On ne peut pas séparer l'Iliade de l'Odyssée car un personnage de légende, Ulysse, les relie et il s'avère que l'Odyssée a marqué, marque et marquera des générations de lecteurs(trices). Ulysse représente l'aventure humaine, le voyage, la curiosité, le courage, l'intelligence (la métis chez les Grecs). Je connaissais maintes aventures de ce héros fabuleux mais j'ai bien apprécié le rappel de mémoire donné par notre professeur. Il avait préparé la carte géographique des péripéties d'Ulysse, de la Grèce à la Sicile, de la Sardaigne à Gibraltar, de Naples à la Tunisie, le bassin méditerranéen est le berceau de la civilisation occidentale du monde grec. Ulysse a tué le géant cyclope Polyphème en lui crevant l'œil avec un pieu d'olivier. Or, le cyclope est le fils de Poséidon, lui-même frère de Zeus et la vengeance du dieu de l'océan va poursuivre Ulysse tout au long de son périple. Cette saga antique ressemble à une "série" d'aujourd'hui : des Sirènes enjôleuses aux Lestrygons guerriers, de Circé à Eole, de Charybde en Scylla, Homère nous raconte les exploits d'Ulysse avec une ironie philosophique. Le poète formule un message d'espoir : malgré les malheurs, les difficultés, les accidents de la vie, il faut suivre l'exemple d'Ulysse. Car, l'homme n'échappe pas à son destin même s'il est prévenu. Sa bravoure indestructible et son intelligence rusée lui permettent d'assumer les épreuves qu'il traverse. Il revient à Ithaque, seul car tous ses compagnons ont péri et quand il retrouve Pénélope, sa femme quittée devant vingt ans, Ulysse a accompli son destin. Cette histoire tient du mythe où les hommes et les dieux cohabitent dans "la fureur et le bruit". Ce livre d'images épiques est notre premier roman des origines, notre premier roman d'aventures, notre premier roman d'amour, notre premier roman historique... On a tous du Ulysse en nous, même si on est une femme. Car les épreuves de la vie sont unanimement partagées par les deux sexes...
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
jeudi 10 décembre 2015
mardi 8 décembre 2015
Homère, 1
Pendant six semaines, j'ai assisté à un cours de mon professeur de littérature (et de philosophie, aussi) sur Homère, proposé par l'USTL (Université savoisienne du temps libre) à Chambéry. Evidemment, douze heures pour aborder le premier écrivain de la planète, c'est quand même trop peu... Il aurait fallu que l'on analyse Homère tout un semestre au minimum. Mais, ce format de cours nous a tout de même plongés dans l'Iliade et l'Odyssée, deux œuvres écrites 2800 ans avant J.C. ! J'ai même été étonnée de me retrouver avec une cinquantaine "d'élèves sexagénaires et plus" pour écouter les explications de notre professeur, grand amateur éclairé du grec ancien et de sa littérature. Tout le monde connaît l'épopée de l'Iliade avec le valeureux Achille, sommé de récupérer la belle Hélène, enlevée de son plein gré par le beau Paris de Troie. Cette saga antique sur la guerre entre les Achéens et les Troyens n'a pas pris une ride et ce texte d'une portée universelle garde toute sa dimension historique quand on sait que des archéologues recherchent toujours des traces de Troie dans la Turquie d'aujourd'hui. Ulysse, le héros aux "mille tours" trouvera une astuce pour vaincre la cité aux remparts imprenables : le cheval de Troie. Cette tricherie audacieuse et astucieuse a permis la fin de la guerre et le retour à la paix. Mais que de batailles, de dialogues, d'interventions divines, de duels dont celui mythique d'Achille et d'Hector ! Une épopée sublime et magnifique que l'on a oubliée de lire sauf si on se donne l'opportunité de suivre un cours pédagogique sur Homère. L'Iliade nous renseigne sur la vie quotidienne des héros et des dieux, sur la forme littéraire en chants scandés par des aèdes. Lire Homère, c'est retrouver le soleil de ce pays magique, de goûter le sel de la mer, la cuisine à l'huile d'olive, de rêver sous un ciel d'un bleu antique... Ces exploits ont été recueillis par ce mystérieux et insaisissable Homère. Comme j'apprends le grec ancien depuis deux ans, je suis d'autant plus motivée pour relire Homère, le savourer voire essayer de traduire quelques passages avec mon professeur de grec ancien que je ne remercierai jamais assez de m'offrir deux heures par semaine, les fondamentaux de la langue grecque, une invention d'inspiration divine, j'en suis persuadée... Merci à Zeus !
