narratrice est intriguée par ses pratiques malsaines et décide de ne plus croiser les deux soeurs. Mais, un jour, elle rencontre dans la rue, cette fameuse Délia, devenue veuve... Colette a écrit une nouvelle un peu inquiétante, une sorte de conte fantastique. Entre le quotidien où règne le rationnel et la magie superstitieuse, l'art de Colette est au sommet dans cette nouvelle. Se plonger dans l'univers de Colette, c'est toujours un plaisir de lecture garanti... 

mardi 4 novembre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 7

 Le lendemain, j'avais rendez-vous avec les dauphins ! J'ai pris un zodiac dans le port d'Obia avec une dizaine de personnes pour aller à la rencontre des dauphins, un rêve d'enfance. La compagnie nous a bien prévenus que ces mammifères marins restent sauvages et ne se montrent pas. Au bout de vingt minutes, le bateau s'est arrêté vers l'île de Figarola et nous étions dans une attitude silencieuse et attentive. Je pensais au roman fabuleux d'Herman Melville quand il raconte la saga du capitaine Achab qui passait son temps à observer la mer pour voir apparaître la baleine blanche, Moby Dick ! Er voilà, un frémissement dans l'eau et je vois deux dauphins à bec court filer près du canot. Et ensuite, deux autres, et quatre autres toutes les cinq minutes. Un ballet d'une grâce inouïe. Leur présence très fugace entraînait des cris de joie comme si tous les passagers du bateau avaient retrouvé leur esprit d'enfance. Nous sommes restés une bonne heure à les observer et c'était magique. Une accompagnatrice est venue nous exposer avec gentillesse et en français la vie de ces dauphins dans ce golfe d'Aranci. Leur durée de vie atteint les cinquante ans et sont tous badgés pour qu'on les suive dans leurs pérégrinations. Les femelles vivent ensemble et rejoignent seulement les mâles pour être fécondées. Le bateau s'est dirigé vers l'île de Figarola où j'ai aperçu des chèvres sauvages sur les flancs de la falaise. Cette balade a duré deux bonnes heures et nous filions à vive allure pour retourner au port d'Olbia. Après cette sortie en mer, je rêvais encore le soir de ces dauphins si connus dès l'Antiquité dans les fresques romaines et grecques. Les Grecs et les Romains les considéraient comme des gardiens sacrés de la mer et ils les jugeaient intelligents, solidaires, amicaux, sensibles à la musique. Cette sortie "dauphins" symbolise aussi le charme de la Sardaigne et surtout la vocation marine de l'île. Le lendemain matin, avant de rejoindre l'aéroport d'Olbia, je me suis promenée sur une plage déserte et comme j'ai aimé ce paysage serein, tranquille ! La Sardaigne, une île qui ressemble encore à un petit paradis mais il ne faut pas le dire ! 

lundi 3 novembre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 6

 A Alghero, j'ai pris un bateau pour découvrir une grotte très réputée que les guides touristiques recommandent. Je me méfie de ces balades touristiques mais, j'avoue que cette expérience s'est très bien déroulée. Cette grotte, la grotte de Neptune, la Grotta di Nettuno, est un lieu incroyable, façonné par Dame Nature, formée il y a environ 2 000 000 d'années. Le bateau s'est approché de la falaise et c'était déjà magnifique de longer la côte pendant vingt-cinq kilomètres. La grotte a été découverte par un pêcheur local au XVIIIe siècle et son accès est possible par la terre et par la mer. J'ai choisi, évidemment, la facilité en prenant le bateau car il fallait descendre à flanc de falaise les 654 marches (l'Escala del Cabirol) ! Quand je suis sortie du bateau et posé mes pieds dans l'entrée de la grotte, j'ai tout de suite éprouvé un émerveillement inouï devant cette grotte naturelle. Quelques centaines de mètres sont ouverts au public sur les trois kilomètres de longueur. La première salle est formée de colonnes de stalactites et de stalagmites et plus loin, un petit lac, le Lago Lamarmora, diffuse des reflets marmoréens d'où son nom. Nous avancions en file indienne avec prudence à cause de l'humidité du sol. Je pouvais toucher les concrétions calcaires et j'admirais les formes, les couleurs, l'odeur salé de la mer. Ces sculptures fabuleuses m'ont fait vivre une expérience étonnante et je pensais à Jules Verne et à son roman, "Au centre de la terre" ! Je n'avais jamais vu de grotte de cette taille et quand j'ai retrouvé mon bateau pour rejoindre Alghero, j'étais déjà heureuse d'avoir pénétré les entrailles de la terre sur le plan physique même si la visite a duré trente minutes mais ces minutes valaient des heures ! Après cette matinée merveilleuse, j'ai repris la route pour ma dernière étape, Olbia où j'avais réservé un appartement dans un quartier très calme. Comme j'ai eu la chance d'avoir un soleil permanent pendant mon séjour, j'ai découvert une plage de sable fin à Porto Istano où je me suis baignée avec délice. 

