Après l'Abbaye de Beauport, j'ai pris la direction de la pointe de l'Arcouest pour visiter l'île de Bréhat. Tout est bien organisé pour prendre le bateau-navette (parking pour les voitures) et j'ai opté pour un tour de l'île et une pause dans le petit port. La traversée ne dure que dix minutes mais contourner l'île permet une vision quasi paradisiaque de cet îlot préservé où Colette et Max Jacob passaient leurs vacances ! Un pont, édifié par Vauban en 1694, relie le Nord et le Sud et Bréhat se visite en vélo et à pied. Le phare du Paon au Nord de l'île se voyait bien du bateau. Longue de 3,5 kilomètres et large de 1,5 kilomètres, la flore (hortensias, camélias, aloès, mimosas, agapanthes) bénéficie d'un climat favorable favorisé par le Gulf Stream. Comme j'avais un programme trop gourmand, je n'ai pas loué un vélo pour découvrir l'île mais le tour en bateau m'a bien montrée son charme suranné, le calme palpable sans les voitures, l'authenticité de l'esprit breton même si quelques boutiques assez discrètes pour touristes, proches du débarcadère, semblent inévitables. Il vaut mieux fuir Bréhat l'été car elle est victime de son succès. J'ai poursuivi mon périple en m'arrêtant à Tréguier, une "cité de caractère" selon les guides où est né Ernest Renan (1823-1892), philosophe, écrivain, philologue et historien. Je voulais visiter sa maison natale mais en arrivant devant la porte, je suis tombée sur un panneau me signifiant sa fermeture pour travaux ! Sa maison en pans de bois du XVIe se distingue des autres par sa dénomination "maison des illustres". Cette petite ville à ruelles pentues, à manoirs de granit, possède une belle cathédrale avec un cloître et a été marquée par une empreinte religieuse très forte. Arrivée à Perros-Guirec, ma chambre d'hôtel donnait sur le port de plaisance. La vocation touristique de la station balnéaire remonte à 1890 et s'étale sur quinze kilomètres. De belles propriétés du début du XXe se situent sur les collines environnantes dominant la mer. Je me suis baladée sur la plage de Trestraou où j'ai remarqué l'absence totale de baigneurs... Il vaut mieux ramasser des coquillages que de mettre un doigt de pied dans l'eau. Le soir, j'ai admiré un coucher de soleil qui illuminait le port de plaisance.
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
jeudi 19 mai 2022
mercredi 18 mai 2022
La Bretagne, l'Abbaye de Beauport à Paimpol
Du côté de Paimpol en Côtes-d'Armor, existe un lieu merveilleux, un vestige romantique complètement envoûtant : l'abbaye de Beauport. Dès le matin, j'ai pénétré dans un monde enchanté. Cette abbaye sur la commune de Kérity, a été fondée au début du XIIIe par le comte Alain d'Avaugour. Les chanoines prémontrés venus de l'abbaye de la Lucerne en Normandie avaient la responsabilité d'une quinzaine de paroisses de l'île-de-Bréhat à Saint-Brieuc. Ils possédaient aussi une seigneurie maritime avec des droits sur la mer. Du XIIIe au XVe siècle, ses chanoines dépendaient directement du pape et s'occupaient de justice sur leurs vassaux. Ils ont aussi construit des digues, des talus, des aménagements hydrauliques et ont exploité le sel. Sur le plan économique, ils ont participé au développement économique de la région accordant des prêts. Au cours des siècles suivants, l'abbaye continuera de rayonner sur les plans intellectuel et spirituel. Quand la Révolution éclate, l'abbaye est vendue et demeure en mains privées jusqu'à 1995. Heureusement, le Conservatoire du littoral met en œuvre des mesures de protection. J'ai remarqué au premier regard le caractère éminemment nostalgique de ces ruines poétiques, traces magnifiques d'une architecture gothique normande, importée en Bretagne. Construite sur un site de 70 hectares descendant vers la mer, l'abbaye avait été signalée par Prosper Mérimée en 1836 qui