Comment lire Marcel Proust ? Catherine Cusset tente de répondre à cette question récurrente. Beaucoup de lecteurs et de lectrices ont souvent renoncé à découvrir la Recherche. Moi-même, je n'ai pas réussi à lire Joyce et son "Ulysse". Certains romans de Céline m'échappent et le Nouveau Roman m'a toujours ennuyée. Je me souviens du "Planétarium" de Nathalie Sarraute qui m'avait laissée de marbre. Pour entrer dans l'univers proustien, l'écrivaine donne une recette : "Il faut entrer dans le texte. Dans un autre temps, un autre rythme. C'est une expérience spirituelle. Une immersion. (...) Il faut se laisser porter par ces phrases qui sont comme des flots, des vagues, et qui ont quelque chose d'addictif". Comme j'adore la mer, les vagues, le mouvement, je me sens bien dans l'océan proustien. Le troisième chapitre est consacré au "grand roman de l'écriture", une écriture unique, reconnaissable, d'une ampleur inédite. La narratrice évoque le doute de la vocation littéraire chez Proust dans la Recherche car l'écrivain parle de sa "nullité littéraire", de sa paresse, de son talent : "Proust rend un grand service aux écrivains en articulant ses doutes et même son désespoir dans une pensée rigoureuse et précise". Plus loin, elle ajoute : "le doute est une étape essentielle sur le chemin de la création". Il faut se souvenir que l'écrivain a rencontré l'échec et a connu "la douleur du rejet" car les éditeurs refusaient son manuscrit. Il a publié à compte d'auteur. Sa célébrité a démarré avec le prix Goncourt en 1919 pour "A l'ombre des jeunes filles en fleurs". Catherine Cusset relate dans son texte les péripéties de l'édition, un obstacle souvent insurmontable pour ceux qui s'adonnent à l'écriture. Cette plongée dans le monde éditorial peut sembler décourageante mais, il faut cultiver l'obstination pour arriver au but. Catherine Cusset creuse la question de l'écriture : "Ecrire, c'est cela pour moi. Rentrer dans l'épaisseur fugitive de ce temps disparu, y descendre. Retrouver celle qu'on fut et qui n'existe plus, qu'on entrevoit comme une ombre évanescente derrière le miroir. (...) Ce qu'on désire atteindre, ce n'est pas juste soi, c'est le temps, c'est le vivant, c'est la sensation disparue". Le Grand Chantier proustien. Elle termine son essai avec les dix commandements de sa "Bible", la "Recherche" en citant des phrases proustiennes de toute beauté. Son analyse profonde de la Recherche possède un charme certain avec un mélange d'intelligence et d'humour. Pour ma part, Marcel Proust, ce génie de la littérature, mériterait sa place au Panthéon tellement il a élevé la langue française à un niveau inégalé. Mais, évidemment, il n'a aucune chance de rejoindre André Malraux ou Victor Hugo... Catherine Cusset a réussi son pari : inciter son lectorat à retrouver au plus vite les phrases océaniques de notre héros commun, Marcel Proust.
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