En ce moment, je prépare un séjour à Rome que je vais effectuer en début novembre. Dès que je m'embarque pour une escapade, je me plonge dans un bain continu de lectures : guides très bien informés sur les sites, musées, hôtels, palais, églises, à voir en un jour (pourquoi pas ?), en trois ou six jours... Pour la ville de Rome, j'ai donc examiné le "Top 10", le Rome dans la collection Cartoville, très pratique pour les plans de quartier et les adresses de restaurants et magasins, le Rome en quelques jours de Lonely Planet, léger pour se promener, un "Rome insolite et secrète" dans l'édition Point2 au drôle de format, qui donne des adresses en particulier de quelques bibliothèques patrimoniales à admirer. Pour terminer sur les guides, je préconise la collection "Guides voir" chez Hachette, très clair, bien documentée sur la culture et le patrimoine en intégrant des plans, des dessins en trois dimensions, des explications historiques assez pointues et une iconographie de bonne qualité. Partir, c'est aussi voyager à travers des centaines de pages, surfer sur des quantités d'informations que l'on recoupe, synthétise, enregistre et valide pour organiser son séjour dans les meilleures conditions. Non seulement, j'avale des guides mais je me documente à satiété pour comprendre et apprécier les lieux visités. J'ai donc aussi emprunté à la bibliothèque des ouvrages sur Rome. Je citerai en priorité Lucien Jerphagnon avec son "Histoire de la Rome antique", un grand classique incontournable et surtout son dernier livre "Connais-toi toi-même... et fais ce que tu aimes", édité chez Albin Michel en 2012. Cet ouvrage, écrit dans une prose simple et compréhensible, raconte des anecdotes sur la civilisation romaine, sur la philosophie platonicienne. Ce grand philosophe, disparu en 2011, nous fait revivre cette époque comme si c'était hier... J'ai feuilleté des livres d'art sur la peinture romaine, sur l'architecture, sur les églises, et même sur l'histoire des femmes à Rome ! Une boulimique de lectures préparatoires, voilà ma marque de fabrique d'ancienne libraire et de bibliothécaire... J'ai fini aussi par reprendre ma Pléiade de Julien Gracq où j'ai relu le texte "Autour des sept collines", récit de voyage sur Rome en 1988 : un guide littéraire et historique dans une langue française d'une rare beauté. Je vais maintenant essayer de tout oublier, les livres et les mots, et les images, et les conseils, pour vivre en temps réel, cette escapade dans le temps romain à venir.
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
mardi 29 octobre 2013
lundi 28 octobre 2013
"Nager nues"
Ce roman, écrit par Carla Guelfenbein, traduit de l'espagnol et publié chez Actes Sud en 2013 nous vient du Chili. Le coup d'état de Pinochet et le suicide d'Allende ont marqué la mémoire collective. Carla Guelfenbein a choisi cette toile de fond historique, tragique pour beaucoup de militants politiques qui ont disparu à tout jamais dans des fosses communes. Les personnages du roman forment un trio amoureux (très porteur en ce moment comme élément romanesque) : Diego, le père de Sophie et collaborateur du Président Allende, Sophie, sa fille artiste, et Morgana, l'amie intime de Sophie. Les deux jeunes femmes vivent une complicité rare et précieuse, mais cette amitié amoureuse vacille quand Sophie apprend l'histoire d'amour entre son père, à la quarantaine bien avancée, et Morgana, fascinée par la personnalité de Diego. La situation politique se dégrade au fil des pages : coups de téléphone anonymes, voiture suivie, vol dans l'appartement. Les deux amants se cachent et n'avouent pas leur liaison à Sophie. Le danger se précise mais le couple clandestin formé par Diego et Sophie résiste à cette pression politique. La première partie du roman se déroule en 1973. Quand Sophie apprend la vérité sur les liens amoureux de son père avec sa meilleure amie, elle refuse de les voir, et s'envole en France près de sa mère. Morgana attend un enfant de Diego et la situation politique exige une séparation. Mais les militaires interceptent le couple qui venait de se retrouver et les exécutent froidement. La deuxième partie du livre se passe en 2001. Sophie est devenue une artiste confirmée et elle voit à la télévision les images de l'attentat du 11 septembre à New York. Elle pense à la disparition de son père et de Morgana. Elle se lance à la recherche de l'enfant du couple maudit à ses yeux car elle s'est sentie trahie par leur mensonge. Sophie retrouve la petite fille, qui avait été récupérée par ses grands-parents espagnols, aujourd'hui âgée de 28 ans, mariée et mère de deux enfants . Va-t-elle lui dire la vérité sur ses parents assassinés par les militaires de Pinochet ? Avouera-t-elle son lien de parenté ? Carla Guelfenbein offre une version toute personnelle de la tragédie que son pays a vécu. Malgré le destin malheureux du couple, et la survie de Sophie, l'espoir peut renaître...