voulait sauver l'édifice médiéval. J'ai visité le réfectoire, la salle capitulaire, l'église avec ses pans existants d'une beauté étrange. Une atmosphère de Grand Meaulnes, un lieu d'esprit, un esprit du lieu. J'ai entrepris une belle balade dans les environs proches : roselière, lagune, monticules de grès rose, marais et estran. A ma grande joie, j'ai vu des aigrettes garzettes et des bernaches. La flore abondante, la présence d'oiseaux divers comme des fauvettes, des chardonnerets, et bien d'autres cohabitent dans une paix royalement religieuse. Cette alliance, espace naturel et espace culturel, m'a plongée dans une contemplation heureuse et teintée d'une sérénité rare. La solitude et le silence amplifiaient la beauté de l'abbaye. Très peu de visiteurs du matin mais chacun d'entre nous admirait l'édifice gothique et éprouvait vraiment un respect quasi religieux qui affleurait les pierres sculptés et la mer proche. Je ne m'attendais pas à rencontrer dans ce coin assez isolé des Côtes d'Armor une telle merveille. Ces moines marins méritaient toute ma reconnaissance car j'ai eu l'impression fugace de sentir leurs fantômes près de moi. Ces moments de balade autour et dans l'abbaye resteront un des plus beaux souvenirs de la Bretagne du Nord. L'abbaye de Beauport, une des abbayes les plus belles de Bretagne et de France ! Incontournable.
mardi 17 mai 2022
La Bretagne, de Dinard au Cap Fréhel
Après Saint-Malo, j'ai pris la direction de Dinard, belle cité balnéaire cossue, chic, réputée pour son calme et son élégance que l'on surnomme la Nice du Nord. Mais, je n'avais qu'une hâte : découvrir la côte bretonne loin des villes. J'ai vu défiler devant mes yeux des noms nouveaux : Saint Lunaire, Saint Briac sur Mer, Saint Cast Le Guido, Matignon jusqu'au Cap Fréhel. Baptisé la Côte d'Emeraude, ce coin de Bretagne mérite amplement sa réputation. Le Cap Fréhel est un univers minéral suspendu à 70 mètres au-dessus de la mer, balayé par les vents où se déploie une vue exceptionnelle. J'ai admiré ce paysage dès ma visite au Fort La Latte, dressé sur sa pointe rocheuse. On l'appelle aussi le château de la Roche Guyon, érigé au XIVe. Il a servi de maillon dans la défense de Saint-Malo. J'ai franchi le pont-levis en me croyant au Moyen Age et j'ai visité l'intérieur du donjon où est reconstituée la vie austère et pauvre des seigneurs de l'époque. Cet édifice a été utilisé comme décor dans le film "Vikings" avec Kirk Douglas ! Classé monument historique depuis 1931, il attire pas mal de visiteurs, surtout des familles et des classes, enchantées de se retrouver dans cet atmosphère moyenâgeuse. A la sortie, j'ai entendu deux visiteurs se plaindre du prix pourtant modique de l'entrée (6 euros) comparant cette dépense à l'achat d'une bouteille de whisky... Leurs épouses silencieuses semblaient regretter de ne pas visiter le Fort... Je me pose souvent la question de la motivation des touristes dans des lieux aussi chargés d'histoire. Plus loin, le Cap Fréhel se démarque avec son phare, l'un des plus puissants de France avec sa portée de 53 kilomètres. Cet espace préservé de plus de 400 hectares englobe un vaste plateau de grès rose avec une lande fleurie. Quand je me suis avancée sur le sentier, je suis tombée sur la réserve ornithologique de la Fauconnière où l'on peut suivre du regard des cormorans, des mouettes et d'autres volatiles marins. Quel beau spectacle ! Je retrouvais mon âme d'enfance face à cette nature sauvage originelle. J'ai eu une certaine chance de ne pas trop croiser la "foule" car les guides touristiques évoquent la saturation des sentiers en période de vacances. Lette semaine de mai s'annonçait au mieux avec un soleil permanent et avec des paysages épargnés par le béton et par la présence humaine. Enfin, les oiseaux possédaient leur propre paradis...