samedi 1 novembre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 5

Avant l'étape d'Alghero, j'ai visité un site nuragique réputé, le Nuraghe di Palmavera, assez bien conservé où l'on penètre dans une salle de réunion, équipée de bancs circulaires. Les vestiges d'une cinquantaine de maisons entourent l'habitation principale. Ce sera mon dernier site nuragique que j'ai quitté avec le sentiment que ces hommes et ces femmes qui vivaient dans ces espaces réduits et austères sont nos ancêtres si proches et si lointains à la fois. Parfois, je me demande quels étaient leur alimentation, leurs vêtements, leur quotidien. Comment se soignaient-ils ? L'âge moyen de vie dans cette péridode historique atteignait la trentaine. Ces Nuraghe à travers la Sardaigne rappellent que les civilisations sont, hélàs, mortelles... J'ai aussi visité à Porto Conte un musée original, celui consacré à Antoine de Saint-Exupéry, un lieu incroyable, installé dans une tour de guet sur le Cap Caccia. L'écrivain a vécu dans cette tour en 1944 avant de sombrer dans la Méditerranée en juillet 44 avec son avion, abattu par un chasseur allemand. Toute une scénographie d'objets, de photos, de textes montre un homme attachant, courageux et authentique. Cet écrivain que j'ai lu dans mon adolescence mérite de ma part un nouveau regard. En sortant de ce musée littéraire étonnant sur la terre sarde, je me suis jurée de relire "Vol de nuit" et "Terre des hommes". J'ai visité ensuite la Casa Gioiosa, une ancienne colonie pénitentiaire dans le parc naturel de Porto Conte. Les prisonniers politiques, enfermés par Mussolini, s'adonnaient à l'agriculture mais les conditions de vie dans les cellules devaient être très dures. Je trouve ces lieux de mémoire trés importants pour ne pas oublier l'histoire souvent tragique d'un pays. Le soir, j'ai rejoint mon hôtel, un ancien monastère en plein centre historique. Le cloître servait d'espace pour le petit-déjeûner du matin. Cette ville possède une particularité linguistique car une partie de ses habitants parle le catalan. On la surnomme la "Barceloneta sarde". Je me suis baladée dans ces rues, sur les remparts dominant la mer et j'ai apprécié la tranquillité du site, une quiétude savoureuse dans une ville vraiment charmante et authentique.  

mercredi 29 octobre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 4

 Après Castelsardo, j'ai pris la direction de Sassari, une ville moyenne de 120 000 habitants, deuxième ville de la Sardaigne et centre universitaire. Dans chaque cité italienne, il ne faut jamais manquer le Duomo et celui de Sassari vaut bien le détour. Le Duomo di San Nicola, élevé au XIIIe siècle s'est agrandi et s'est transformé au fil du temps. Sa très belle façade baroque présente un festival d'ornements végétaux, de frises, de fleurs, de chérubins et dans des niches, dorment des saints martyrs dont Saint Nicolas. Le clocher octogonal date de 1756 et l'intérieur de l'église mélange les styles roman et gothique. Des tableaux des XIVe jusqu'au XVIIe siècle ornent les chapelles avec de riches rétables. Près du Duomo, la Pinacothèque nationale de Sassari est installé dans un collège jésuite du XVIIe. Evidemment, ce musée ne contient pas des chefs d'oeuvre d'envergure mais comme j'aime la peinture, je trouve toujours des oeuvres qui me plaisent comme des natures mortes exposées dans une salle. Sassari possède aussi un musée archéologique national important, le "Sanna", inauguré en 1931, recèlant des trésors inestimables. La plupart des collections présentées provient des dons d'un homme politique, Giovanni Antonio Sanna. J'ai retrouvé les objets du quotidien habituels comme les amphores, la vaisselle, les lampes à huile, etc. J'ai surtout remarqué des outils, des statuettes en bronze de la civilisation nuragique. Dans cet espace muséal, on trouve aussi des reconstitutions d'habitat dans un but pédagogique. Une mosaïque romaine d'une villa patricienne de Porto Torres est bien exposée dans une salle. Deux statuettes féminines datant du Paléolithique (5 000 ans av. J.C.) m'ont vraiment fascinée. De toutes façons, dès que je pénètre dans un musée archéologique en Italie ou ailleurs, mon esprit s'évade dans un temps immémorial et j'oublie que je vis au XXIe siècle ! Après cette visite, j'ai poursuivi mon parcours en visitant une nécropole intacte d'Angelhu Ruju, l'un des plus grands cimetières préhistoriques de Sardaigne. et avant d'arriver à mon hôtel de la Punta Negra, j'ai vu un pont romain sur lequel je me suis baladée. Après cette journée de découvertes, une bonne baignade dans la mer m'a revivifiée pour repartir le lendemain d'un bon pied. 

lundi 27 octobre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 3

 Le lendemain, j'ai repris le ferry pour Palau et j'ai pris la direction de Santa Teresa Gallura en conservant dans ma tête des souvenirs ensoleillés et attendris sur ma journée dans la Maddalena. Mais, avant de découvrir la prochaine étape à Castelsardo, j'ai repéré un site nuragique important : le Complesso nuragico di Lu Brandali. Un petit sentier m'a conduit à un tombeau de géants, puis aux vestiges d'un village où les fouilles ont permis de dégager cinq cabanes en pierre et il reste encore une trentaine à sortir de terre. Ces lieux conservent leur identité d'antan sans aucune habitation moderne autour de ces villages datant de l'âge de bronze. L'imagination est requise pour mettre en scène ces Sardes d'origine vivant en toute petite communauté autarcique. Dans un article de Wikipedia, j'ai appris que la langue parlée à cette époque ressemblait à la langue basque ou à la langue étrusque ! Je comprends mieux mon engouement pour les Nuraghe et les Etrusques car j'ai des ancêtres basques du côté de ma mère... Mais, ces peuples tribaux ont fréquenté aussi des Grecs, des Phéniciens, des Carthaginois, des Romains, etc.  Après la visite de Lu Brandali, j'ai rejoint la petite commune de Castelsardo, perchée sur une colline, face à la mer. Cette étape m'a permis de me balader dans les ruelles pentues du centre historique et de découvrir la cathédrale San'Antonio Abate, construite au XVIe siècle sur les bases d'une église romane. J'ai remarqué des rétables en bois scupté et doré avec des angelots musiciens espiègles. Un tableau célèbre est exposé dans la crypte du musée diocésien attenant : un Saint Michel se bat contre un démon, une toile étonnante signée du Maître de Castelsardo du XVIe, un peintre anonyme célèbre en Sardaigne. Du parvis de la cathédrale, une vue magnifique sur la mer composait un paysage unique. En fin de journée, un hôtel du bord de mer m'attendait et je me suis promenée sur la plage à la recherche de quelques petits coquillages que je conserve ensuite dans ma bibliothèque. Ce sont mes petits cailloux du Petit Poucet pour que ces plages de sable fin restent ancrées dans mon quotidien. Mais, attention, je ne prèlève qu'un seul coquillage souvent minuscule pour ne pas "piller" le patrimoine naturel de l'île. Ces moments de détente sont bercés de la douce musique des vaguelettes marines, s'étalant pareusessement sur le sable blanc. La mer provoquera toujours en moi un émerveillement perpétuel. 

