jeudi 21 août 2014

Revue de presse

Les revues mensuelles de septembre ont déjà fait leur apparition pour nous annoncer à coups de clairon la rentrée littéraire, toujours le même tsunami de romans français et étrangers, plus de 600, un nombre astronomique pour les lecteurs d'aujourd'hui quand on sait qu'on lit 1 livre par mois pour la catégorie des réguliers... Il faut bien choisir, trier, humer, s'informer, ne pas passer à côté, cibler, retrouver ses écrivains favoris (Pascal Quignard est annoncé...) et puis se lancer dans la découverte des nouvelles voix ou des voix connus. Le Magazine littéraire a mis dans sa page de titre le portrait d'Emmanuel Carrère dont le roman, "Le Royaume" semble faire sensation. L'équipe de la revue établit la liste de ceux qu'il faut lire et de ceux qu'il faut éviter... Un numéro indispensable pour connaître les valeurs sûres de la littérature contemporaine et apprécier un nouvel esprit critique plus incisif et plus audacieux.  Olivier Adam et son nouveau titre, "Peine perdue" semble avoir perdu sa crédibilité. La revue Lire a copié le Magazine car je remarque la photo d'Emmanuel Carrère, décidément mis en avant pour son "livre choc" de la rentrée. Les éditeurs les plus influents ont leur page de publicité dans la revue certainement à la recherche de dividendes... Je regrette souvent dans cette revue plus grand public, le manque de critiques un peu plus originales et l'équipe éditoriale ne renouvelle pas sa formule consensuelle et un peu trop sage... L'article le plus long concerne l'inévitable Carrère... La revue Transfuge propose d'emblée et sans complexe les meilleurs 15 romans français. Tant pis pour les 550 collègues qui ont planché sur leurs feuilles ou leur PC pour réaliser leur projet fou, lié à l'écriture d'un roman. Je citerai en particulier Patrick Deville, "Viva", une plongée dans le Mexique de Trotski et Malcolm Lowry et Antoine Volodine, un écrivain singulier et souvent adoré par certains critiques pointus. Il semblerait que la rentrée littéraire soit plus concentrée, plus dense et même plus passionnante qu'en 2013. Les lecteurs(trices) que nous sommes vont-ils avoir le même avis ?

mercredi 20 août 2014

Sortie culturelle

Cet après-midi, je suis allée consulter la presse hebdomadaire à la médiathèque où j'ai apprécié le calme serein des lecteurs. Ensuite, je me suis dirigée vers le Musée des Beaux-Arts de Chambéry qui va décrocher une exposition (le 25 août) du photographe Patrick Faigenbaum, et j'étais quasiment seule (quel plaisir !)  à arpenter les salles tout en admirant les tableaux des peintres italiens et en découvrant les photos de Faigenbaum. La confrontation peintures-photos en grand format est une initiative très intéressante et certains portraits m'ont vraiment émue, en particulier ceux des femmes vieillissantes. Au dernier étage, j'ai apprécié les natures mortes : des citrons sur une table, des aubergines, des pommes de pins, des raisins. Des légumes et des fruits d'une beauté toute simple, une leçon pour porter un regard neuf sur la réalité qui nous entoure. Après cette visite instructive et pas du tout ennuyeuse (je dois être un peu "bizarre" d'aimer les musées...), j'ai voulu tâter la rentrée littéraire dans une librairie chambérienne. J'ai besoin de fureter sur les tables, de manipuler les nouveaux romans pour lire le résumé et me rendre compte sur place de mes futurs plaisirs de lecture. Ma rentrée n'est plus professionnelle, (heureusement...) mais j'ai toujours aimé la fébrilité des mises en place de ces centaines de romans qui vont capter notre attention pendant (au minimum, six mois). Les librairies offrent en ce moment des bulletins d'information (en particulier,  celui de la maison Gallimard). Bibliothèque, musée et librairie, voilà mon après-midi gourmand !

mardi 19 août 2014

"Le legs d'Adam"