lundi 16 mai 2022
La Bretagne, Saint-Malo
En mai, fais ce qu'il te plaît... Je suis partie une semaine pour découvrir la Bretagne du Nord. J'avoue que je ne connaissais pas du tout cette région et pourtant, elle bénéficie d'une réputation élogieuse depuis des décennies. J'ai préféré partir à "l'étranger" pendant des années car je rêvais de découvrir les capitales européennes que j'ai adoré : Rome, Londres, Berlin, Prague, Naples, Amsterdam, Madrid, Copenhague, Stockholm et tant d'autres. Tous ces lieux de culture ont nécessité toute mon attention et ont recueilli toute mon admiration. J'ai délaissé notre France, nos régions et nos campagnes à part mon belle Côte basque avec ses vagues montagneuses et ma Savoie d'adoption avec ses montagnes en forme de vagues. J'ai traversé la France en voiture et je connais bien les diagonales de Paris à Biarritz ou de Chambéry à Besançon. J'ai donc décidé de consacrer au minimum deux escapades annuelles pour découvrir quelques coins de France. En février, j'étais à Antibes et à Nice, à Paris en mars pour déguster un grand bol de culture. Et en mai, la Bretagne du Nord de Saint-Malo à Roscoff. Dès que je suis arrivée à Saint-Malo où j'avais réservé une chambre avec vue sur la mer, autrement dit sur la Manche, j'ai tout de suite remarqué la très belle plage du Sillon de quatre kilomètres de long. Les marées de la baie sont les plus importantes en Europe. Le marnage (amplitude entre marée basse et marée haute) peut atteindre quatorze mètres. Je voulais me recueillir sur la tombe de Chateaubriand, (né à Saint-Malo), installée sur le promontoire du Grand Bé mais, hélas, la marée était haute ! Je l'ai quand même bien aperçue des remparts, devant le large, un lieu où souffle l'esprit du grand écrivain. La plaque devant la tombe porte ces inscriptions : "Un roc battu par la tempête, vaut mieux qu'un Panthéon, quand le mort est un poète et que ce poète est breton". J'ai découvert la cité en me baladant le nez en l'air tant l'architecture dénote une grande harmonie de tons de gris foncé au gris clair. Toits d'ardoise, murs en granit, fenêtres anciennes, portes sur les remparts, plages et port, Saint-Malo ne peut qu'enchanter les touristes. Sur la plage du Sillon, des troncs d'arbres servent de brise-lames et se transforment presque en sculptures marines d'une beauté étonnante. J'ai trempé mes pieds dans l'eau quelque peu glaçante et qui ne m'encourageait pas à aller plus loin. Quelle belle cité corsaire ! En remontant la Grande Rue, j'ai visité la Cathédrale Saint-Vincent, mêlant les styles roman et gothique, édifiée dès le XIIe siècle. Dans ce bel édifice, repose Jacques Cartier. Une immense orgue mécanique de Koenig et l'autel de l'artiste Arcabas baignent dans une atmosphère hautement spirituelle. J'ai quitté trop tôt Saint-Malo qui méritait plus de temps pour savourer son air marin et sa quiétude palpable. Peut-être que la présence des plages, de la mer, de la marée, de l'histoire héroïque de la cité, du courage intrinsèque d'une cité corsaire influencent la vision charmante et poétique que j'ai subie en me baladant en toute tranquillité sereine sur le sable blond du Sillon, inondé de soleil en ce jour de mai. Mon périple breton commençait au mieux.