vendredi 24 octobre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 2

Le lendemain matin, le ferry m'attendait et la voiture s'est glissée dans le ventre du bateau pendant vingt minutes pour débarquer sur le port de la Maddalena. La renommée de l'île attire des milliers de touristes mais en octobre, la période est idéale pour visiter ce lieu vraiment magique. De toutes façons, je me sentais déjà sous le charme complet de la mer, des voiliers et des bateaux, et des mouettes que je suis à la trace. Ces paysages marins, portuaires, avec un horizon sans fin entre le ciel et la mer m'enchantent toujours autant même si ces moments semblent bien trop fugaces. Quand la voiture s'est ejectée du ferry, j'ai pris la direction de l'île voisine, la Caprera, attachée à la Maddalena par un pont, le Passo della Moneta. J'avais repéré le domaine de Garibaldi, le musée Compendio Garibaldino, au bout de l'île, une île qui a conservé sa nature sauvage car les Autorités ont interdit la construction d'hôtels et de résidences secondaires. Le révolutionnaire patriote italien, né à Nice, a passé les 26 dernières années de sa vie de 1856 à 1882, date de sa mort. Pour connaître ce "Héros des Deux Mondes", rien ne vaut que la visite de son domaine. Sa maison blanche, la Casa Bianca, toute simple, renferme tous les objets de sa vie quotidienne (cuisine, bureau, lit, salon, objets divers) et les murs portent de nombreuses photos de famille. Cette communauté familiale vivait en autarcie en élèvant des animaux de ferme et en cultivant les jardins potagers. En quittant le domaine, j'ai vu le cimetière attenant à la maison où sont enterrés Garibaldi et les siens. Sa tombe est recouverte d'un bloc de granit, une image symbolique de cette personnalité historique. J'ai remarqué aussi les pins magnifiques, plantés par le maître du domaine. Après cette visite "historique", j'ai repris le chemin en traversant le pont et j'ai atteint mon port d'attache au bout de la Maddalena dans un hébergement fantastique, situé devant une plage, la Punta Marginetto spiaggia. Je me suis baignée dans une eau cristalline frâiche mais tellement vivifiante et j'étais seule avec ma famille à profiter d'une des plus belles plages de la Sardaigne ! Je me suis ensuite baladée dans un décor féerique constitué de masses rocheuses de granit et de porphyre qui reliaient la Sardaigne et la Corse. A chaque virage, je voyais la mer, les voiliers au loin. Entre le bleu du ciel, le bleu de la mer et le jaune des roches, j'avais l'impression d'arpenter le paradis avant l'arrivée d'Adam et d'Eve.... Je me souviendrai de la Maddalena longtemps, très longtemps. 

jeudi 23 octobre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 1

 J'aime partir en octobre et cette année, j'ai pris l'avion à Genève pour atteindre Olbia en une heure quinze minutes. J'ai loué une voiture à l'aéroport pour découvrir le Nord de la région car j'avais visité le Sud de l'île en juin 2023. Evidemment, j'ai ressenti une joie sans pareille quand j'ai posé mes pieds en terre italienne. Avant d'arriver à ma première destination, Palau, petite station balnéaire située en face de l'archipel de la Maddalena, j'ai découvert deux sites archéologiques : la Tombe des Géants et la Prisgiona. Sur mon parcours, j'avais repéré ces deux entités (merci le Routard) à Arzachena. En arrivant sur ces sites désertés par les touristes, j'ai effectué un voyage dans un passé très lointain qui conserve encore un halo de mystère, datant du XIVe au VIIIe siècle av. J.C.. En suivant le parcours, je suis tombée sur une Tombe des Géants de Coddu Ecchju, composée de blocs de granit qui forme une galerie couverte sur dix mètres de long. Il faut imaginer ces rituels autour de la mort. Ce peuple n'a laissé aucun alphabet, ni aucun témoignage écrit. Seuls, les monument et les objets racontent leur civilisation. Plus loin, le Nuraghe, La Prisgiona, est composé d'une tour principale de quatre mètres de haut et de deux tours mineures, entourée d'un mur enceinte.. Se balader en toute liberté sans surveillance dans un lieu pareil ressemble à un émerveillement d'enfant. La végétation méditerranéenne englobe le site nuragique et j'avais l'impression que le temps s'était arrêté à Arzachena. Quelques kilomètres plus loin, je suis arrivée à Palau, ma destination pour partir le lendemain à la Maddalena. Ces lieux, habités par des humains en communauté restreinte, n'ont pas la sublime beauté des temples grecs ou des monuments romains. Mais, la simplicite de ces habitats rudimentaires me touchent tout autant. La Sardaigne m'a offert à deux reprises dès mon arrivée deux perles archéologiques ! J'aime beaucoup ces traces premières d'une civilisation méditerranéenne très mystérieuse. En fin d'après-midi, j'ai posé mon sac à dos à Palau en attendant mon départ pour la Maddalena. Evidemment, je n'ai pas résisté à déguster un spritz dans un restaurant de la ville où je savourais déjà l'ambiance hautement chaleureuse de la Sardaigne.