Astrid Rosenfeld, écrivain(e) allemande, vient d'écrire son premier roman et il est rare de le voir déjà publié chez Gallimard dans la prestigieuse collection "Du monde entier", et traduit par Bernard Lortholary. Comme je ne l'ai pas trouvé sur les catalogues de la médiathèque (j'espère que les bibliothécaires vont l'acquérir !), je l'ai donc acheté en librairie après avoir lu une bonne critique.  Le roman est construit sur deux récits : le premier se passe à Berlin en 2004. Le jeune Edward, propriétaire d'une boutique de mode branchée, découvre un secret de famille concernant un certain Adam, le frère mystérieux de son grand-père Moses qui pleure ce frère disparu. Le jeune garçon relate sa vie de famille entre une mère célibataire et des grands-parents un peu "folkloriques". Il rencontre dans un zoo un certain Jack Moss, un américain déjanté et original, qui tombe amoureux de sa mère. Ils vont se marier envers et contre tous et ils poursuivent leur route avec le jeune garçon. Ce Jack Moss est un individu peu fiable, commerçant bateleur, trafiquant d'objets : leur vie ne se passe pas comme prévu. Cette période rocambolesque dure jusqu'à sa rentrée universitaire qui symbolise la rupture familiale. Il s'installe à Berlin et retrouve sa grand-mère. Il vit en communauté et cultive son talent dans le textile. Il va enfin recevoir le legs d'Adam, son grand-oncle,  en pénétrant dans ce grenier interdit où il déniche un paquet dans lequel un carnet l'attend depuis des années. Le roman bascule alors dans sa deuxième partie sur la vie d'Adam, en 1938.  Adam rencontre Anna dans une Allemagne nazie et quand elle disparaît en Pologne, il décide de partir à sa recherche en échangeant d'identité pour se rapprocher d'un dignitaire nazi et pénétrer dans le ghetto de Varsovie. Ce premier roman en deux temps est une réussite incontestable sans pathos, sans drame malgré la quête sans espoir  d'Adam... J'ai toujours été curieuse de la littérature allemande et je n'ai pas été déçue...

lundi 18 août 2014

"Instantanés II"

J'avais évoqué dans ce blog le tome 1 des souvenirs de Roger Grenier, baptisé modestement "Instantanés". Cet écrivain discret, pourtant l'un des plus influents de la maison Gallimard, nous livre ses confidences sur ses confrères des lettres françaises dans un nouvel opus. Cette galerie de portraits est passionnante pour ceux et celles qui aiment la littérature, qui aiment ces drôles d'humains qui vouent leur vie à l'écriture, à l'imagination dans un certain isolement et une solitude certaine... On ne parle assez de la vie littéraire et pourtant, connaître des anecdotes familières sur certains d'entre eux nous les rend plus proches, plus intimes, plus "normaux". Roger Grenier raconte des rencontres essentielles : celles avec Bachelard, le philosophe bourguignon qu'on ne "pouvait qu'aimer et respecter", Hector Bianciotti, déjà oublié, Roger Caillois, le passeur, Louis Guilloux, le protégé de Gallimard, Valérie Larbaud, le cosmopolite, Flannery O'Connor, la nouvelliste géniale, etc. J'ai surtout apprécié le chapitre sur un des mes écrivains préférés, le très subtil J.-B. Pontalis, l'ami et le collègue de Roger Grenier, qui travaillaient cote à cote chez Gallimard. J'ai remarqué cette phrase sur son ami : "Dans "Fenêtres", ce lexique très personnel, je relève les mots : nostalgie, déçu, chagrin, larmes, sanglots, vieillir, enfance, souvenirs, clairière, et aussi : pourquoi." Quand un écrivain se souvient, quand un écrivain aussi empathique que Roger Grenier livre ses "instantanés" sur ses relations, parfois professionnelles, parfois amicales avec des confrères, cela donne un ouvrage très agréable à lire, un hommage généreux de la vie littéraire avec ses petitesses comme avec ses grandeurs. 

jeudi 14 août 2014

Rubrique cinéma

Pluie sur la ville, direction le cinéma l'Astrée, toujours aussi agréable à fréquenter pour le confort de ses quatre petites salles dans un décor des années 20... Je préfère la sobriété et la modestie de ce cinéma du centre ville plutôt que ces salles immenses où les spectateurs grignotent du pop-corn et des bonbons sans éprouver la moindre gêne pour leurs voisins. A l'Astrée, on se déplace pour le film et non pour la moquette et les comptoirs de friandises. J'ai vu, mercredi, le film de Julie Lopes Curval, "Le beau monde" avec Ana Girardot et Bastien Bouillon. Le personnage central s'appelle Alice. Elle a 20 ans, vit à Bayeux et possède un talent particulier pour la laine car elle fabrique ses propres pulls. Dans la pâtisserie où elle travaille, une cliente "distinguée" lui fait un compliment sur le chandail qu'elle porte. Cette "parisienne" lui propose son aide pour intégrer une école d'arts appliqués à Paris. Et son destin bascule quand elle rencontre le fils de famille, Antoine. Elle réussit son concours d'entrée dans cette école. Ils tombent amoureux et ils vont découvrir leur "différence sociale". Il aime la photographie et Alice l'encourage dans cet art au grand dam de sa famille bourgeoise. Elle se consacre à ses études pour progresser et exploiter son don d'artiste du tissu. Mais, le malaise grandit entre eux : lui se sent dans une planète inconnue quand il rencontre la famille d'Alice et son environnement. Elle est aussi "étrangère" à la culture sophistiquée du milieu snob d'Antoine. Antoine s'absente de plus en plus pour préparer une exposition. Alice travaille d'arrache-pied pour oublier la distance qui s'installe entre eux. Je ne vais pas donner la fin de l'histoire pour donner envie de découvrir un joli film français avec des personnages attachants, surtout le personnage d'Alice, trop discrète, trop sage et trop docile aux yeux d'Antoine. Mais, c'est peut-être elle la plus forte, la plus passionnée et la plus sincère dans le couple... A voir pour le sujet des différences sociales, pourtant maintes fois traitées  au cinéma avec des comédiens très convaincants.