lundi 7 décembre 2015
"Si c'est un homme"
Depuis la rentrée de septembre, je suis inscrite à un cours de littérature animé par Daniel que je suivais déjà, dès janvier 2015. Notre professeur a analysé "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire, le surréalisme, la littérature au féminin. Il nous a proposé cette fois-ci le thème de la condition humaine avec trois écrivains : André Malraux, Primo Levi et Robert Musil. Je n'ai pas assisté aux cours donnés sur Malraux et "La Condition humaine" pour des raisons fort agréables de voyages divers. Mais, je ne voulais surtout pas manquer le cycle consacré à Primo Levi. J'ai relu "Si c'est un homme" avec une attention encore plus profonde que dans ma première lecture datant d'une vingtaine d'années. Ce témoignage sur les camps de concentration est unique, irremplaçable, essentiel pour appréhender l'horreur du nazisme et de l'Holocauste. J'ai lu l'ouvrage avec un crayon et j'ai souligné un très grand nombre de phrases sur l'expérience concentrationnaire. Les bourreaux perdent leur humanité alors que les victimes pourtant déshumanisées à l'extrême, luttent pour conserver la leur. Primo Levi décrit avec une précision de scientifique (il était chimiste) la vie dans ce camp terrible avec la faim chronique, le froid glaçant, l'humiliation, l'anéantissement de toute personnalité. Il survit grâce à la solidarité de quelques compagnons. Il raconte sans émotion cet enfer dantesque, cette disparition programmée d'une partie de l'humanité. Il faut absolument lire et relire ce chef d'œuvre de la littérature italienne, car Primo Levi a décrit avec une lucidité froide et une sobriété philosophique, la folie nazie : "J'ai survécu, j'ai raconté, j'ai témoigné". La force de ce témoignage, dépourvu de haine et d'esprit de vengeance, montre que la littérature peut nous aider à comprendre et à combattre l'insupportable, l'inimaginable, l'insoutenable de l'expérience concentrationnaire et totalitaire. Pourtant, Primo Levi a mis fin à ses jours à Turin en 1987. Sur sa tombe, on peut lire seulement son matricule : 174517... Dans le préambule de l'ouvrage, l'écrivain nous dit : "N'oubliez pas que cela fut. Non, ne l'oubliez pas : gravez ces mots dans votre cœur". Une lecture salutaire et essentielle en ces temps où un certain totalitarisme religieux menace l'humanité. Le cours de littérature m'apporte un nouvel éclairage sur des œuvres que j'avais lues un peu trop superficiellement. Et la relecture est un exercice intellectuel assez surprenant car les années que je cumule ne semblent pas se transformer en handicap... Bien au contraire.
vendredi 4 décembre 2015
Rubrique cinéma
Je voulais absolument voir le dernier film de Nanni Moretti, "Mia madre" car j'aime beaucoup ce réalisateur. J'ai donc vu cet après-midi le long métrage du cinéaste italien et je ne n'ai pas été déçue, loin de là. J'ai retrouvé l'univers autofictionnel de Moretti, mais à un degré plus profond, plus subtil. Ce n'est pas le réalisateur qui raconte, dans un journal intime filmé, la maladie de sa mère. Ninna Moretti interprète le frère de l'héroïne, nommée Margherita, (magnifique comédienne, Margherita Buy). Ce double féminin traverse une crise professionnelle et familiale. Elle termine un film social mais le choix d'un acteur américain ne se déroule pas comme prévu. Ils s'affrontent sans cesse car il ne connaît pas son texte et se conduit d'une façon trop capricieuse. Parallèlement, Margherita accompagne sa mère à l'hôpital et ne réalise pas la gravité de sa maladie. En fait, elle nie la proche disparition de sa mère et survit grâce au travail. L'angoisse la traverse fréquemment la nuit et ses cauchemars sont filmés avec des images surréalistes. Elle vit aussi une relation tendue avec sa fille qui lui préfère sa grand-mère, ancienne professeur de latin. Entre ses difficultés de communication avec ses proches et ses péripéties professionnelles, le parcours de Margherita est semé d'embuches. Elle finit aussi par rompre avec son compagnon. Seul, son frère la soutient et l'aide à surmonter les épreuves. Il se montre un très bon fils avec sa mère, se mettant même en disponibilité pour l'assister jusqu'à la mort finale. Le personnage du frère prend de l'importance au fil des images avec sa présence chaleureuse et sereine auprès de sa sœur en crise existentielle et de sa mère en fin de vie. Ce film émouvant et profondément humain comporte aussi quelques scènes humoristiques concernant l'acteur américain et ses gaffes permanentes. La mère si belle, jouée par Guilia Lazzarini, est un personnage emblématique pour la transmission familiale et culturelle (hommage au latin), la générosité maternelle universelle, le courage et l'abnégation jusqu'à la fin de sa vie. Un très beau film, sensible, touchant sans pathos comme on en voit peu dans l'année. Je n'ai pas pu m'empêcher de verser quelques larmes à la fin...
