Evidemment, j'attendais avec gourmandise le dernier film de Woody Allen, "Blue Jasmine", qui est sorti mercredi dernier. Comme souvent avec Woody Allen, le charme opère et je suis sortie de la séance avec des questions et des interrogations existentielles. J'ai lu des critiques positives unanimes. Servie par une actrice mythique, venue d'Australie, Cate Blanchett, le film raconte l'histoire d'une femme riche, très riche, d'une insupportable vacuité et vanité, possédant un sentiment de classe, snob et détestable. Mais sa vie de femme idéale, d'une beauté froide bascule dans le dénuement le plus complet. Elle se refugie chez sa sœur, adoptée comme elle. Le film est construit entre présent et passé. L'humour grinçant de Woody Allen repose sur la confrontation des milieux sociaux, celui de Jasmine, un monde à part, doré et distingué, futile et vain, méprisant et insolent, un univers d'imposteurs et de parvenus. Royale et mondaine, cette femme ne voit rien venir, ne peut même pas imaginer les turpitudes de son mari, ni l'origine de sa richesse à la "Madof". Cette naïveté semble confondante, stupéfiante. Elle vit dans sa bulle confortable et douillette, un univers parallèle, virtuel. Dans son présent de femme déclassée, elle traverse avec angoisse l'univers de sa sœur, populaire, prolétaire, loin du confort matériel et social. Peut-être pour le cinéaste, une vie authentique, simple et moins superficielle que celle de Jasmine. Notre héroïne va tenter de se reconstruire, loin du milieu "vulgaire et brutal" de sa sœur. Elle accepte à contrecœur un travail dans un cabinet dentaire et entreprend une formation en informatique. Une collègue l'invite dans une soirée où elle rencontre un homme raffiné, riche et disponible. Jasmine se lie à cet homme sans lui dévoiler son passé désastreux. Va-t-elle enfin reconquérir sa place dans sa classe supérieure ? Pile ou face, allez voir ce film troublant, sérieux et ironique, et surtout émouvant. Cette femme perdue, infantile et immature reste digne dans sa nouvelle vie de misère. Sa dérive et sa défaite en font une victime touchante et quand Woody Allen la film dans son délire verbal, sa solitude la rend poignante d'humanité...
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
mardi 1 octobre 2013
vendredi 27 septembre 2013
"En marge des jours"
J'avais écrit un billet sur J.-B. Pontalis concernant son dernier ouvrage posthume "Marée basse, marée haute". J'avais même citer un passage pour montrer l'art d'écrire de ce psychanalyste-écrivain, disparu cette année. Il dirigeait aussi une collection à la lisière de l'autobiographie, collection attachante, originale, unique, "L'un et l'autre" chez Gallimard. Cette semaine, j'avais envie de retrouver ce grand compagnon de littérature et j'ai donc lu deux de ces récits : "Le songe de Monomopata" (2009), et "En marge des jours" (2002). Evidemment, en parcourant ces mini-textes qui composent les deux recueils, j'ai ressenti le même sentiment d'adhésion, d'empathie et d'admiration pour cet écrivain, mélangeant des considérations psychanalytiques à des notations quotidiennes, comme deux vies superposées, deux vies cumulées, deux vies pleinement vécues. Je ne peux absolument pas relater des faits, des sujets, des événements, tirés de ces ouvrages. Pas de fil narratif, pas de construction rigide, mais des fragments, des impressions, des anecdotes, des idées, des réflexions, des rêves surtout. Le premier récit évoque l'amitié, son rôle dans la société, ses différentes formes, mais J.-B. Pontalis n'écrit pas un document sociologique, il parle des ses propres amis, en particulier de Jean-Pierre Vernant. Il évoque ses premiers compagnons rencontrés dans ses premières lectures et raconte l'amitié comme un art d'être. Le deuxième ouvrage "En marge de jours" procure le même bonheur de lecture et je ne peux pas m'empêcher de vous citer un passage qui résume l'esprit et le style "Pontalis" : "Si c'était quand le corps commence à se déglinguer qu'on ressentait que l'âme n'a pas d'âge. Les deux perceptions vont de pair. La perception d'un corps diminué, malade, mortel s'accompagne du sentiment que notre "âme" ignore le temps qui passe, qu'en nous-même tous nos âges sont présents, se mêlent et ne font qu'un. L'impérissable, l'indestructible, à défaut de l'immortel, est comme appelé en contrepartie de la conscience devenue plus évidente qu'on a de son corps déclinant. Refus de la défaite." Il faut lire ou relire cet écrivain rare et subtil, que je ne cesse de découvrir au fil de ses nombreux recueils, tous édités dans la collection Folio, et à glisser dans sa bibliothèque comme des présences amicales...
