mardi 6 mars 2012

Le printemps des Poètes, 14e édition

Et le Printemps revient avec sa célébration bien modeste et peu médiatisée de la poésie du 5 mars au 18 mars. Pour se renseigner, il suffit de surfer sur le site "Le printempsdespoetes.com" pour vous donner l'envie de lire de temps en temps un poème classique et découvrir des talents nouveaux. Le thème de cette quatorzième édition concerne l'enfance, terreau originel de tous les humains, sujet traditionnel et universel. Il faut aussi lire l'article éclairé du Monde du samedi 3 mars dans le cahier Culture et Idées. Le journaliste Amaury Da Cunha rend compte de la place mineure qu'elle occupe dans le milieu littéraire : des éditeurs peu aventureux, des libraires peu motivés, des bibliothécaires peu curieux, des médiateurs en fait inexistants. Et il faut ajouter à ce tableau lucide et pessimiste, la réputation de la poésie, qui oscille entre miévrerie et grandiloquence, incompréhension et occultation, dédain et moquerie. Comment sortir de cette impasse ? La poésie mérite souvent le détour du lecteur-trice, encore faut-il trouver dans le monde poétique des poètes qui nous parlent, qui nous plaisent et là s'opère l'adhésion à la poésie. La poésie ressemble à la musique. Je n'aime pas tous les compositeurs, apprécie davantage Bach que Beethoven, Telemann que Mozart, Haendel que Wagner, Haydn que Chopin... Les poètes sont des musiciens du langage. Des poètes officiels et classiques me toucheront toujours comme Nerval, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, René Char, et tant d'autres connus et inconnus. En fait, la poésie se déguste comme un plat rare et unique, mais il faut posséder une certaine ouverture d'esprit et une appétence pour la parole poétique... Un site est recommandé dans l'article cité plus haut : "poezibao.typepad.com", très intéressant pour les amateurs de poésie !

lundi 5 mars 2012

"La chair du temps"

Je connaissais Belinda Cannone par réputation mais je n'avais lu aucun de ses ouvrages. J'ai choisi en librairie son dernier opus, un journal intime, qu'elle baptise, "La chair du temps". Cette épaisseur du temps concerne en fait une perte irréparable pour elle, symbolisée par le vol de deux malles contenant ses souvenirs écrits sous la forme de carnets, notes, journaux, lettres, cartes postales. Ce matériau de papiers, vrais outils intellectuels, l'aide à composer son oeuvre littéraire. Ce vol intervient dans sa vie, désormais fragilisée sur le plan psychologique. Elle raconte ce vol dans sa maison de campagne comme un viol de son intimité et se demande tout au long du journal qui est l'auteur de ce crime "particulier". Ces malles de souvenirs représentaient pour elle son passé, et surtout sa mémoire. On ne peut pas vivre sans la mémoire du passé. Ecrire donne un sens à sa vie et la perte de cette mémoire écrite ressemble à une catastrophe intime. Je cite un passage : "Pour moi, l'écriture correspond à une nécessité vitale. (...) J'en ai besoin à l'échelle de ma vie entière, de son sens. Ce texte-ci se distingue donc des précédents parce qu'il est écrit dans l'urgence immédiate, pour supporter. L'événement a provoqué une brutale modification de mon identité que je dois assimiler : je suis soudain devenue quelqu'un qui a perdu sa mémoire, une autre , une qui n'a plus de passé. La perte a modifié en profondeur (mais pas en surface) qui je suis. D'où l'urgence d'écrire chaque jour pour affronter ce changement brusque, me faire à cette nouvelle identité." Je ne veux pas raconter si les malles seront retrouvées... Ce drôle de journal m'a donné envie de rebondir sur les essais de Belinda Cannone et de découvrir ses romans. Une femme-écrivain obsédée à ce point par l'écriture, par la mémoire, par le passé, ne peut que m'attirer...

vendredi 2 mars 2012

Atelier d'écriture, les proverbes

Mylène nous a lancé dans la confection de proverbes détournés. Cet exercice oulipien peut provoquer des trouvailles pleines d'humour et d'impertinence. Elle nous a fait établir une liste d'une dizaine de proverbes et ensuite, nous devions choisir dans les listes constituées, des proverbes qui nous plaisaient pour les contourner. Voici ceux que j'ai écrits :
Oeil pour oeil, dent pour dent !
Optic 2000, vive les implants !
Araignée du matin, calin,
Araignée du soir, angoisse.
Rien ne sert de pourrir, il faut mûrir à point !
L'homme est un loup pour l'homme,
la louve est la femme du loup.
Les petits sots font les grands torrents de la bêtise.

