vendredi 1 juin 2012

"Eux sur la photo"

J'ai mentionné Hélène Gestern hier dans mon dernier billet. J'ai lu presque par hasard ce premier roman car il ne faisait pas partie des lots de prêt du Festival. Je l'aurais choisi comme coup de coeur avec trois étoiles. C'est assez rare d'utiliser la forme épistolaire pour écrire un roman. Hélène, le personnage central, alterne les lettres écrites ou les messages électroniques avec Stéphane, un correspondant qui a répondu à une annonce de recherche concernant une photographie sur sa mère disparue alors qu'elle avait quatre ans. Ce premier roman posséde beaucoup de charme et de nostalgie car le sujet tient le lecteur(trice) en haleine du début à la fin. Cette mère figure sur une photo avec un certain Pierre, père de Stéphane. Ce père sévère et solitaire a gardé un secret toute sa vie et les deux protaganistes du roman échangent une correspondance pour découvrir les liens qui unissaient le père de Stéphane et la mère d'Hélène. La recherche de la vérité sur ce passé des années 70 provoque une amitié amoureuse entre les deux épistolaires et se transforme en relation amoureuse au fur et à mesure de leurs découvertes concernant des photos anciennes, des lettres testamentaires dont l'une est écrite en russe. La mère d'Hélène est russe et la langue russe joue un rôle révélateur dans leur histoire. La lectrice que je suis apprécie le style d'Hélène Gestern, la recherche quasi scientifique des traces et des archives sur une mère morte dans un accident de voiture, peut-être un suicide caché... La vérité sur leurs parents respectifs confirmera le lien amoureux d'Hélène et de Stéphane. Ce beau premier roman mérite bien sa place dans le palmarès des auteurs invités au Festival.

jeudi 31 mai 2012

Festival du Premier Roman à Chambéry

Cela fait 25 ans que ce festival perdure : je suis souvent étonnée de voir des lecteurs à ce point fidéles pour vivre ce marathon littéraire depuis septembre jusqu'en mai tous les ans et je connais personnellement une lectrice qui s'investit avec un sérieux et une rigueur exemplaires. Lire des premiers romans et ce, depuis vingt cinq ans, mérite toute mon admiration... Je participe à un comité de lecteurs depuis dix ans, date de mon installation à Chambéry. J'ai vécu des moments souvent excitants dans le comité "Campus" de 2003 à 2010 à la Bibliothèque de l'université et j''ai rencontré des dizaines d'étudiants, plutôt des étudiantes à raison d'une quinzaine de rencontres par an qui aimaient lire, vraiment lire avec curiosité. En mai, j'animais les rencontres en invitant deux jeunes auteurs dans le hall de la BU. Depuis que j'ai pris ma retraite, j'ai continué à fréquenter ce groupe de lectrices, étudiantes et bibliothécaires, dans une ambiance fort sympathique. Cette année, nous avons rempli notre contrat de lectrices consciencieuses et motivées en lisant une vingtaine de premiers romans. Le Festival fête donc ses 25 années du jeudi 31 mai au dimanche 3 juin. Paradoxalement, je préfère la période de lectures suivies et commentées dans nos rendez-vous à la BU à ces quatre jours de représentation chapeautés par des élus locaux, des administrateurs du festival, des responsables de comités... et des auteurs invités, harassés par les rencontres avec les scolaires. Cette année, l'accent est mis aussi sur les premiers romans en Italie, en Espagne, en Roumanie, en Grande-Bretagne. Cette dimension européenne rend le festival plus moderne, plus contemporain et plus "chic" pour les journalistes parisiens. On est loin de l'ambiance des années précédentes, plus simple, plus conviviale et plus accessible. Je ne veux pas me montrer dubitative face à ce changement inéluctable. Les animateurs du Festival ont le mérite de mettre à l'honneur les premiers romans et de stimuler la lecture dans le milieu scolaire. Et il faut bien commencer à écrire un très bon premier roman pour poursuivre une "carrière" littéraire pendant de nombreuses années... Je me rendrai à deux rencontres pour retrouver des auteurs qui m'ont charmée avec leurs oeuvres. Je parle de Nicole Roland, d'Hélène Gestern et de Sophie Schulze.

mardi 29 mai 2012

"Je marche sous un ciel de traîne"

