jeudi 21 novembre 2019

"Le ghetto intérieur"

Ce roman, "Le Ghetto intérieur", de l'écrivain Santiago H. Amigorena est publié chez P.O.L., un éditeur à la couverture blanche très reconnaissable. Salué par la critique littéraire de la rentrée, ce livre n'a pas obtenu un prix littéraire. Je l'avais sélectionné pour l'atelier Lectures de novembre et comme le sujet m'intéressait, je l'ai acquis dans la librairie parisienne, "Les Cahiers de Colette", trés bel espace culturel, décoré par des photos d'écrivains. Je m'attendais à une lecture plus intense, plus dense en m'imaginant que l'auteur avait écrit un témoignage sur son grand-père, immigré en Argentine en 1928. Ce récit est bien intitulé "roman" et ce choix romanesque provoque une distance émotionnelle. Vicente Rosenberg vit dans ce pays depuis dix ans. Il a quitté la Pologne, s'est marié avec Rosita et a donné naissance à trois enfants. Son beau-père lui a légué un magasin de meubles prospère. Sa situation familiale pourrait le satisfaire et le rendre même heureux. Mais, il a abandonné sa mère et son frère à Varsovie. Dans ces années 30, l'antisémitisme commence à inquiéter Vicente et il supplie les siens de le rejoindre en Argentine. Au fil du récit, l'auteur raconte la vie matérielle confortable de Vicente en parallèle avec la précarité des siens en Pologne. La presse n'évoque pas l'horreur qui se prépare en Europe avec la mise en place de l'Holocauste. Sa mère, par contre, lui envoie des lettres où elle relate les problèmes des Juifs en Pologne, la création du ghetto, la faim, la misère, la maladie, la terreur, la promiscuité. Les événements de la solution finale ponctuent le récit mais Vicente ignore la dimension tragique de ces faits historiques. La culpabilité finit par l'emporter car au fond, il n'a pas insisté auprès de sa mère pour qu'elle vienne le rejoindre. Il aurait dû même aller la chercher en Europe. Sa vie à Buenos Aires se délite et il s'enfonce dans un silence qui prive sa famille de son amour de père et de mari. Ce mutisme laisse ses amis dans un désarroi incompréhensible. Cet homme heureux s'absente de lui-même : "Il devenait un fugitif, un traître. Un lâche. Il était devenu celui qui n'était pas là où il aurait dû être, celui qui avait fui, celui qui vivait alors que les siens mouraient. A partir de ce moment-là, il a préféré vivre comme un fantôme, silencieux et solitaire". Ce roman grave et sombre évoque l'horreur de la Shoah à travers le personnage de Vicente, le grand-père de Santiago H. Amigorena, rescapé malgré lui. L'auteur a composé un hommage à sa famille, déchirée par l'exil et par la culpabilité. Les mots lui semblent dérisoires face à ces destins tragiques. Pourtant, il prend sa plume pour témoigner. Ce livre, un devoir de mémoire. 