mercredi 25 septembre 2013
"La vie à côté"
Les éditeurs ne prennent pas trop de risques quand ils publient des romans étrangers, écrits par des écrivains confirmés et connus. La collection "La Cosmopolite" chez Stock propose un premier roman italien de Mariapia Veladiano, événement assez rare surtout dans la période prolifique de cette rentrée littéraire 2013. La presse spécialisée n'a pas fourni de critiques à l'exception notable de la revue des libraires, "Page". Cette invisibilité va se retrouver dans les bibliothèques qui, malheureusement, achètent les titres les plus demandés par le public ou les plus médiatisés par la presse professionnelle. Evidemment, on ne peut pas tout lire, mais je conseille vivement ce roman "décalé" et singulier. Le personnage central se nomme Rebecca, et elle avoue d'emblée "qu'elle est laide, vraiment laide". Cette disgrâce du corps la condamne à la solitude, à l'isolement familial et social, au rejet permanent des enfants et des adultes. Malgré ce lourd handicap de naissance, Rebecca nous raconte sa vie et se bat pour exister. Sa mère est tombée dans la dépression à la naissance de son "monstre" de fille et son père médecin fuit la réalité en travaillant. Elle n'est pas tout à fait abandonnée grâce à sa tante Erminia, la sœur de son père, et à Maddalena, sa servante nounou. Dans son école, elle rencontre Lucilla, une petite fille fougueuse et joyeuse. L'univers de Rebecca semble rétréci, mais, il va se déployer par l'irruption d'un piano qui va changer sa vie. La présence de la musique va adoucir les tourments de Rebecca. Elle sera éduquée musicalement par un professeur de piano et cette passion va lui faire accepter son sort de "laideron" que tout le monde repousse. Mariapia Veladiano a voulu dénoncer la dictature de l'apparence physique, l'hypocrisie familiale, la lâcheté des adultes. Ce premier roman aborde des thèmes universels : la solitude, le rejet des autres, la méchanceté et le mensonge familial. A découvrir...
lundi 23 septembre 2013
Rubrique cinéma
Je suis allée voir par curiosité le film d'Emmanuelle Bercot, "Elle s'en va", road-movie à la française qui met à l'honneur notre gloire nationale du cinéma métropolitain, Catherine Deneuve. Bettie, le personnage central, cumule les malheurs dans sa vie : son amant la quitte pour une fille plus jeune (quelle banalité), son restaurant bat de l'aile, sa mère partage son espace, sa fille est fâchée avec elle, son petit-fils lui est inconnu. Elle se remet à fumer pour se "détendre", mais en voulant acheter du tabac, elle part avec sa voiture et le hasard l'amène à rencontrer un vieux paysan mutique, des filles paumées dans une boîte-western, un jeune gigolo marginal, un agent de sécurité prévoyant, et enfin son petit-fils qu'elle doit accompagner dans l'Ain chez son grand-père. Sa vie prend alors une tournure plus heureuse. La confrontation "petit-fils roublard et grand-mère maladroite" est un des passages les plus charmants pour sa fraîcheur, sa cocasserie et sa tendresse. Bettie va enfin rencontrer un homme bourru mais séduisant, (il est maire de son village). La famille "bancale" va devenir "normale" : les retrouvailles vont culminer dans un banquet champêtre avec la présence de sa fille, enfin apaisée, sa mère toujours aussi pimpante, et un nouveau complice, enfin gentil. Cette escapade s'avère salutaire pour Bettie. Le film ressemble un peu trop à un conte de fées moderne et frôle l'optimisme mièvre et béat. Mais, en ces temps de morosité, ce n'est pas négligeable de filmer la libération d'une femme "mûre", qui peut changer sa vie à problèmes en essayant de retrouver un équilibre familial et affectif. Catherine Deneuve traverse le film avec une légèreté amusante et étonnante. Sympa, sans plus.
vendredi 20 septembre 2013
"Une part de ciel"
J'aime bien la "petite musique" de Claudie Gallay, surtout dans un de ses romans les plus réussis, "Seule Venise". Dans cette rentrée littéraire, Actes Sud publie "Une part du ciel", un gros pavé de 445 pages où j'ai retrouvé cette musique particulière, empreinte de retenue, de pudeur, de simplicité. Carole, le personnage principal, revient dans sa vallée natale, dans le massif de la Vanoise. Elle attend son père, Curtil, éternel voyageur et père absent. Il a annoncé qu'il revenait pour les fêtes de Noël. Carole s'installe dans un gîte et va revivre un certain mode de vie lié à la montagne, un microcosme étouffant. Son frère et sa sœur n'ont jamais quitté ce village endormi mais sauvage et naturel malgré des projets de piste de ski. Son frère est garde-forestier et s'occupe de Gaby, l'autre sœur à problèmes. Gaby vit dans un bungalow, s'est liée avec un garçon qui sort de prison, a adopté une petite fille et galère de petit boulot en petit boulot. Gravitent autour de Carole des personnages secondaires qui rythment le quotidien. Carole s'intègre dans cette communauté, cet entre soi si particulier des villages en montagne, malgré sa différence "culturelle". Elle a fait des études, traduit un livre sur l'artiste Christo, prend des photos. Elle vit une rupture avec son mari et ses filles sont partis au Canada. La fratrie va ainsi se reconstituer et ils vont revivre des moments de leur passé commun : l'incendie de leur maison quand ils étaient enfants, les fuites perpétuelles de leur père, la dépression de leur mère. Claudie Gallay a écrit un roman impressionniste teinté de nostalgie et d'espoir. Cette "part de ciel" que chacun mérite de vivre est difficile à atteindre pour chaque personnage. Gaby va-t-elle sortir de la précarité ? Carole reverra-t-elle son père ? Vont-ils se comprendre et s'accepter ? Ce roman (un peu trop long à mon goût) mérite tout de même le détour surtout si on aime... la vie rude et rustique des petits villages en montagne.