J'avais déjà parlé de cette écrivaine vraiment talentueuse avec l'obtention du prix Médicis en 2010, "La naissance d'un pont" que j'avais beaucoup appréciée. J'ai découvert par hasard son premier roman à la Médiathèque de Chambéry, paru en 2000 aux Editions Verticales, "Je marche sous un ciel de traîne". Ce roman porte déjà en lui la musique de Maylis de Kerangal avec l'utilisation d'un style travaillé, élégant et littéraire dans le bon sens du terme. D'emblée, les personnages intéressent le lecteur : Antoine Dezergues est dessinateur de monuments et il travaille pour l'Inventaire national. Il s'installe dans un village du Périgord et fait le connaissance d'un libraire au caractère bien trempé, Antoine Tabasque. Ce libraire présente à Antoine sa nièce à "problèmes", Claire. Ils deviennent amants et Antoine s'intègre peu à peu. Il tisse des liens amicaux avec le libraire et ses amis. Un secret dans le village va être révèlé à la fin du roman mais je ne le dévoilerai pas. Ce premier livre de Maylis de Kérangal possède des qualités indéniables qui ne laissent pas le lecteur indifférent : un style classique agréable à lire, des personnages bien campés, une histoire amoureuse, un secret enfoui depuis la Libération, une description de la vie en province non caricaturale. Je suis heureuse de constater que l'on peut encore lire des romans français bien écrits, construits sobrement sans bousculer les lecteurs. Je remarque l'évolution remarquable d'une écrivaine qui, en dix ans, a confirmé son entrée en littérature. J'attends son nouveau roman, je l'espère, pour la rentrée littéraire de septembre 2012.

lundi 28 mai 2012

"Tout ça pour quoi"

Quand on a du temps devant soi, on a envie de lire un gros bouquin de 500 pages. Je l'ai déniché dans une collection de littérature étrangère très honorable, aux Editions Belfond. Il s'agit du livre de l'américaine Lionel Shriver, "Tout ça pour quoi". paru en 2012. Pourtant, ce livre traite d'un sujet très grave et très douloureux : le cancer. C'est l'histoire de deux couples d'américains dans une Amérique consumériste et matérialiste. Pourtant, Shep Knacker ne rêve que de voyages lointains et exotiques pour fuir une vie de bureau étouffante. Son meilleur ami, Jackson, est dans une colère permanente contre l'Etat, les impôts, les turpitudes de ses contemporains, l'incompétence des fonctionnaires, etc. La femme de Shep est atteinte d'un cancer inguérissable et l'on sait qu'aux Etats-Unis, se soigner coûte très, très cher si on ne possède pas d'assurance convenable, aussi chère que les soins. Shep dispose d'un million de dollars après avoir vendu sa société de bricolage. Les économies fondent très vite et le cancer de sa femme s'aggrave. Dans ce roman, Shep est l'homme providentiel, celui qui paie toujours pour sa famille y compris pour son père et sa soeur. L'argent et la maladie changent les comportements des personnages. Les deux familles se soutiennent car les nombreux amis de Shep et de sa femme fuient tous la maladie de Glynis, la femme de Shep. Lionel Shriver dénonce l'emprise de l'argent dans la société, décrit avec une lucidité salutaire, le choc de la maladie dans un couple. La solidarité familiale et amicale atténue le désespoir de Shep. La fin du roman n'est pas surprenante car Shep perdra sa femme mais il lui offrira son dernier voyage en Afrique dans une île paradisiaque. Ces sujets pourtant essentiels dans la vie comme l'argent, la maladie, le couple sont traités franchement, avec un humour caustique. Malgré les accidents de la vie, il existe une renaissance possible... La littérature américaine nous offre souvent des grands romans de facture classique qui proposent des destins contrariés, des personnages attachants, des réflexions sur la vie d'aujourd'hui, une combinaison liitéraire très plaisante...

vendredi 25 mai 2012

Un peu de poésie

Un peu de poésie dans ce monde de brutes... De temps en temps, il faut ouvrir un livre de poèmes pour entendre une voix singulière, pour rencontrer un homme ou une femme qui porte un regard "différent" sur les choses, sur la vie, sur le fait d'être vivant, dans un quotidien parfois difficile. Et les mots atténuent souvent un sentiment de mélancolie face à la fuite du temps et aux soucis ordinaires que la vie peut parfois nous réserver... J'ai lu un poète-écrivain belge, Jean-Claude Pirotte, dont la musique douce et nostalgique enveloppe le lecteur. Je cite quelques vers de lui, tirés du recueil "Cette âme perdue" paru aux Editions du Castor Astral. "Dans les venelles du passé, pourquoi venelles pas ruelles et pourquoi pas les avenues les boulevards les autostrades Mais où circule le passé en vérité nul ne le sait ne resterait-il pas en rade près d'une île jamais connue Ou comme tant de caravelles "chargées d'or et de pierreries" depuis des siècles englouties ou ne serait-il qu'en avant de la mémoire ou hors du temps dzns une débâcle à venir dans une infinie bousculade où le réel n'est qu'un soupir." Voilà un poème sur le temps qui passe, à méditer...