Un très beau roman...
vendredi 25 octobre 2013
Atelier de lecture, 3
J'avais donné une consigne en septembre : lire ou relire des œuvres d'Albert Camus dont on commémore le centenaire de sa naissance. Albert Camus est né le 7 novembre 1913 à Mondovi (Algérie) et il est mort dans un accident absurde de voiture en 1960, à 47 ans. Il existe des milliers de pages sur lui : biographies, revues critiques, témoignages nombreux d'amis, de compagnons et surtout de sa fille Catherine Camus. Son ouvrage sur son père, "Solitaire et solidaire" est un document unique et essentiel pour connaître dans son intimité, cet écrivain si proche de ses lecteurs(trices). Dans le cadre de l'atelier, j'ai surtout retenu deux interventions : celle de Janine qui a découvert "Le premier homme", manuscrit retrouvé dans une sacoche au moment de l'accident mortel. Le roman posthume, quasi autobiographique, a été édité en 1994 et fut un formidable best-seller (400 000 exemplaires en quelques mois). Janine a relevé la limpidité classique du récit : son enfance pauvre à Alger, la présence muette de sa mère aimante et perturbante de sa grand-mère autoritaire, la rôle de son instituteur Monsieur Germain, sa vie de jeune homme. Ce récit l'a touchée comme il a ému tous ceux qui apprécient son œuvre globale. Régine avait choisi le roman le plus sombre et le plus énigmatique de Camus, "La chute", publié en 1956. Un avocat se retrouve à Amsterdam près d'un pont et raconte sa déchéance morale, ses doutes et ses questionnements sur le sens de l'existence. Ce récit avait étonné son public par sa noirceur, sa désespérance. Mais Camus, comme l'a écrit son ami Roger Grenier, pouvait vivre heureux et malheureux, soleil et ombre. J'ai relu pour ma part, "L'Etranger", et après de nombreuses années, je l'ai trouvé encore plus profond qu'à ma première lecture de jeunesse. J'ai compris la dimension philosophique du livre, la notion de l'absurde, la part de hasard, de liberté et de libre-arbitre de l'anti-héros, n'éprouvant qu'indifférence pour sa mère et ses relations, et forçant son destin en assassinant un Arabe sur une plage. Le style de Camus n'a pris aucune ride et la modernité du sujet reste permanent dans le comportement humain. Pour terminer le billet sur cet écrivain magnifique, je citerai deux phrases emblématiques : "Créer, c'est vivre deux fois", "qu'il n'y ait pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre". Je reviendrai en novembre sur la coffret des "Carnets" en trois tomes publiés chez Folio que je savoure à petites doses pour retrouver régulièrement ce compagnon de littérature, toujours aussi vivant pour ses lecteurs(trices)...