jeudi 19 septembre 2013
Atelier lecture, suite
Dans la deuxième partie de l'atelier, nous avons abordé les romans écrits par des écrivaines anglaises et américaines. J'avais établi une première liste, côté anglo-saxon avec Tracy Chevalier, Anita Brookner, Margaret Drabble, Zadie Smith, Angela Huth, Doris Lessing, Monica Ali, Esther Freud, Penelope Lively et Rose Tremain. Du côté américain, j'avais choisi Paula Fox, Anne Tyler, Alison Lurie, Louise Erdrich, Barbara Kingsolver, Lionel Shriver, Laura Kasischke, Siri Hustvedt, J.C. Oates, Toni Morrison.Verdict plus que mitigé pour "La bonne étoile" d'Esther Freud (petite fille de Sigmund), lu par Régine, mais elle a "adoré" le "Blonde" de J.C. Oates, portrait époustouflant d'une Marilyn Monroe fantasmée. Sylvie a trouvé le roman d'Anne Tyler, "Une autre femme", fade, dépassé, sans intérêt. Sylvie-Anne a peu goûté "Les grands-mères" de Doris Lessing, un roman qui est loin de représenter le talent de cette écrivaine nobélisée et "Le café Paraiso" de Monica Ali. Janine n'est pas rentrée facilement dans le roman "La Couronne verte" de Laura Kasischke, trop tourmenté, inquiétant. Elle a préféré les "Prodigieuses créatures" de Tracy Chevalier, un livre original à l'ambiance très british, à la Jane Austen où il est question de fossiles dans les falaises, repérés par une femme courageuse et curieuse. Marie-Christine a bien aimé "Un fils exemplaire" d'Angela Huth. Nicole a vraiment apprécié le roman puissant de Siri Hustved. Ces deux heures d'échanges autour des livres, de la littérature et de l'écriture se déroulent toujours dans une ambiance conviviale et chaleureuse... Le mot "partage" semble bien correspondre au mot "atelier". Quand la lecture, acte solitaire, se transforme en acte collectif, l'objectif que je me suis fixée, est atteint, peut-être...
mardi 17 septembre 2013
Atelier de lecture
J'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir mes "collègues-amies" de lecture et d'écriture ce mardi à 14 h à la Maison de quartier. Pour bien se mettre dans l'ambiance, j'ai évoqué la rentrée littéraire, les meilleures ventes en librairie, les listes des principaux prix littéraires automnaux. Nous avons ensuite abordé les coups de cœur de l'été : Sylvie-Anne a lu un roman amusant, "La reine des lectrices" d'Alan Bennett, paru en folio. La Reine Elizabeth a décidé de se mettre à lire grâce au passage d'un bibliobus... Marie-Christine a beaucoup aimé "La fiancée pakistanaise" de l'écrivaine Bapsy Sidhwa, très beau livre sur une femme qui ne veut pas subir la loi millénaire du mariage forcée. Sylvie est tombée par hasard sur un roman chaleureux, "bourré d'humanité" : "Et puis, Paulette" de Barbara Constantine. Ferdinand vit seul à la campagne et va recueillir sa voisine, Marcelline et la ferme se remplit peu à peu comme une auberge espagnole. Sylvie a aussi découvert "Les demeurées" de Jeanne Benameur, son premier roman où elle conte l'histoire d'une relation fusionnelle entre une mère et sa fille. Régine s'est montrée particulièrement généreuse en proposant quatre coups de cœur : "Un homme effacé" d'Alexandre Postel, portrait d'un professeur de philosophie, accusé à tort de pédophilie, Yasmina Reza avec "Heureux, les heureux", roman ironique salutaire, le magnifique "J'ai réussi à rester en vie" de J. C. Oates, journal du deuil quand l'écrivaine a perdu son mari, son compagnon de vie, et enfin, un beau récit de David Lelait, "Poussière d'homme". Marie-Christine a choisi le chef d'œuvre de David Grosmann, "Femme fuyant l'annonce". Geneviève a beaucoup apprécié "Orages ordinaires" de William Boyd, ou comment survivre dans Londres sans papier, sans argent, pourchassé par des tueurs. Elle a terminé la première partie "coups de cœur" avec "Le sermon de la chute de Rome" de J. Ferrari et "Profanes" de J. Benameur dont on a déjà parlé dans l'atelier.
La suite des lectures évoquées, demain...
La suite des lectures évoquées, demain...
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