mercredi 20 novembre 2019

Atelier Lectures, 2

Dans le deuxième temps de l'atelier, nous avons abordé les coups de cœur. Mylène a évoqué le roman de Gaëlle Josse, "Une longue impatience" aux Editions Noir sur Blanc en 2018. En Bretagne, une femme perd son mari en mer. Plus tard, elle se remarie mais son fils, issu de son premier mariage, s'intègre mal dans sa nouvelle famille. Il finit aussi par prendre la mer comme son père pêcheur. Comme elle ne revoit pas son fils, une longue attente commence qu'elle va combler par l'écriture de lettres où elle lui raconte les plats qu'elle lui préparera à son retour. Mylène a aimé cette femme à l'amour maternel infini. Comme une folie assumée. Ce récit délicat et intimiste raconte la patience des mères, souvent en première ligne dans les moments difficiles de l'existence. A lire aussi ses précédents romans parus en livre de poche. Mylène a rencontré l'écrivaine, invitée par la bibliothèque municipale de Voglans. Elle nous a bien confirmé que sa personnalité semblait coïncider avec ses livres : la même délicatesse, la même intelligence du cœur. Danièle a présenté "Les Disparus" de Daniel Mendelsohn, paru en 2007 et Prix Médicis du Livre étranger. Entre 2001 et 2005, l'écrivain américain est parti à la recherche de traces laissées par la famille de son grand-oncle maternel disparue pendant la Shoah. Seul membre de la fratrie à être resté en Europe, cet oncle, raconté par son grand-père, fascinait son neveu depuis son enfance. Ce récit extraordinaire nous entraîne en Europe centrale avant 1939. Cette fresque historique poignante se lit avec le cœur serré et pour comprendre le chaos de cette époque, il faut absolument la découvrir. Pour ma part, je l'ai lu à sa sortie et je le relirai certainement car une seule lecture ne suffit pas. Ce classique contemporain, un chef d'œuvre de la littérature du XXIe siècle, reconstitue un monde perdu à la manière de Proust, celui de tous les Juifs de l'Holocauste mais rappelle l'immense culpabilité des frères de son oncle qui n'ont pas su ou pu aider leur famille en Europe. Une lecture incontournable, grave et profonde qui demande une attention certaine. Geneviève a présenté son coup de coeur, "Océan mer" d'Alessandro Baricco. Au bord de l'océan, se croisent sept personnages au destin étrange. Sept naufragés de la vie qui tentent de recoller les morceaux de leur existence. Il est aussi question du naufrage de la Méduse… Un roman à suspense, un roman d'aventures et une méditation philosophique. Pascale a choisi "Rue Darwin" de Boualem Sansal. Le narrateur retourne rue Darwin à Alger après la mort de sa mère. Une figure domine cette histoire, celle de Lalla, toute puissante grand-mère, patronne d'un bordel. Ce récit truculent montre un peuple déchiré entre leur patrie et une France avec qui les comptes n'ont toujours pas été soldés. Nous reparlerons de cet écrivain en janvier où nous lirons quelques auteurs algériens dont Boualem Sansal. Odile a recommandé le livre de Maxim Léo, "Histoire d'un Allemand de l'Est". Ce journaliste berlinois avait vingt ans au moment de la chute du Mur. Il relate l'histoire de sa famille dont le grand-père a contribué à la fondation de la RDA. Son père ne croyait déjà plus à l'idéal communiste. Ce document exceptionnel se déroule sur une soixantaine d'années. A découvrir pour commémorer les trente ans de la chute du Mur et de l'effondrement de la RDA. Voilà pour les coups de cœur de novembre… Des idées de lecture pour passer l'hiver au coin du feu avec un bon livre à la main et un verre de très bon vin blanc (à consommer avec modération)… 