mardi 12 août 2014

Hommage à Simon Leys

Simon Leys, nom de plume de Pierre Ryckmans, vient de s'éteindre à l'âge de 78 ans à Canberra en Australie. Il avait choisi le nom de "Leys" en hommage à Victor Segalen. Il s'est surtout fait connaître dans les années 70 avec son ouvrage critique et iconoclaste sur la Chine, "Les habits neufs du Président Mao". Sinologue de formation, il a été un formidable passeur de culture entre la Chine et l'Occident. je conseille de consulter sa notice biographique sur Wikipédia où sa vie de traducteur du chinois au français rend compte de son travail d'intellectuel. Il épouse même une chinoise dont il a quatre enfants. Il enseignera la littérature chinoise à  l'université de Sydney de 1987 à 1993. Je me souviens encore de la présence de Simon Leys dans un "Apostrophes" de Bernard Pivot quand il défendait sa vision de la Chine face à une maoïste de service. (Que cette époque me semble un bout de préhistoire de la vie littéraire française...). Il faut que je mentionne aussi sa passion de la mer à propos de son ouvrage "La mer dans la littérature française : de Rabelais à Pierre Loti", toujours disponible en librairie. J'ai lu ses deux derniers essais que je recommande particulièrement : "Le bonheur des petits poissons" en 2008 et "Le studio de l'inutilité" en 2012. Je n'ai pas gardé ces ouvrages chez moi car j'aurais aimé les feuilleter pour montrer le style savoureux et caustique de Simon Leys sur la littérature et sur la vie. Quand un écrivain disparaît, j'ai l'impression qu'une étincelle d'intelligence et de culture a fini d'éclairer le monde et de le rendre plus beau. La journée semble plus assombrie... Heureusement qu'il reste leurs œuvres pour les retrouver.

 

 

 

lundi 11 août 2014

"Médium"

Il existe une catégorie d'écrivains que je lis avec curiosité et amusement sans pourtant les aimer vraiment... J'ai donc fini hier le dernier roman de Philippe Sollers, "Médium" et cet homme, admiré et craint à la fois dans le monde littéraire parisien, écrit des chroniques sur l'air du temps, propose une vision ironique de la vie, voltairienne, insolente et drôlement intelligente. Son livre ressemble plus à un récit autobiographique masqué qu'à un simple roman. Le narrateur, le professore, (certainement Monsieur Sollers) vit à Paris et s'installe très souvent à Venise, sa résidence secondaire.  Il décrit ses fins de semaine dans cette ville où il entretient une relation exclusivement sensuelle et sexuelle avec Ada, une masseuse professionnelle, et fantasme sur la jeune Loretta. Il aime Venise et je cite ces quelques phrases : "Il y a une magie médiumnique de Venise. On la voit sans la voir, on l'entend sans l'entendre, elle disparaît parfois pendant des semaines ou des mois, et soudain, dans une clarté imprévue, elle est là. On la respire, elle fait signe, elle fait flamber les toits et les mâts, l'espérance pour rien recommence." Qui a visité cette ville maritime et aquatique ne peut qu'apprécier ces passages de "grâce" quand il évoque ses séjours vénitiens. Sollers est un fou de littérature et il intègre dans son roman des extraits de Montaigne, Voltaire, Proust, Baudelaire et surtout Saint-Simon. Et dans la dernière partie de son livre, il offre un festival de mots sur la folie de notre temps présent.  Je cite encore un extrait sur la folie : "Passons sur les médias ou Internet, où elle fait régner la plus grande confusion possible, l'essentiel, le cœur du pouvoir n'est pas là. Agitation et transvasement numérique, recyclage technologique, ordinateurs et téléphones toujours nouveaux, tablettes remplaçant les tablettes, ça fonctionne et les satellites s'en  chargent. Le noyau dur, c'est l'archive, l'encyclopédie, le savoir au bout des doigts, autrement dit la Mémoire. La main-mise sur la mémoire est une priorité absolue." Philippe Sollers avec son talent de polémiste, propose un manuel de la contre-folie, un espace de résistance pour se sentir libre, prendre son temps, fuir cette folie contemporaine. Un roman "fourre-tout", un mélange littéraire composé de miettes philosophiques, de confessions intimistes, de colères politiques, de divagations voyageuses... Un bon Sollers, un très bon Sollers !