Deuxième étape : prendre un de ces proverbes et en faire un petit texte,
j'ai repris araignée du soir :
Araignée du matin, calin,
Araignée du soir, angoisse,
Araignée du matin, chagrin,
Araignée du soir, espoir,
Je déteste les araignées,
J'épargne la première pour le calin,
J'écrase la seconde pour l'angoisse,
J'écrabouille la troisième pour le chagrin,
Je vénère la quatrième pour l'espoir.

Voilà nos écritures ludiques et sans prétention...

jeudi 1 mars 2012

Rubrique cinéma, "Albert Nobbs"

Albert est serveur dans un hôtel de Dublin à la fin du XIXe siècle. Albert Nobbs correspond parfaitement au portrait du domestique compétent et dévoué. La vie terne, servile de ce personnage nous est racontée dans un film de Rodrigo Garcia. Cet homme solitaire et pathétique est joué par l'immense actrice, Glenn Glose. Albert Nobbs est donc une femme... Pour pouvoir travailler, elle se déguise en homme depuis trente ans. Un corset lui cache sa poitrine et elle a coupé ses cheveux très courts. On la suit dans son travail quotidien servant des nobles débauchés, des bourgeois dublinois, un médecin alcoolique, etc. Sa vie bascule quand elle rencontre un artisan peintre, Herbert Page. Herbert découvre qu'Albert est une femme et lui-même vit en concubinage avec une autre femme. Albert va tout avouer et se met à rêver d'une vie "normale" : vivre en couple, être propriétaire d'une petite boutique grâce aux économies amassées depuis trente ans. Elle va donc proposer à une jeune serveuse de sortir avec lui-elle. La petite serveuse lui extorque des cadeaux sous l'influence de son petit ami, arnaqueur et violent. Je ne livre pas la fin tragique du film. La situation des femmes du peuple à cette époque ressemblait à de l'esclavage à l'intérieur de leur famille. Le travail leur était pratiquement interdit... J'ai trouvé ce film très émouvant et révoltant aussi car il dénonce cette injustice totale et scandaleuse de la condition féminine dans les siècles passés mais aussi de nos jours encore dans certains pays rétrogrades. Ce film ne sera pas un gros succès populaire et c'est bien dommage... Glenn Glose confirme son talent de représenter des femmes singulières, fortes comme dans la très bonne série "Damages". Peu de comédiennes accepteraient un rôle d'homme sans maquillage et sans fard. J'aime vraiment les films de ce genre, tendus, précis, sobres, déroulant une histoire humaine loin de la banalité et du conformisme ambiant. Une réussite...

mardi 28 février 2012

"Tangente vers l'Est"

J'avais lu "Naissance d'un pont" de Maylis de Kerangal avec beaucoup d'intéret et je le recommande vraiment à ceux qui ne connaissent pas cette écrivaine remarquable. Son dernier livre, "Tangente vers l'Est", participe d'une expérience culturelle menée en 2010 dans le cadre de l'année France-Russie. Dans le Monde des Livres, daté du 27 janvier, on peut découvrir le parcours du Transsibérien qui part de Mouscou, traverse l'Oural, la Sibérie, la steppe de la Baraba, les Monts Saïan, etc. Et je ne vous cite pas les noms des villes-étapes, au total, 9289 km pour atteindre Vladivostok. Ce schéma est précieux pour suivre les aventures des protagonistes du roman de Maylis de Kérangal, un roman bref, haletant et toujours écrit avec une élégance formidable. Hélène, jeune Française, quitte son fiancé russe qu'elle ne reconnaît plus depuis qu'ils sont revenus en Sibérie. Elle rencontre un jeune homme, Aliocha, dans le train qui ne cherche qu'à fuir le service militaire qu'on lui impose. Il se cache dans la cabine d'Hélène et elle accepte de l'aider. A partir de cette anecdote, Maylis de Kerangal tisse une histoire haletante, au rythme de ce train mythique. Je ne veux pas dévoiler l'issue de cette rencontre cer il faut lire ce roman très original et savourer ce style précis, imagé, scandé, dynamique. En voici un exemple dès le premier paragraphei : "Ceux-là viennent de Moscou et ne savent pas où ils vont. Ils sont nombreux, plus d'une centaine, des gars jeunes, blancs, pâles même, hâves et tondus, les bras veineux le regard qui piétine, le torse encagé dans un marcel kaki, futes camouflage et silps kangourous, la chaînette religieuse qui joue sur le poitrail, des gars en guise de parois dans les sas et les couloirs (...)". Ce livre décrit une Russie éternelle et moderne, inquiétante et fascinante dans un style vraiment hors du commun, un régal de lecture...