jeudi 24 octobre 2013
Atelier de lecture, 2
Dans la deuxième partie de la rencontre, nous avons abordé les lectures "imposées" par le tirage au sort et que j'ai choisies sur les rayonnages de la bibliothèque municipale. Côté "bonne pioche" : Janine a beaucoup aimé "La joueuse d'échecs" de Bertina Henrichs, un premier roman très réussi sur une femme qui découvre le jeu d'échecs au détriment de son mari, jaloux de cette passion exclusive. Elle vit dans une île grecque plutôt rétrograde sur le rôle des femmes et se libère du poids des traditions grâce à son talent particulier pour ce jeu. Ce livre avait été sélectionné dans le cadre du Festival du Premier roman de Chambéry. Evelyne a aussi apprécié le roman de Jean-Philippe Blondel, "6h41", titre évocateur d'un horaire de train où les deux protagonistes se rencontrent 27 ans après leur histoire amoureuse et les rôles sont renversés : l'homme a mal vieilli et la femme s'est épanouie... Les retrouvailles, dues au hasard, vont-elles aboutir à une nouvelle histoire entre eux ? Régine a lu avec attention le "Kosaburo, 1945" de Nicole Roland, l'histoire de trois jeunes Japonais enrôlés dans le corps "sacré" des Kamikazes pendant la guerre. L'auteur décrit le quotidien de ces jeunes fanatiques qui combattent pour l'honneur de la patrie et pour l'amour de l'empereur. Dans le trio, s'est glissée une jeune fille qui se déguise en jeune homme pour suivre son compagnon. Ce premier roman est donc un essai complétement réussi. Geneviève s'attendait à lire un roman ennuyeux qu'elle avait tiré au sort, "Tangente vers l'Est" de Maylis de Kerangal. Mais, au fil de la lecture, elle a découvert un univers mythique, celui du Transsibérien où un jeune homme russe en partance pour le service militaire obligatoire tente d'échapper à sa "garde" et se réfugie dans un compartiment occupé par une Française... Voilà pour les lectures "bonnes découvertes". Du côté des déceptions, Sylvie-Anne a lu "par devoir" le "Crépuscule" de M. Cunningham, roman trop "new-yorkais" nombriliste à son goût. Nicole a lu avec peu d'enthousiasme "Quelque chose en lui de Bartleby" de Philippe Delerm, trop guide touristique sur Paris. Marie-Christine a terminé la séance avec une appréciation mitigée sur le livre de Geneviève Brisac, "Une année avec mon père". Demain, j'aborderai les lectures concernant Albert Camus.
mercredi 23 octobre 2013
Atelier de lecture, 1
Pour cette deuxième séance de la saison, nous nous sommes retrouvées une bonne douzaine de lectrices autour de la table avec l'accueil de trois nouvelles : Danièle, Michelle et Véronique. La première partie de l'atelier était consacrée aux coups de cœur de la rentrée. Geneviève a démarré en nous présentant "Une mystérieuse fiancée", de l'écrivaine irlandaise Kate O'Riordan, roman drôle, sensible et déjanté. L'histoire est riche en rebondissements et quiproquos amoureux avec des personnages hauts en couleurs comme une mère supérieure aimant fumer et boire du gin... Elle a aussi évoqué rapidement le récit autobiographique de l'excellente romancière Jeanette Winterson, "Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?". Evelyne a pris le relais en parlant d'un livre étrange, "Les jardins statuaires" de Jacques Abeille, difficile de prime abord mais qui a fini par la subjuguer. Longtemps refusé par les éditeurs, ce récit d'aventure initiatique raconte l'histoire d'un voyageur qui visite des domaines dans lesquels les hommes cultivent des statues. Un deuxième coup de cœur concerne le roman de l'islandais Bergsveinn Birgisson, "La lettre à Helga" ou la confession d'un vieil homme qui sent sa fin proche et adresse une lettre à la seule femme aimée qu'il n'a pas voulu suivre afin de rester sur ses terres loin de la ville. Il raconte sa vie rude et rustique d'éleveur et de pêcheur sous un ciel glacial et sur cette île sauvage, l'Islande. Danièle a choisi un très bon roman de la rentrée, "L'invention de nos vies" de Karine Tuil, déjà sélectionné pour le Goncourt. L'imposture et le mensonge traversent la vie d'un trio amoureux. Régine a fait preuve d'une grande conviction en nous parlant d'un premier roman saisissant, sans pathos, "Sauf les fleurs" de Nicolas Clément, une histoire de famille avec un père violent. Elle a mentionné un deuxième "premier roman" mais très dur à lire, "La petite fille monstre" de A. S. Nebojsa, sur le thème de la violence gratuite dans la guerre des Balkans. Pour conclure, Régine a aussi évoqué un documentaire de Laure Adler, "Les femmes qui lisent sont dangereuses", un hommage aux femmes lectrices... Nicole a terminé le tour de paroles avec deux coups de cœur : "La rebelle" de Valeria Montaldi ou l'histoire d'une femme médecin au Moyen Âge et "La belle vie" de Jay McInerney, un roman-culte sur l'après 11-septembre 2001 dans un New York où tout est remis en cause. Demain, la suite...