mardi 19 novembre 2019

Atelier Lectures, 1

Ce mardi 12 novembre, nous nous sommes retrouvées dans le cadre de l'atelier lectures à la Maison de quartier. J'ai commencé par les nouveautés de la rentrée car j'avais demandé à chaque lectrice d'acquérir un livre pour ensuite le faire circuler. Danièle a démarré avec le roman de Marie Darrieussecq, "La mer à l'envers", publié chez P.O.L. Rose, la quarantaine, part en croisière en Méditerranée avec ses deux enfants, pour fuir ses problèmes conjugaux. Dans le bateau, elle croise un jeune migrant, Younès, un jeune nigérien, rescapé d'une chaloupe bondée de migrants. Il est recueilli par l'équipage et Rose avec sa compassion habituelle, lui offre le smartphone de son fils ainsi que des vêtements. A partir de ce geste généreux, Rose s'engage à soutenir ce jeune adolescent et un jour, Younès l'appelle. Que va faire Rose ? Il faut lire cet excellent roman d'après Danièle. Mylène avait choisi "Soif" d'Amélie Nothomb. L'écrivaine se met à la place de Jésus lors de la Passion. Ce sujet religieux traité avec son humour traditionnel n'a guère convaincu Mylène, déçue par son achat. Je pense que ce livre a attiré une adhésion immédiate pour les fans inconditionnels, ou au contraire une incompréhension totale. Véronique a bien apprécié "Jour de courage" de Brigitte Giraud, un très bon récit sur un sujet délicat, l'homosexualité. Un jeune lycéen prend le prétexte d'un long exposé sur un médecin juif-allemand, Magnus Hirschfeld, qui lutta pour les droits des femmes et des homosexuels. Avec ce portrait, Livio révèle son identité sexuelle différente en ce "jour de courage". Ce livre aurait mérité un prix littéraire... Janelou a lu "Petit frère" d'Alexandre Seurat. Ce roman évoque la perte d'un frère disparu et de sa culpabilité pour ne pas l'avoir sauvé. Janelou avoue qu'elle n'a pas aimé ce livre… Trop noir, une lecture étouffante. Dommage, car elle avait beaucoup apprécié son précédent "La Maladroite". Agnès et Geneviève ont choisi le même roman, "Eden" de Monica Sabolo. Ce conte poétique et féministe a séduit les deux lectrices. Dans une région reculée, à la lisière d'une forêt menacée de destruction, Nita rêve d'ailleurs. Elle rencontre Lucy, une jeune fille venue de la ville. Des événements tragiques ont lieu dans cette forêt mystérieuse : agressions, choses étranges jusqu'au viol de Lucy. Nita va mener l'enquête et se vengera de ce crime. Ce livre dresse le portrait d'un âge que l'on qualifie de "difficile", une étape majeure sensible et délicate. Monica Sabolo a reçu de bonnes critiques dans la presse dithyrambique à son égard. Mais, elle n'a obtenu aucun prix littéraire. Marie-Christine a beaucoup apprécié le dernier roman de Jeanne Benameur, "Ceux qui partent". Le roman raconte l'histoire de Donato et de sa fille, des Italiens qui immigrent en Amérique en 1910. Autour d'eux, des personnages qui viennent chercher un nouveau départ, une nouvelle vie. L'action se déroule en une journée d'attente à Ellis Island avant que les portes de ce paradis fantasmé s'ouvrent devant eux. Odile et Pascale ont évoqué le beau roman attachant et poétique de Natacha Appanah, "Le ciel par-dessus le toit". Eliette a mis le feu dans la maison de ses parents. Elle se nomme maintenant Phénix et devient mère de deux enfants, Paloma et Loup.  Cette famille en difficultés extrêmes ne tient pas en place…  Annette a terminé la séquence "Nouveautés" de la rentrée avec "Extérieur monde" d'Olivier Rolin. Quelle déception pour elle qui s'attendait à lire un grand livre ! Trop d'érudition pédante, trop d'autosatisfaction, trop de digressions… (La suite pour les coups de cœur demain)