mercredi 22 octobre 2025

Atelier Littérature, les coups de coeur, 2

 Régine a présenté un roman d'Antoine Choplin, "La barque de Masao", publié en 2024 chez Buchet-Chastel. Masao est ouvrier sur l'île de Naoshima au Japon. Il retrouve sa fille, Harumi, venue l'attendre plus de dix ans après son départ. Ils vont se voir avec pudeur pour enfin se réconcilier. Masao se souvient de Kazue, la mère d'Harumi, avec laquelle il a vécu une histoire d'amour superbe. Régine, passionnée par la culture japonaise, a aussi retenu l'histoire de deux îles, Naoshima er Teshima, avec leurs musées respectifs. Le premier expose les nymphéas de Monet dans une des salles et le deuxième montre une oeuvre unique qui se confond avec le bâtiment. Ce roman sobre et pudique, plein de tendresse et de sensibilité, a conquis notre amie Régine qui avait aussi reçu cet écrivain lors d'une journée littéraire à Chambéry. Elle a évoqué en deuxième coup de coeur, le dernier livre d'Alice Ferney, "Comme un amour", publié chez Actes Sud lors de cette rentrée littéraire. Les questions que se posent l'écrivaine ont-elles une réponse ? Comment définir l'amitié ? Comment la cultiver ? Comment tolérer les différences d'idées ? Un homme et une femme peuvent-ils être amis ? Marianne, styliste renommée, et Cyril, chroniqueur d'art vont devenir ces complices amicaux mais jusqu'à quand ? Il faut donc lire ce roman pour connaître l'avenir de nos deux protagonistes. Geneviève a évoqué un coup de coeur collectif en signalant la très bonne collection, "Un été avec", un phénomène éditorial de la maison d'édition Des Equateurs en collaboration avec une série d'émissions de France Inter. En 2013, la radio lance ce programme pour "inviter le grand public à découvrir ou redécouvrir de grands auteurs classiques pendant la période estivale". Partir en vacances et glisser dans sa valise "un été avec" semblait un pari osé car l'été est synonyme de lectures légères et insouciantes. L'audace éditoriale et le rôle du service public radiophonique ont dépassé les espérances de l'éditeur. Au Panthéon de la collection : Homère, Hugo, Dumas, Proust, Colette, Valéry, Rimbaud, Montaigne, etc. Ces biographies originales sont composées par de belles plumes comme Antoine Compagnon, Sylvain Tesson, etc. Voilà pour les coups de coeur d'octobre.. Prochaine rencontre : le jeudi 20 novembre autour des romans historiques !  

mardi 21 octobre 2025

Atelier Littérature, les coups de coeur, 1

 Après Emmanuel Carrère, nous avons abordé les coups de coeur. Odile Ba a démarré avec un roman de Maylis de Kérangal, "Naissance d'un pont", publié en 2010, prix Médicis. Ce livre décrit le chantier de construction d'un pont situé dans la ville fictive de Coca en Californie à travers plusieurs personnages comme le grutier, le chef de chantier, l'ingénieur, le syndicaliste et d'autres professionnels. Les employés rencontrent de nombreux problèmes face à ce chantier titanesque et se croisent pour créer un microcosme original. Odile a bien apprécié cette ambiance hautement technique, servie par un style riche en vocabulaire. Danièle a déniché un roman attachant selon son avis : "Je suis la sterne et le renard" d'Alain Mascaro, publié cette année chez Flammarion. Cette saga raconte le clan féminin de l'Orme : Barbra, Aana, Alfheidr et les autres. Cette lignée de femmes vivent sans père et sans mari. Brodeuses, guérisseuses, chamanes, gardiennes, elles subissent la violence des hommes. Cette grande fresque légendaire, traversée par des paysages somptueux, "déploie une fable aux résonances contemporaines". Danièle apprécie particulièrement la littérature des contes et des légendes. Elle a cité deux autres coups de coeur : "Les piliers de la mer" de Sylvain Tesson et "Un perdant magnifique" de Florence Seyros. Annette a choisi le dernier roman de Sorj Chalandon, "Le Livre de Kells", publié en septembre dernier. Dans ce douzième roman, l'auteur raconte un épisode de sa vie quand il avait 17 ans. Il quitte le lycée, sa famille à Lyon et arrive à Paris. Il va connaître la misère, la rue, le froid et la faim. Des hommes et des femmes, engagés politiquement, lui tendent la main et le sortent de la rue. Il vit alors dans ce milieu engagé jusqu'à la mort brutale d'un militant ouvrier de la Gauche prolétarienne, Pierre Overney. Ce récit autobiographique reflète l'ambiance d'une époque politique violente et heureusement révolue. Certains "soldats" de la cause trouveront une issue pacifique dans le journalisme comme Sorj Chalandon.  (La suite, demain)