jeudi 17 octobre 2013
"Canada"
Quand j'ai remarqué la publication d'un roman de Richard Ford à cette rentrée littéraire, je l'ai mis en tête de ma liste des lectures. Hier, j'ai donc terminé les quasi 500 pages de "Canada", publié aux Editions de l'Olivier. La première phrase est décisive pour la compréhension de l'histoire : "D'abord, je vais raconter le hold-up que nos parents ont commis. Ensuite, les meurtres, qui se sont produits plus tard." Le narrateur, professeur à la retraite, raconte la vie de ses parents, de sa sœur jumelle dans une ville américaine au fin fond du Montana. Pendant les années 60, Dell Parsons a quinze ans. Son père est un ancien militaire de l'Air Force qui a mis fin à sa carrière trop tôt. Il galère pour faire vivre sa famille. Sa mère travaille dans une école. Famille de la classe moyenne, famille banale et sans histoires. Mais Bev Parsons, le père, va servir d'intermédiaire entre des Indiens et un responsable de cuisine dans un trafic de viande. Comme il sera berné lui-même, les Indiens lui réclament les deux mille dollars du trafic en question. Acculé, il prend une folle décision : braquer une banque pour sauver sa famille du harcèlement et des ennuis. Sa femme, pourtant raisonnable, le suit dans cette funeste aventure. Le jeune Dell décrit avec réalisme et pointillisme le quotidien de cette famille en proie aux difficultés que provoque le manque d'argent. Il remarque le manège de ses parents dans l'organisation du braquage, seule solution selon eux pour refaire leur vie. Ce choix s'effectue dans une inconscience totale. Le jour fatidique arrive et les parents réalisent leur projet avec une naïveté confondante. Ils réussissent leur coup de folie et reviennent chez eux comme si rien ne s'était passé. Ils remboursent les Indiens et se sentent libres. Mais, la réalité les percute et la police vient les arrêter. Le destin est bouclé pour eux : case prison et abandon des enfants. La sœur jumelle prend la fuite et rejoint des marginaux. Le jeune garçon est pris en charge par une vague amie de sa mère et il passe la frontière vers le Canada. Il est confié à un homme mystérieux et ambigu, qui le met au travail. Que va-t-il devenir ? Je ne vais pas raconter la fin de ce grand roman. Richard Ford nous parle surtout de solitude dans un monde sauvage et brutal : les parents sont dépassés par le poids du réel, par leur manque d'amour et leur mésentente, leur inconscience et leur paranoïa, l'environnement familial semble indifférent. Le narrateur, devenu professeur, raconte ce naufrage familial et revient sur son passé traumatisant. Et pourtant, il a survécu à ce drame et écrit à la fin du roman : "On essaie, comme disait ma sœur. On essaie, tous tant que nous sommes. On essaie". Un des meilleurs romans de la rentrée...
mercredi 16 octobre 2013
"Les renards pâles"
J'avais évoqué l'œuvre singulière de Yannick Haenel après avoir lu son récit autobiographie "Le sens du calme", dans la collection "Traits et portraits" au Mercure de France. Son roman "documenté" sur le résistant polonais "Jan Karski" avait touché un lectorat plus élargi à cause d'une polémique, lancée par Claude Lanzmann. Yannick Haenel utilise la littérature comme un art du "dérangement", du "dérèglement", un absolu, un horizon infini. Dans son dernier roman, le personnage récurrent, Jean Deichel, poursuit sa quête de la solitude extrême, de l'isolement social, de la marginalité physique et intellectuelle. Il vit dans sa voiture dans une rue de Paris, n'a aucun revenu, se lave dans les douches d'une piscine, lit gratuitement dans une bibliothèque et fréquente des sans-papiers, des SDF, des "sans-travail". Sa radicalité du "rien", du vide va peu à peu se transformer dans un "nous" des "laissés pour compte" de la société capitaliste, mondialiste et égoïste. Il évoque les "renards pâles", des divinités Dogons, qui servent d'emblème à la nouvelle révolution anarchiste qui mettra le feu à Paris. Ces Communards, les "Misérables" du XXIème siècle, portent un masque comme les Anonymous du Net. Ils veulent détruite la notion d'identité, d'appartenance, d'ancrage social. Le projet de Yannick Haenel dans cette théorisation d'une nouvelle révolution m'a laissée sceptique. J'avoue que ce roman, pourtant très soutenu par la presse, en particulier dans le Monde des livres du 23 août, provoque soit une adhésion enthousiasmante, soit un rejet total. J'ai essayé de comprendre sa démarche de "d'écrivain-militant anarcho-révolutionnaire" mais je déclare forfait pour ce dernier opus de Yannik Haenel, malgré le style, malgré la critique souvent juste d'une société inhumaine...
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