mercredi 23 mai 2012

Portrait chinois

Vous pouvez jouer au portrait chinois pour donner une image de votre personnalité. Je propose dans ce billet mon portrait concernant mes goûts, mes plaisirs, mes rêves et mes envies. J'ai inventé évidemment les questions et j'ai essayé d'être sincère dans mes réponses... Si j'étais un continent, je serais l'Europe, évidemment, mon continent culturel préféré, étant une européenne convaincue. Un pays : l'Italie qui concentre 50 % du patrimoine culturel mondial... Une région : le Pays basque, mon pays natal qui a marqué profondément ma personnalité. Une ville : Venise, longtemps une ville fantasmée et encore plus belle dans la réalité. Une plage : la Madrague à Anglet, des baignades incomparables, un espace confortable en plein mois de juillet, Une montagne : la Croix du Nivolet à Chambéry, ma vue préférée de ma cuisine et de ma chambre, à peine 1500 mètres d'altitude et une croix de trente mètres pour nous protéger des catastrophes. Une rivière : l'Adour à Bayonne, mon fleuve de l'enfance et de mon adolescence. Un paysage : la mer, la mer, la mer, comme une cure de jouvence éternelle. Si j'étais une époque, je serais la Grèce antique et dans la peau d'une femme philosophe, essayant d'exister pour ma liberté et mon indépendance. Si j'étais un personnage historique, je serais une suffragette pour obtenir le droit de vote des femmes, la cause du féminisme est une cause essentielle pour moi. Si j'étais un objet culturel, je serais un livre, bien sûr... Si j'étais un objet ordinaire, je serais un joli verre pour accueillir un bon vin italien. Si j'étais une peinture, je serais un tableau de Vieira da Silva, ma chère Vieira qui a peint des bibliothèques, des livres, des étagères, un espace vertigineux de beauté intelligente. Si j'étais un film, je serais un Almodovar, son amour des autres et son identité follement espagnole me séduisent Si j'étais un livre, je serais "A la recherche du temps perdu" de Proust. Si j'étais une couleur : le rouge, un parfum : la lavande. Si j'étais un dessert : je serais un mille-feuille, la gourmandise incarnée, un fruit : une belle orange juteuse, une friandise : du touron basque. Si j'étais une fleur, sans hésitation un hortensia rouge. Si j'étais un animal, je serais une mouette pour planer sur les vagues. Si j'étais un arbre, je serais un olivier centenaire pour regarder le temps passer. Le portrait chinois pourrait contenir des dizaines de questions sans fin, je m'arrête à la trentaine, ce n'est déjà pas mal pour me présenter et décliner mes goûts...

lundi 21 mai 2012

"Mauvais genre"

Ce roman de Naomi Alderman, anglaise de naissance et américaine d'adoption, se lit avec intérêt malgré l'antipathie que le lecteur(trice) éprouve pour les personnages. On ne peut pas toujours ressentir une connivence empathique dans un univers romanesque. C'est particulièrement vrai pour le personnage principal, James Stieff, narrateur de l'histoire, qui étudie à Oxford, malgré des origines familiales modestes. Il va rencontrer dans cette université prestigieuse une bande de copains aussi déjantés les uns que les autres. Ils sont tous attirés par le plus riche d'entre eux, Mark, dans le rôle de l'homosexuel caricatural, consommateur d'amours éphèmères et charnelles en toute innocence. Il ne se doute pas encore du fléau qui va tomber sur cette communauté, le sida dans les années 80. Cet étudiant richissime achète l'amitié de ses copains, les héberge dans une vaste maison de maître. Il est un aimant-amant fascinant pour toute cette bande d'amis (filles et garçons) qui subisssent tout de même une pression intellectuelle permanente de la part des professeurs et de leur exigence hors-norme. Toute cette jeunesse "oxfordienne" étudie mais vit aussi des amours, des passions, des amitiés fondatrices. Mark, le héros négatif, va pourtant se marier avec la petite soeur d'un de ses amis. Il entretiendra aussi une relation amoureuse avec son meilleur copain, James, qui lui vit avec une compagne musicienne. Ce tourbillon amoureux est la marque de fabrique de ce deuxième roman de Naomi Alderman, une romancière anglo-américaine au talent romanesque évident. Ce livre a le mérite de nous plonger dans le milieu universitaire d'Oxford, décrit comme un monde sans pitié, cruel et pathétique. L'excellence intellectuelle ne se double pas toujours de l'excellence morale. Le personnage de l'amant secret, James, ira jusqu'au bout de cette relation sado-masochiste avec Mark et je ne donnerai pas la clé du roman pour vous donner envie de la découvrir...