lundi 18 novembre 2019

Escapade à Paris, 7

La veille de mon départ, j'ai profité d'une nocturne au Musée Orsay. La plupart du temps, les musées parisiens ferment à 18h, ce qui est un peu juste pour des provinciaux comme moi qui aiment tout particulièrement ces lieux de culture. Il faut bien noter quelques fermetures tardives et le Musée d'Orsay en propose une le jeudi soir jusqu'à 22h. Cela faisait des décennies que je n'avais pas mis les pieds dans cette gare fantastique, transformée en musée (sur une idée de Giscard d'Estaing) et inaugurée en 1986, située juste à côté de mon hôtel sur la rive gauche de la Seine. Les collections présentent l'art occidental de 1848 à 1914 dans tous ses aspects : peintures, sculptures, arts décoratifs, graphiques, photographies, etc. J'ai tout de suite remarqué une fréquentation importante sans toutefois attendre pour entrer dans cette nef magnifique. Plus de mille tableaux impressionnistes et postimpressionnistes sont disposés dans diverses salles très agréables. Beaucoup d'amateurs se concentrent sur les Gauguin, Van Gogh, Monet, Renoir, Manet, Cézanne, Courbet, etc. On a tellement vu ces peintres qu'ils en deviennent invisibles. Je conserve quand même une certaine tendresse pour le malheureux Van Gogh et pour le lumineux Cézanne. J'ai admiré mes préférés :  Vuillard, Bonnard, Matisse. J'ai déniché dans une aile du bâtiment deux toiles d'un peintre danois, Hammershoi  que j'avais vu à Copenhague et que j'apprécie beaucoup. Ce musée, un des plus grands d'Europe, ne se visite pas en une seule fois. Il faut choisir les étages à visiter et quand on a déjà réalisé le programme de la journée toujours chargé, la fatigue se fait sentir… Je n'ai pas eu le courage de voir toutes les sculptures, ayant opté pour la peinture. L'année prochaine, je retourne à Paris pour Orsay afin de compléter ma visite de ce jeudi soir. Il faut bien aussi se réserver des surprises pour des rencontres futures. Les Parisiens ont bien de la chance pour la culture. Orsay propose aussi des expositions temporaires, des conférences, des concerts, un espace cinéma et même des spectacles… J'ai découvert le restaurant très design, situé derrière l'immense horloge de l'ancienne gare. Et pour retrouver des forces, j'ai dîné dans ce bel espace.  Mon séjour s'est terminé le lendemain à la Gare de Lyon et dans un TGV confortable et silencieux à trois heures de Chambéry. Le bilan de mon séjour parisien s'avère bien positif : mes retrouvailles avec la capitale à travers ses musées passionnants, la Seine, les quais, ses jardins patrimoniaux m'ont permis de comprendre que notre capitale déborde d'énergie, de potentialités, de cultures même si l'on croise dans les rues la misère des SDF et des migrants. J'ai même rencontré des Parisiens charmants, en particulier un chauffeur de bus qui a plaisanté sur la monnaie que je lui tendais. Le personnel de l'hôtel était charmant et on se rend compte que beaucoup de Parisiens ont des attaches en province. Je me suis réconciliée avec Paris que j'ai boudé pendant longtemps… Dorénavant, je monterai une fois par an, promis juré ! 

vendredi 15 novembre 2019

Escapade à Paris, 6

J'ai pris un bus pour me rendre à Beaubourg, le Centre Pompidou car j'avais envie de revoir le musée national d'art moderne. Quand je vivais à Paris, je fréquentais la Bibliothèque (la BPI) en accès libre et des centaines d'étudiants travaillaient en toute liberté dans cet espace non surveillé, convivial et branché. On ne pouvait pas emprunter les livres mais elle était ouverte jusqu'à 22H, une anomalie heureuse dans la France des années 80. Inauguré en 1977, le Centre accueille encore plus de trois millions de visiteurs, mais en forte baisse (plus de huit millions avant). J'ai ressenti la décrue des visiteurs dans les salles peu fréquentées. L'institution polyculturelle est en rénovation car ce bâtiment a mal vieilli. Sa modernité extrême semble aujourd'hui dépassée. Je me suis contentée de revoir l'une des trois collections d'art moderne et contemporain au monde (plus de 100 000 œuvres). Je ne citerai pas tous les artistes que l'on rencontre dans ces salles spacieuses et bien éclairées. J'ai revu avec plaisir tous les mouvements picturaux du XXe siècle, en particulier l'abstraction lyrique, le surréalisme, l'art abstrait. Je reste encore dubitative devant les œuvres contemporains... Pour les amateurs de ces périodes, la visite du MNAM me semble indispensable. Après Beaubourg, j'avais repéré dans le Routard un salon de thé original, La Fourmi ailée, situé dans le 5e, dont l'atmosphère est littéraire… Installée dans une ancienne bibliothèque, des étagères de livres décorent les murs. On se sent bien dans ce lieu intime avec ses tables bistrot en marbre, sa collection de théières dans des niches, l'absence de musique commerciale (un bonheur !). Le patron du salon m'a expliqué que le nom, "la fourmi ailée", venait d'un titre d'une nouvelle de Virginia Woolf... Ce geste ne pouvait que me ravir ! Avant de partir vers le dernier musée de mon séjour parisien, je me suis promenée dans les jardins du Palais-Royal et dans les galeries diverses. Siège d'institutions illustres (Ministère de la Culture, Conseil d'Etat, etc.), Jack Lang imposa en 1986 les colonnes de Buren dans la cour d'honneur et pas mal d'enfants s'approprient cet espace ludique avec joie. Colette et Jean Cocteau vivaient dans ce lieu et la Mairie de Paris propose des fauteuils "littéraires" avec des citations incrustées sur les dossiers écrits par Lorca, Baudelaire, Ritsos, etc. Une très bonne initiative originale. Cette balade de fin d'après-midi s'est poursuivie dans la librairie Delamain, une des plus vieilles librairies de Paris où les écrivains venaient feuilleter les livres dont Colette, évidemment. J'ai ensuite retraversé l'esplanade des Tuileries, l'Arc de triomphe du Carroussel, la Pyramide du Louvre et repris le chemin de l'Hôtel sur le Quai Voltaire. Les touristes se mélangeaient aux Parisiens sans problème et il régnait même une certaine euphorie sur les visages des flâneurs(ses). Le ciel de Paris était particulièrement bleu avec des nuages flottants et les façades du musée reflétaient cette lumière mordorée. La Seine coulait et je pensais à Guillaume Apollinaire… 