lundi 20 octobre 2025

Atelier Littérature, Emmanuel Carrère, 2

 Danièle a beaucoup apprécié "D'autres vies que la mienne", publié en 2009. Ce titre indique le "décentrement" de l'écrivain qui, enfin, quitte son ego pour raconter d'autres destins que le sien. Il veut relater des vies d'hommes et de femmes qu'il a rencontrés. Son empathie éclate dans ces récits avec des destins fracassés par le malheur. Il relate le drame d'un famille lors du tsunami qui a dévasté le Sri Lanka en 2004. Les parents ont perdu leur fille, Juliette, dans ce déchaînement de la nature les laissant inconsolables. Comment survivre après cette catastrophe intime ? Emmanuel Carrère tente seulement de partager leurs souffrances. Il évoque ensuite la mort de sa belle-soeur, mariée et mère de trois fillettes, atteinte d'un cancer. Il rencontre aussi un ami de Juliette, Etienne. Juge comme elle, ils étaient liés par une amitié indéfectible. Ces deux collègues traitaient les affaires de surendettement au tribunal de Vienne en Isère et protégeaient les victimes des établissements de crédit. A la façon d'un journal intime, l'auteur instille avec justesse un sentiment de solidarité envers des hommes et des femmes en difficultés extrêmes. Parler de la maladie, de la mort mais aussi de l'amitié, de l'amour, demeure pour Emmanuel Carrère une nécessité pour montrer "l'importance des gens qui nous entourent, leur interaction sur notre propre destin". Ces héros du quotidien, nous les rencontrons tous les jours. Régine a présenté "V13 : chronique judiciaire", publié en 2022. L'auteur revient vers son métier de journaliste en relatant le procès des attentats du 13 novembre 2015 avec 130 morts et 350 bléssés. Plus de 300 témoins ont été entendus dans ce procès au long cours. 20 accusés ont été jugés. Emmanuel Carrère a publié ces chroniques hebdomadaires dans quatre journaux européens dont l'Obs en France. Il réussit à "saisir l'humanité des uns et des autres, qu'elle soit bouleversante, admirable ou abjecte". L'écrivain écoute avec exigence les paroles et les silences de ce procès malgré l'horreur du terrorisme islamiste. Régine a beaucoup apprécié ces chroniques dont la simplicité d'écriture évite le pathos et le voyeurisme. Un Carrère incontournable à découvrir. Trois autres titres  d'Emmanuel Carrère n'ont eu aucun succès auprès des lectrices : "Le Royaume", "Yoga" et "Limonov". En choisissant cet écrivain, je soupçonnais qu'il y aurait des réticences à le lire. Mais, j'ai remarqué tout de même que quelques récits ont marqué certaines d'entre elles. Merci à toutes les lectrices pour leur sens du "devoir" surtout pour des écrivains singuliers comme Emmanuel Carrère. 

vendredi 17 octobre 2025

Atelier Littérature, Emmanuel Carrère, 1

Les lectrices de l'Atelier étaient presque toutes présentes au deuxième rendez-vous de la saison, ce jeudi 16 octobre dans notre nouveau lieu, "Jetez l'encre". Au menu littéraire de l'après-midi : l'écrivain Emmanuel Carrère et les coups de coeur. Véronique a lu "La Moustache", publié en 1986. Ce texte pose la question de l'identité, de la folie. Le personnage central se rase la moustache un matin et personne, ni sa femme, ni ses amis ne le remarquent. L'histoire va mal finir. Véronique, malgré la bizarrerie de l'anecdote, a bien apprécié ce drame parfois kafkaïen. Le thème du roman conserve une actualité permanente : qui suis-je ? Janelou a présenté "L'Adversaire", publié en 2000, le livre le plus connu de l'écrivain, basé sur l'horrible crime de l'affaire Romand en 1993. Cet homme, dont la vie n'est que mensonge pendant 17 ans, a tué sa femme, ses deux enfants et ses parents. Il n'était pas médecin comme il le prétendait. Quand un membre de sa famille lui demande de rembourser un prêt, il passe à l'acte. Emmanuel Carrère s'intéresse à ce criminel avec lequel il communique par courrier.  Janelou a vraiment évoqué cette enquête singulière et unique avec précision en citant des passages. L'auteur se demande si l'assassin n'est pas le "jouet de l'Adversaire, de Satan" dans une référence biblique. Ce reportage lucide, sincère, authentique dans l'enfer de cet homme "inhumain" révèle tout le talent d'Emmanuel Carrère pour tenter l'impossible : essayer de comprendre des actes incompréhensibles. Odile Ba et Geneviève ont lu "Un roman russe", publié en 2007. L'écrivain poursuit sa démarche autobiographique en proposant trois récits dans ce texte : l'histoire d'un prisonnier hongrois capturé par l'Armée rouge en 1944, la vie désastreuse de son couple, la disparition de son grand-père maternel, exécuté après la Libération à cause de sa collaboration avec les Allemands. La construction du récit entremêle ces trois récits avec un point commun : le narrateur omniprésent qui raconte ses relations tumultueuses avec une jeune femme, Sophie, ses souvenirs familiaux avec sa mère, Hélène en dévoilant le secret du grand-père. Des lectrices ont remarqué l'extrême narcissisme de l'écrivain. Il faut dépasser ce niveau psychologique pour apprécier le projet d'Emmanuel Carrère : traquer les zones d'ombre dans chaque individu, remettre en question l'héritage familial. Ecrire pour lui ressemble peut-être à une "thérapie" pour mettre à distance ces hantises et ses angoisses. (La suite, lundi)