jeudi 3 décembre 2015
"Palmyre, l'irremplaçable trésor"
J'avais lu les mémoires passionnantes de Paul Veyne, un des plus grands historiens français, et je conseille encore son autobiographie : "Et dans l'éternité, je ne m'ennuierai jamais", parue en 2014. Il vient d'écrire un essai sur la cité de Palmyre, tristement célèbre par sa destruction perpétrée par la horde D. L'historien prend la parole pour raconter la fabuleuse histoire de cette cité antique. Il écrit : "Malgré mon âge avancé, c'était mon devoir d'ancien professeur et d'être humain de dire ma stupéfaction devant ce saccage incompréhensible et d'esquisser un portrait de ce que fut la splendeur de Palmyre qu'on ne peut plus désormais connaître qu'à travers les livres". Comme un beau conte oriental, Paul Veyne rend hommage à la cité pour son syncrétisme culturel. Au milieu du désert syrien, à côté de la Perse (Iran), ce lieu magique surgit comme une oasis et appartenait au vaste empire romain. On y parlait le grec, l'araméen et les habitants vivaient de commerce. L'historien décrit les monuments, les temples, les coutumes de cette cité à la croisée des deux mondes, l'occidental et l'oriental. Le désastre de sa démolition constitue un crime contre la culture "humaine". Les terroristes ont même assassiné l'archéologue Khaled al-Assaad, directeur des antiquités de Palmyre, auquel ce livre est dédié car il s'était intéressé aux "idoles". Imaginons l'anéantissement de Pompéi, de Syracuse, de Taormina et d'autres lieux magiques de l'Antiquité car Palmyre appartenait au patrimoine mondial de l'Unesco. Comme l'archéologie raconte l'histoire de l'humanité, l'ouvrage de Paul Veyne apporte une lumière essentielle sur cette catastrophe historique. "Oublier le passé, c'est se condamner à le répéter" écrivait Primo Levi. Palmyre restera toujours dans nos mémoires même si les traces ont disparu...
mercredi 2 décembre 2015
Les 25 meilleurs livres de l'année
A la fin de l'année, j'aime bien découvrir la sélection de la revue Lire, concernant les 25 meilleurs livres de l'année. A ma grande satisfaction, le roman de Boualem Sansal, "2084 : la fin du monde" a été choisi comme le Livre de l'Année 2015. L'explication que nous donne la rédaction, confirme mon intuition : ce roman raconte la grande menace du XXIè siècle, le terrorisme islamiste. Je cite cette phrase : "Une année entamée dans les larmes le 7 janvier, avant que ne leur succèdent le sang et la colère, le 13 novembre" et plus loin, l'écrivain algérien nous annonce cette sentence prémonitoire : "La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n'est plus fort qu'elle pour faire détester l'homme et haïr l'humanité". Il faut saluer avec admiration cet écrivain d'un courage inouï. Il décrit dans son roman d'une audace politique indéniable, l'irruption d'un totalitarisme religieux dans un pays, l'Abistan, vivant sous le règne de la charia. Son œuvre résonne fort et juste dans cette dénonciation du radicalisme religieux et de l'intolérance, du triomphe de l'ignorance et de l'inculture généralisée. La revue Lire ne pouvait qu'honorer ce livre "rare, un livre puissant, au croisement de la fable et du pamphlet, de la satire et du roman d'anticipation". Dans la catégorie "Roman français", on trouve Virginie Despentes, dans la catégorie "Roman étranger", l'écrivain islandais, Jon Kalman Stefansson et son "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds". Puis, je citerai encore Victor Del Arbol dans la catégorie "Polar" et Philippe Forest pour son Aragon dans les biographies. La revue propose aussi un entretien avec Boualem Sansal, au centre de la revue et une sélection de beaux livres pour les Fêtes de Noël. Pour conclure, ce numéro de décembre et de janvier offre de bonnes idées de lecture pour cette fin d'année. Il paraît que le livre est le cadeau préféré des Français et cette constatation ne peut que me satisfaire.
mardi 1 décembre 2015
"A ce stade de la nuit"
Quand j'ai appris la sortie du nouveau texte de Maylis de Kerangal, "A ce stade de la nuit", paru aux éditions Verticales, je me suis précipitée chez Garin pour l'acquérir. Cet opus de 73 pages, dans un format poche, se lit vite mais mériterait une deuxième lecture plus approfondie. Ce récit littéraire ressemble à une longue réflexion poétique et politique sur le problème majeur des migrants fuyant leurs pays dévastés par la guerre. Ils franchissent les frontières pour trouver un havre de paix en Europe. La narratrice entend à la radio le mot "Lampedusa" et ce mot géographique l'entraine dans une rêverie sur Burt Lancaster, l'acteur américain interprétant le comte Don Fabrizio dans "Le Guépard" de Visconti. L'écrivain italien se nommait lui-même Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Dans le roman, le comte vieillissant observe la fin de son monde patriarcal et monarchique dans la grande scène du bal dont les images éblouissantes de Visconti restent gravées dans nos mémoires de cinéphile. Pourquoi Maylis de Kerangal utilise-t-elle le cinéma pour illustrer le drame terrible d'un naufrage de migrants en Méditerranée ? Comment un décor aussi magique, la mer, peut-elle se transformer en tombeau ? L'écrivain ne donne pas de réponse mais invite le lecteur à s'interroger sur les mots que nous écoutons parfois dans une indifférence coupable. Le terme Lampedusa n'est pas qu'une île paradisiaque ou un écrivain extraordinaire ayant écrit un chef d'œuvre de la littérature italienne. Cette île porte le malheur du monde où des hommes, des femmes et des enfants veulent l'atteindre pour survivre. Cet ouvrage propose une réflexion politique sur la complexité du monde contemporain. La littérature sert à comprendre la vie et la société dans laquelle nous vivons...
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