jeudi 14 novembre 2019

Escapade à Paris, 5

Mon hôtel se trouvait assez près de Notre-Dame-de-Paris et en fin d'après-midi, je voulais voir les dégâts occasionnés par l'incendie de la charpente. Quel désastre patrimonial ! Quand on aperçoit le squelette de la cathédrale, comme un corps blessé, comme une épave millénaire sur cette Ile de la Cité, le cœur se serre à la vue de ce gâchis. Je me suis même demandée si l'édifice n'allait pas s'effondrer dans les mois qui viennent. Pour les croyants ou les non-croyants, la revoir réparée demandera des années et cette immense et magnifique cathédrale redeviendra un édifice sacré de notre histoire nationale. J'ai longé les quais où sont installés les bouquinistes et j'ai remarqué que les livres anciens et d'occasion remplissent encore les caisses en bois vert de ces libraires ambulants. Quelques boutiques remplacent les livres par des objets sur Paris qui plaisent tant aux touristes de passage… J'ai quand même farfouillé dans les bacs et j'ai trouvé un ouvrage sur la philosophie de Jankélévitch, un souvenir de mon escapade. Il vivait Quai des Fleurs sur l'Ile Saint-Louis. Le lendemain, j'avais un programme chargé. J'ai démarré par la visite d'une galerie d'art, celle de Jeanne Bucher Jaeger, située dans le quartier du Marais, où j'ai retrouvé avec bonheur une des mes peintres préférés : Vieira da Silva. Cette femme artiste crée un univers singulier où les lignes, la perspective, les couleurs forment des paysages urbains qui incitent notre esprit au rêve et à la recherche d'une échappée quasi spirituelle. Ces tableaux me fascinent depuis très longtemps et je regrette que cet artiste de génie, discrète et modeste, soit si peu connue et célébrée. La galerie propose une trentaine de toiles fabuleuses et je ne voulais en aucun cas manquer cet événement rare. Cette exposition part à New York après Paris… Je laisse la parole à Vieira : "J'observe les gens qui marchent, chacun avec une apparence différente, chacun avançant à son propre rythme. Je pense aux fils invisibles qui les manipulent… J'essaie de percevoir la mécanique qui les coordonne. Je dirais que, d'une certaine façon, c'est cela que je tente de peindre". Dans ce quartier attachant du Marais, j'ai enfin poussé les portes du Musée Picasso, installé dans l'Hôtel de Salé, un édifice baroque. Ce musée élégant comblera tous les amateurs du peinte espagnol. L'esprit du lieu apporte une touche décalée et la déambulation dans les salles s'effectue dans une fluidité appréciable. J'ai beaucoup apprécié certaines toiles en particulier les Baigneuses à Biarritz… Sa production prolifique et vertigineuse peut dérouter, mais, malgré tout, ce peintre aux périodes diverses ne peut qu'éveiller la curiosité voire l'admiration. Ce musée remarquable ne présente pas seulement Picasso car on peut aussi voir des tableaux de Cézanne, Matisse, Balthus, etc. Une phrase de Michel Leiris résume le projet artistique de Picasso : "L'œuvre d'art n'a d'autre but que l'évocation magique des démons intérieurs". Un visite incontournable à Paris. 