jeudi 16 octobre 2025

"Kolkhoze", Emmanuel Carrère, 2

 Ce grand récit mêle des souvenirs intimes à des anecdotes historiques, des secrets de famille à des informations géopolitiques. L'écrivain Carrère se confie souvent dans la presse sur sa démarche littéraire : la description du Réel, de son Réel. Il évoque son amour de fils envers ses parents : "Je suis le visage de ma mère qui se détourne sans appel, je suis la détresse sans fond de mon père". Emmanuel Carrère puise son inspiration dans le destin fabuleux de sa mère et il tente de décryper l'étrange relation conjugale de ses parents. Chacun a déjà éprouvé ce sentiment d'étrangeté quand on pense au couple que formaient ses parents. Ce fait social et psychologique demeure souvent une énigme pour les enfants. L'écrivain explique sa fascination pour une démarche de vérité sur ses proches : "Les livres, les films, les récits qui me touchent le plus sont ceux qui montrent en même temps les dimensions horizontale et verticale de la vie. Horizontale : l'amour, l'amitié, les alliances qu'on noue en faisant la traversée dans les mêmes eaux, dans le même temps. Verticale : les relations entre les générations. Parents et enfants, aïeux et descendants, qui ont habité des mondes différents, partagé d'autres récits collectifs, d'autres valeurs, d'autres évidences". Il ajoute qu'en prenant de l'âge, il se passionne plus pour la dimension verticale. "Kolkhoze" illustre, évidemment, la dimension verticale de sa vie avec un sentiment de réconciliation et d'apaisement. Ce mot, kolkhoze, convient parfaitement quand les trois enfants d'Hélène Carrère d'Encausse se retrouvent au chevet de leur mère, souffrant d'un cancer,  dans un service des soins palliatifs : "Cette nuit-là, rassemblés tous les trois autour de ma mère, nous avons pour la dernière fois fait kolkhoze". Amour filial, amour familial, passé recomposé comme une fable, Emmanuel Carrère livre à ses lecteurs et lecrices une fresque haute en couleurs où l'ennui est honni dans ce texte. Il définit son rôle ainsi : "Ce que nous aurons connu sur notre petit arpent de terre est nul autre, dans notre petite bande de temps est nulle autre, dans le petit être qui nous a été assigné d'habiter est nul autre, le monde peut crouler, cela reste le métier des gens comme moi d'en rendre compte. Alors, puisqu'ils sont morts, et tant que je suis vivant, je le fais". Un des meilleurs "Carrère" !

mercredi 15 octobre 2025

"Kolkhoze", Emmanuel Carrère, 1

 J'ai choisi Emmanuel Carrère dans le cadre de l'Atelier Littérature du mois d'octobre. Pourquoi ce choix pour mon deuxième atelier de la saison ? Dans le panorama littéraire contemporain, les critiques citent son nom comme celui de Michel Houellebecq, les considérant comme de grands écrivains contemporains, connus autant en France qu'à l'étranger. La rentrée littétaire commentée par la presse évoquait dès cet été, l'événement à surveiller : le dernier récit d'Emmanuel Carrère, "Kolkhoze", publié chez P.O.L., son éditeur de toujours. Je l'ai donc lu et malgré les 560 pages, j'ai beaucoup apprécié ce récit autobiographique d'une grande ampleur et d'un souffle romanesque évident. L'écrivain évoque ses influences littéraires : Georges Perec et Marguerite Yourcenar. Il admire le roman de Perec, "W ou Le souvenir d'enfance" mêlant l'histoire intime à la grande Histoire. Marguerite Yourcenar a composé son autobiographie à partir de ses propres archives, "Le Labyrinthe du monde" en trois tomes, et ces récits psychogénéalogiques ont fortement influencé l'écrivain pour se plonger lui-même dans les eaux familiales. Comment résumer ces centaines de pages ? Exercice difficile. Je tire le fil le plus essentiel : le portrait de sa mère, Hélène Carrère d'Encausse, morte en 2023. Cette grande dame de l'excellence française, Secrétaire perpétuel de l'Académie française, spécialiste du monde russe, a un parcours exemplaire dans une assimilation parfaite avec la France. Son mari, originaire de la bourgeoisie bordelaise, n'a pas la même trajectoire que sa femme. Il occupait un poste de direction dans les assurances et voyageait beaucoup. Emmanuel Carrère en prenant le titre de "Kolkhoze" raconte une anecdote familiale d'une tendresse évidente quand leur mère invitait ses trois enfants dans sa chambre le soir pour dormir avec elle : faire kolkhoze. Le narrateur remonte sur quatre générations et il avait déjà mentionné la généalogie de sa famille dans "Un roman russe". Originaire de la Georgie, sa mère, née Zourabichvili, issue de la noblesse russe ruinée, s'est exilée en France dans les années 30. Son père a collaboré avec les Allemands pendant la Guerre et Emmanuel Carrère avait révélé ce secret refoulé et honteux que sa mère voulait absolument caché.  Le père de l'Académicienne a disparu certainement assassiné pendant la Libération. Ce roman biographique raconte une saga familiale fascinante dans le bouleversement de l'Histoire : la révolution bolchévique, l'exil des Russes blancs, la guerre mondiale, la Russie de Poutine, la France institutionnelle avec l'Académie française. (La suite, demain)