vendredi 6 mai 2022
"Alexis ou le traité du vain combat"
26 ans ! Marguerite Yourcenar n'avait que ce âge-là quand elle a publié ce roman, "Alexis ou le traité du vain combat" en 1929. Maturité, profondeur de l'analyse psychologique, réflexions sur la vie, toutes ces qualités se retrouvent dans cette longue lettre d'Alexis à Monique, sa femme. Cette confession émouvante tente d'expliquer la rupture qu'il déclare un peu tardivement à son épouse. Son mariage décevant a été un échec et il s'attribue totalement ce naufrage. Alexis a-t-il commis une faute grave, un acte délictueux ? Cet homme est issu d'une grande famille autrichienne quasiment ruinée. Il a été élevé dans un monde féminin, un monde aimant qui calme ses angoisses : "Il en était de leur présence comme de ces lampes basses, très douces, qui éclairent à peine, mais dont le rayonnement égal empêche qu'il ne fasse pas trop noir et qu'on ne soit vraiment seul". Son sentiment de solitude s'exacerbe dans sa jeunesse et Alexis s'interroge sur le sens de sa vie malgré sa passion de la musique et son catholicisme sincère : "Sa vie n'est qu'à lui-même, qui ne sera pas deux fois, et qu'il n'est pas toujours sûr de comprendre tout à fait". Peu à peu, sa confidence s'étoffe au fil des pages et il avoue son mensonge à Monique. Ce mariage devenait un piège et une erreur. Le personnage central analyse sa différence sexuelle sans jamais citer le mot tabou et malgré un "vain combat", il ne peut lutter contre ses instincts. Dans les années 30, le sujet de l'homosexualité n'était pas traité comme aujourd'hui. La culpabilité d'Alexis s'étale dans cette longue lettre car il s'accuse d'avoir trahi son épouse sur ce mensonge entre eux. La société lui a ordonné de se conformer à la norme : "Je n'étais pas heureux". Marguerite Yourcenar avec son style unique d'un classicisme somptueux décrit le carcan social d'une société bien-pensante. Alexis finit par reconnaître sa différence "des sens" pour enfin s'accepter afin d'atteindre sa propre liberté et devenir ce qu'il est comme aurait dit Nietzsche. Sa longue confession se termine ainsi : "La vie m'a fait ce que je suis, prisonnier (si l'on veut) d'instincts que je n'ai pas choisis, mais auxquels je me résigne, et cet acquiescement, je l'espère, à défaut du bonheur, me procurera la sérénité". Un très beau récit subtil, profond et toujours d'actualité malgré la centaine d'années qui nous sépare de cette confession bouleversante d'humanité.
jeudi 5 mai 2022
"La femme rompue"
Depuis quelque temps, je m'adonne à la relecture, un plaisir que je découvre avec une curiosité de plus en plus renouvelée. Comme je collectionne les années (une expérience chanceuse du vieillir), j'accumule aussi les moments de lecture. Etant une dévoreuse de livres depuis mes dix ans, je ne compte plus les heures passées un livre à la main. Dans ma trentaine, j'ai vraiment admiré notre grande Simone de Beauvoir, écrivaine d'un féminisme classique et bien sage quand je pense aux dérives des militantes intersectionnelles d'aujourd'hui. L'été dernier, j'ai relu les deux premiers tomes de ses mémoires, "Mémoires d'une jeune fille rangée" et "La force de l'âge". Je poursuivrai la lecture des deux autres tomes l'été prochain. Me replonger dans une France du XXe siècle avec ses préoccupations politiques et philosophiques de l'époque me ravit toujours car je rajeunis au fil des pages. Ce bain de jouvence bienfaisante me rafraîchit la mémoire et m'indique aussi parfois à regret que le temps passe bien vite. Récemment, j'ai relu "La femme rompue", publiée en 1967. Ce texte se compose de trois nouvelles, "L'âge de discrétion", "Monologue" et "La femme rompue". Dans la première nouvelle, une femme dans la soixantaine, très sûre d'elle et de ses convictions politiques, commence peu à peu à douter d'elle et de son entourage familial. Elle connaît un succès mitigé pour son dernier livre paru. Son mariage bat de l'aile et elle ne tolère pas le changement de carrière de son fils qui préfère travailler au Ministère de la Culture au lieu d'être enseignant. Cette coupure avec son fils m'a semblé bien datée tellement le clivage politique droite et gauche a bien vieilli de nos jours. Cette mère