mercredi 13 novembre 2019

Escapade à Paris, 4

Mercredi, direction Saint Germain des Prés, un quartier littéraire mythique. Tout le monde connait les photos de nos intellectuels français sartriens, prises au deux Magots, au Flore, et dans les brasseries parisiennes inimitables. Même soixante ans après, l'air que l'on respire dans ce lieu sent l'amour des idées, des livres, de la littérature. Evidemment, quelques librairies ont disparu mais il en reste encore quelques unes comme Gibert Jeune, La Hune, Compagnie, etc. J'étais heureuse de me retrouver devant l'église de l'abbaye du quartier que j'ai visitée. Les Germanopratins ont bien de la chance de vivre dans ce quartier historique et je n'ose pas imaginer le prix du mètre carré pour se loger… Après cette balade aux accents nostalgiques et en me dirigeant vers le Louvre, j'ai découvert la Sainte Chapelle aux vitraux immenses, construite en sept ans en 1248. Puis, j'ai retrouvé l'odeur des livres à la Bibliothèque Mazarine, la plus ancienne bibliothèque publique de France. Située Quai Conti, elle est rattachée à l'Institut de France. Ses fonds appartenaient au cardinal Mazarin. Il m'a suffi de passer un portique avec un badge visiteur et j'ai ainsi monté le bel escalier qui m'a dirigée dans la salle d'étude. Un silence studieux et religieux régnait dans cet espace occupé par des étudiants et des chercheurs, hommes et femmes. J'ai même eu l'autorisation de prendre quelques photos pour me souvenir de cette bibliothèque de recherche, dotée de 600 000 documents dont des centaines d'incunables. Quand je vois ces murs chargés de livres anciens, ces tables de travail, ces lampes, ces passionné(es) de l'étude, je me dis que notre chère civilisation de l'imprimé n'a pas encore disparu… Dès cet été, j'avais réservé des places pour l'exposition Léonard de Vinci et j'avoue que cette visite m'a laissée sur ma faim. Pourtant, j'avais espéré une belle rencontre avec ce peintre génial. Hormis le fait que je n'ai pas attendu pour pénétrer dans le Louvre, j'ai noté la présence de milliers de touristes  du monde entier en groupe ou en solo. Même convoquée vers midi, je n'étais pas la seule sur ce créneau. Nous étions serrés, débordés, en rang d'oignons devant chaque toile du maître toscan. Je ne comprends pas l'administration du musée : pourquoi accepter tant de visiteurs dans cet espace confiné ? Je n'ai pas eu de réponse. Il faut accepter cet état de fait. Les vitrines où s'exposaient les dessins de Léonard étaient même inaccessibles... Je n'avais pas envie de jouer les coudes comme dans le métro. J'ai quand même vu les toiles les plus célèbres : le Saint Jean Baptiste, la Vierge, Sainte Anne et l'enfant Jésus, la Madone aux fuseaux, la Belle Ferronnière, le Portrait de musicien. Cela m'a quand même émue de voir ces tableaux que Léonard avait touché lui-même. Cinq cents ans après, ce génie continuait à fasciner et à passionner les amateurs d'art. Tant mieux s'il attire des milliers de visiteurs mais l'organisation de la visite s'est avérée décevante. J'ai profité de l'après-midi pour revoir quelques départements : la Grèce antique, les peintures français, italienne, hollandaise, allemande. On peut se perdre facilement dans les ailes du Louvre, un vrai labyrinthe et il faudrait des jours et des jours pour tout voir ! Parfois, je me suis retrouvée seule dans des salles délaissées par les visiteurs comme dans les rues de Venise à côté de la place San Marco. J'ai vérifié que Mona Lisa attirait toujours ses adorateurs asiatiques... Le Louvre, un monde en soi, une planète à explorer en préparant ce tour du monde de l'art. Un musée incontournable et grandiose !