lundi 6 octobre 2025

Les 40 ans de Répliques, Alain Finkielkraut

 J'ai écouté une émission de France Culture sur les 40 ans de "Répliques", une véritable institution du service public. Guillaume Erner a reçu Alain Finkielkraut dans les "Invités du matin", disponible en podcast. Evidemment, je ne rate jamais un "Répliques" tellement les sujets abordés sont très souvent passionnants. Depuis tant d'années, cet exercice intellectuel de l'académicien honore France Culture. Le philosophe raconte qu'il voulait "faire une place à la conversation civique" et renouer avec "l'idéal démocratique" en rappelant la citation d'Albert Camus : "Le démocrate est modeste. Il sait qu'il ne sait pas tout. Il a besoin des autres pour savoir ce qu'ils savent". Ce besoin de dialoguer, ce souci permanent de comprendre, de décrypter les idées sur le monde demeurent l'obsession du philosophe. Il cite une amie de Tocqueville qui s'exclamait : "A quoi servirait de vivre si l'on n'entendait que le son de sa propre voix ?". Dans le panorama de la vie intellectuelle française, cette émission est restée une vigie éclairante, prônant la tolérance et le non sectarisme. Alain Finkielkraut, homme de gauche, est décreté "réactionnaire" par ses anciens amis et collègues. Cette logique de dénonciation rend "difficile la conversation dans le monde intellectuel". Malgré des attaques récurrentes contre son esprit de liberté et de vérité du réel, le philosophe trace son sillon et régale ses auditeurs. Comme la littérature me passionne, j'écoute avec intérêt les émissions sur les écrivains : Proust, Anatole France, Péguy, Colette, Cioran et tant d'autres. Il invite des philosophes, des sociologues, des artistes en traitant de sujets contemporains souvent clivants comme l'aide active à mourir, la nouvelle paternité, les luttes féministes, la justice, etc. On ne s'ennuie jamais avec lui et avec ses interlocuteurs. J'apprécie aussi son amour total pour la littérature qu'il vénère : "Il faut, à 14 ou 15 ans, s'ouvrir à des livres trop grands pour soi, pour connaître la volupté de comprendre sans comprendre". Il faut lire en particulier "Le Coeur intelligent" où l'écrivain-philosophe évoque neuf romans essentiels à lire dans sa vie. Encore aujourd'hui, j'ai suivi son émission sur "Trump, chaos ou stratère incarné", un débat passionnant sur l'actualité du moment concernant la géopolitique. Et tout ce j'ai écouté n'est pas vraiment réjouissant. Alain Finkielkraut, aidé par son équipe, me surprend toujours, tellement il m'aide à mieux comprendre le monde. C''est le rôle d'une radio comme France Culture. 40 ans de réflexions, 40 ans de débats, 40 ans de points de vue, je souhaite qu'il poursuive son chemin 40 ans de plus ! Et je serai fidèle au rendez-vous de "Répliques". 

samedi 4 octobre 2025

Atelier Littérature, 4

 Agnès a choisi comme coup de coeur, le roman de Viola Ardone, "Les Merveilles", publié en 2024 ehez Albin Michel. En 1982, Elba, quinze ans, est née dans l'asile où sa mère a été abusivement internée. Elle a suivi des études chez les religieuses et revient dans l'hôpital pour se rapprocher de sa mère. Le jeune fille décrit ce monde de malades mentaux mal soignés et même négligés par les soignants. Seuls comptent les cachets, les sangles, les électro chocs. Ce milieu impitoyable va commencer à changer quand un jeune psychiatre prône l'écoute et surtout la libération des malades. Il prend aussi Elba sous son aile bienveillante et découvre "le poids et la force de la paternité". Agnès a aussi apprécié le dernier récit de Gaëlle Josse, "De nos blessures, un royaume". Pascale a présenté "La Sentence" de Louise Erdrich, paru en Livre de Poche en 2025. Tooke, une quadragénaire d'origine améridienne, ayant fait quelques années de prison, est embauchée dans une libraire de Minneapolis. Lectrice assidue, elle aime beaucoup son travail mais, l'esprit d'une cliente récemment décédée vient hanter les rayonnages de la librairie. La ville est à feu et à sang après la mort de George Floyd et le monde s'est figé avec l'arrivée du covid. Que va devenir Tokee dans ce monde devenu fou ? Il faut lire ce roman pour connaître le destin de cette femme courage. "Une lecture réjouissante", s'est exclamée Pascale. Odile Ba a évoqué son deuxième coup de coeur avec le dernier roman de Natacha Appanah, "La nuit au coeur", paru chez Gallimard. L'écrivaine entrelace trois histoires de trois femmes, victimes de la violence de leur compagnon. Ces féminicides dans le cadre conjugal, un sujet terrible et malheureusement récurrent à la fois. Une nouveauté de la rentrée littéraire à découvrir. Annette a beaucoup apprécié cet été une biographie romancée, "Artemisia" d'Alexandre Lapierre. En 1611, à Rome, la jeune Artemisia se bat avec fureur pour peindre. Son père, Orazio Gentileschi, veut cacher le génie de sa fille. Mais, son destin d'immense artiste va s'imposer. Une biographie exemplaire, documentée et très agréable à lire. Et comble du bonheur, l'Italie de la Renaissance en prime : Voilà pour tous les excellents coups de coeur du premier atelier de la nouvelle saison. Nous nous retrouverons le jeudi 16 octobre dans le même lieu, "Jetez l'encre" autour d'Emmanuel Carrère. 

vendredi 3 octobre 2025

Atelier Littérature, 3

 Une nouvelle lectrice, Marie-Christine, a rejoint l'Atelier ce jeudi. Elle a choisi comme premier coup de coeur un roman d'Antonio Skarmeta, "Une ardente patience", paru en 1987 au Seuil. Un facteur, Mario Jiménez, porte le courrier à un poète illustre, Pablo Neruda, dans l'île Noire, en Argentine. Mario demande au poète de l'aider à conquérir la fille de l'aubergiste qu'il aime en lui envoyant des poèmes. Une amitié naît entre les deux hommes mais, la tragédie surgit avec la mort du poète, celle d'Allende et la fin de la démocratie chilienne. Un roman attachant et sensible. Marie-Christine a cité un deuxième coup de coeur, "Oublier Klara", d'Isabelle Autissier. paru en livre de poche en 2020. Ce roman se passe à Mourmansk, au nord du cercle polaire où Rubin, sur son lit d'hôpital, se souvient de sa mère, chercheuse scientifique, arrêtée par la police stalinienne. Le fils de cet homme a choisi l'exil en Amérique pour oublier le passé familial. Il revient vers son père, vingt-trois ans après pour mener son enquête sur ce passé douloureux. Un roman à découvrir. Geneviève a beaucoup apprécie les deux tomes de l'autobiographie de Doris Lessing, "Dans ma peau" et "La marche dans l'ombre". Prix Nobel de littérature en 2007, cette écrivaine anglaise, née en Iran, a passé son enfance et sa jeunesse en Rhodésie. Son oeuvre "polyforme" se compose de romans, d'écrits autobiographiques, de science-fiction, de nouvelles. Elle s'inspirait de son expérience africaine, de ses engagements sociaux et politiques. Une immense écrivaine à découvrir ou à redécouvrir avant que les générations actuelles et futures ne l'oublient. Geneviève a aussi évoqué en deuxième coup de coeur, "Giovanni Falcone" de Roberto Saviano. Le 23 mai 1992, à Palerme, la mafia assassine le juge Falcone, un homme exemplaire qui, vingt ans plus tôt, a ouvert le dossier antimafia. Il sait que la mafia va le tuer mais il ne désarme pas devant la peur. Il faut lire ce récit documenté et impressionnant d'un auteur italien qui connaît très bien ce sujet.