lundi 27 février 2012

"The Artist"

Samedi, je suis allée voir ce film-culte, primé et salué par la critique et le public. Il n'a pas attiré quelques quinze millions de spectateurs comme "Les Intouchables" mais deux millions de Français ont franchi les portes d'un cinéma pour voir ce film muet, vraiment surprenant et émouvant. La musique remplace à merveille les voix humaines et le talent des comédiens, Jean Dujardin et Bérénice Béjo, donne au film une touche charmante et nostalgique. En fait, l'histoire est d'une simplicité surprenante : un acteur du muet qui ressemble à des acteurs du muet des années 20 triomphe dans ce genre mais son succès est condamné face à la montée inévitable du film parlant. J'ai trouvé quelques bonnes raisons pour apprécier ce mélodrame : un pari audacieux d'un film muet, la présence dynamique de la musique, un duo lumineux de beauté et d'émotion, une belle histoire d'amour, une leçon de générosité, une thématique d'un monde nouveau cruel pour ceux qui perdent, une étoile qui tombe, lui, et une étoile qui monte, elle, l'ambiance des années 20, un hommage sur l'origine mythique d'Hollywood sans oublier le rôle adorable du petit chien. Voilà, allez voir ce film qui a vraiment marqué l'année 2011. Le cinéma d'auteur peut rencontrer le grand public en toute sobriété et sincérité. On est loin des Intouchables et de "La vérité si je mens". Les Oscars ont recompensé avec justesse le réalisateur Michel Hazanavicius, Jean Dujardin, Michel Bource, le mucisien. Pour une fois que le cinéma français se distingue aux Etats-Unis, on ne va pas bouder son plaisir...
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vendredi 24 février 2012

Un inédit de Georges Perec

Georges Perec est à l'honneur dans le Monde des Livres de ce vendredi 24 février. Un inédit va être publié le premier mars, "Le Condottière", sorte de roman policier, écrit entre 1957 et 1960. Un article, signé Christine Montalbetti, évoque sa fascination pour une oeuvre atypique et passionnante. Il faut absolument relire son roman-culte, "Les choses", édité chez Denoël en 1965. Ce roman dénonce avec beaucoup de subtilité la société de consommation outrancière. Georges Perec a marqué avec ce roman les années 60 et 70. Dans cet article, Christine Montalbetti avoue son plaisir de lire du "Perec", en particulier "Espèces d'espaces", "Tentative d'épuisement d'un lieu parisien", "Penser-classer". Chez Perec, il y a une attention particulère aux lieux, aux espaces, à l'habitat, une lisibilité du réel, des choses, de ce qui se passe autour de soi, à l'extérieur de soi. L'inédit de Perec dont on peut lire un extrait dans ce Monde des Livres donne un éclairage nouveau sur l'oeuvre de Perec. Le personnage principal est un faussaire qui assassine son commanditaire car il n'arrive pas à exécuter l'oeuvre demandée. Cet inédit me re-donne envie de re-lire Perec qui est un de mes écrivains préférés. Il m'a appris à voir, à observer, à comprendre. Son roman le plus connu "La vie, mode d'emploi" est un puzzle où l'on reconnaît le génie "oulipien" de Perec. Perec est un fou des mots, des contraintes littéraires. Son roman "La disparition" a éte écrit sans la lettre E... Georges Perec est mort à 52 ans, il y a trente ans en 1982. C'est peut-être pour se souvenir de Perec que le Seuil sort cet inédit. Tant mieux pour les lecteurs-lectrices qui aiment l'univers ludique et nostalgique de Georges Perec !