intransigeante préfère son idéal politique à son propre enfant. Dans la deuxième nouvelle, "Le monologue", l'écrivaine fait parler une femme plus que malheureuse où tout est tragique dans sa vie : suicide de sa fille, perte de la garde de son fils, mère décevante, etc. Elle se révolte contre le sort qui s'acharne contre elle. Un monologue outrancier et dérangeant. J'étais étonnée de ce ton véhément et halluciné. C'était peut-être la période rageuse et militante de Simone de Beauvoir... "La femme rompue" me semble être la meilleure nouvelle du recueil, la plus convaincante d'équilibre. Sous la forme d'un journal intime, Monique, femme au foyer, a tout misé sur son couple et sur sa maternité. Quand ses filles quittent le foyer, son mari s'éloigne aussi d'elle. Double rupture pour cette femme traditionnelle. Elle apprend que son mari la trompe avec une femme plus jeune. Elle accepte cette situation qui va devenir invivable. Il faudra réinventer sa vie et la dernière phrase du texte souligne l'optimisme volontariste de Simone de Beauvoir, une adepte de la liberté à tout prix : "Mais je sais que je bougerai. La porte s'ouvrira lentement et je verrai ce qu'il y a derrière la porte. C'est l'avenir". Le féminisme de l'écrivaine se manifeste dans ces trois textes : elle remet en question le rôle traditionnel des femmes au foyer, sans aucune autonomie financière, ni liberté individuelle. Le message beauvoirien a bien été transmis au fil des générations et cet héritage via la littérature s'inscrit avec bonheur dans notre culture occidentale. Ces textes ont peut-être vieilli un peu mais se lisent toujours avec beaucoup d'intérêt. Ah, ces belles années 70 !
mercredi 4 mai 2022
"L'Etrangère"
Je n'avais jamais lu cet écrivain hongrois, emblématique du XXe siècle européen, Sandor Marai. J'ai donc découvert récemment son roman, "L'étrangère", publié en 1934. Je l'ai conseillé dans ma liste sur les ruptures dans le cadre de l'Atelier Littérature. Le personnage central, Viktor Askenazi, 48 ans, professeur de grec et de latin, quitte sa maîtresse après avoir rompu avec son épouse et son enfant. Il travaille à Paris mais, il part se refugier dans un hôtel de la côte dalmate, l'actuelle Dubrovnik, pour faire le point sur sa vie. Pendant quatre jours, il va retracer son existence insatisfaisante car dénuée de sens et de fantaisie. Ce professeur traverse une dépression "souterraine" et se définit ainsi : "Vit à Paris. Quarante-huit ans. Catholique romain. Professeur à l'Ecole des langues orientales en littérature grecque et langues d'Asie mineure. Marié. un enfant". Qui est-il vraiment en dehors de cette constatation plate et objective ? Il se le demande lui-même et sa descente en enfer va démarrer dans cet hôtel de vacances. Une vacance en fait dans sa tête. Un vide existentiel qui s'opère en lui de manière inexorable. Seuls, les objets qu'il possède le rassurent, lui apportent un ancrage dans un réel prosaïque. Ses questions sur le mariage, sur l'adultère l'amènent dans une impasse qui relativisent les conventions sociales et le conformisme ambiant (surtout au début du XXe siècle). Il s'éprend d'une "étrangère" dans l'hôtel, discrète et mystérieuse, une relation plus fantasmée que vécue. Ses interrogations sur les femmes de sa vie semblent dominées par l'incompréhension, une incommunicabilité pathologique. A force de se torturer l'esprit, il va commettre une faute irréparable pour mettre fin à ses propres tourments. Ce personnage peu empathique rappelle les héros négatifs d'Albert Camus dans "L'étranger", une coïncidence pour le titre du roman. Le thème de l'absurde dans la condition humaine semblerait assez juste pour comprendre le roman de Sandor Marai. A quoi bon toute cette agitation autour de la société quand tout semble faux et inauthentique ? Ce professeur avec sa lucidité suicidaire, submergé par l'angoisse, ne peut s'en libérer qu'avec la pulsion de mort. Ce roman sombre et quasi freudien se lit avec intérêt même si ce n'est pas le meilleur de l'écrivain. L'ambiance de cette époque des années 20 dans la Mitteleuropa est omniprésente et l'on songe à Stefan Zweig, Arthur Schnitzler, Ernst Lothar ou Franz Werfel. Des écrivains d'une modernité redoutable.