jeudi 2 octobre 2025

Atelier Littérature, 2

 Véronique a présenté le roman de Leonor de Recondo, "Marcher dans tes pas", publié chez Iconoclaste. La narratrice raconte la vie d'Enriqueta, sa grand-mère qui a fui l'Espagne franquiste en 1936 en perdant tout. Quarante ans plus tard, Leonor de Recondo, rend un hommage émouvant à cette femme et demande la bi-nationalité franco-espagnole pour reconnaître sa double identité. La narratrice veut réparer l'oubli des victimes du franquisme dans la guerre civile. Sa grand-mère était une femme libre, courageuse et combattive. Face à ce passé familial douloureux, Leonor de Recondo tisse un lien indéféctible avec Enriqueta. Il ne faut jamais oublier toutes ces victimes et ce devoir de mémoire rappelle les tragédies de cette guerre horrible : "Le devoir de mémoire ne doit-il pas d'abord rendre hommage aux victimes ? Comme il n'y eut aucun procès après la mort de Franco, et qu'un silence a été accepté par tous, les fosses sont restées fermées et les noms des perdants se sont effacés à jamais. Enfants et petits-enfants, souvenons-nous. La mémoire se travaille, elle n'est pas acquise, elle se cultive". Une nouveauté de la rentrée à découvrir. Odile Bo a évoqué un roman de Philippe Manevy, "La colline qui travaille", publié chez l'éditeur, Le Bruit dans le monde. L'auteur raconte son roman familial sur quatre générations en commençant par sa grand-mère, Alice, tisseuse de métier et figure de proue d'un mouvement ouvrier après la victoire du Front Populaire. Son mari, typographe, s'est aussi engagé dans la Résistance. Ils auront une fille, Martine. Chaque chapitre met en lumière un membre de la famille qui traverse les deux guerres mondiales, les Trente Glorieuses et la fin du XXe. Une saga familiale comme on les aime. Odile a aussi choisi en deuxième coup de coeur, "Du même bois" de Marion Fayolle, paru en Folio. Dans une ferme, l'histoire d'une famille et leur mode de vie de génération en génération. L'omniprésence des bêtes dans leur environnement envahit leur espace. Par petites touches sur le vif, ce premier roman avait été salué par les critiques littéraires. (La suite, demain)

mercredi 1 octobre 2025

Atelier Littérature, 1

 Après quelques mois d'interruption estivale, l'Atelier Littérature a fait sa rentrée le jeudi 25 septembre dans un nouveau lieu, "Jetez l'encre", un bar-salon confortable, en face de la Médiathèque. Nous étions une bonne dizaine autour de la table et j'étais, évidemment, ravie de retrouver mes amies lectrices. Je n'avais donné qu'une consigne pour ces retrouvailles : évoquer les coups de coeur de l'été. J'ai présenté avant de démarrer la séance le programme de la nouvelle saison avec trois rendez-vous prévus d'octobre à décembre. Le jeudi 16 octobre, nous invitons virtuellement Emmanuel Carrère, un écrivain français incontournable à l'occasion de la sortie de son nouveau livre : "Kolkhose". En novembre, j'ai choisi une écrivaine anglaise "romantique et intemporelle" dont on fête les 250 ans de sa naissance en 1775 ! En décembre, je proposerai une liste de romans d'amour. Odile Ba a lancé la séance des coups de coeur avec la trilogie de Leila Slimani : "Le Pays des autres", "Regardez-nous danser" et "J'emporterai le feu". Odile aime beaucoup cette saga familiale où la situation des femmes l'intéresse au plus haut point, ces femmes qui cherchent à "se libérer, chacune à sa façon, dans l'exil ou dans la solitude". Mylène nous a présenté un roman original, "Division Avenue" de l'écrivaine américaine Goldie Goldbloom, publié en 2021 chez Bourgois. Cette Division Avenue se situe à New York, dans le quartier juif orthodoxe de Brooklyn. Surie Eckstein, mère de dix enfants, découvre qu'elle est enceinte à 58 ans ! Quel événement singulier et extraordinaire ! Elle décide de taire cette grossesse, ment à sa famille et à ses amis. Elle détient un secret concernant un de ses fils, Lipa. L'écrivaine brosse le portrait empathique, tendre et émouvant d'une femme discrète par excellence dans le milieu de la communauté juive hassidique, rythmée par de nombreuses fêtes religieuses, par des rites et des interdits. Il faut lire ce beau roman pour découvrir le secret de Surie. Le deuxième coup de coeur de Mylène concernait les romans d'Anne Tyler, en particulier "La danse du temps" et "Une autre femme". Mylène a eu une très bonne idée de parler de cette écrivaine américaine qui mériterait d'être mieux connue. Tous ses romans évoquent la famille, le couple, les enfants, l'émancipation des femmes toute en douceur et l'humour distancié. (La suite, demain)