jeudi 6 novembre 2025

"L'héritier", Vita Sackiville-West

 J'ai lu récemment par curiosité un roman, "L'Héritier", de la grande amie de Virginia Woolf, Vita Sackville-West (1892-1962). Cette longue nouvelle a été publiée en 1922, édité chez Autrement en 2019 et traduit par le grand spécialiste d'Henry James, Jean Pavans. L'écrivaine anglaise a abordé le sujet de l'héritage dans ce texte charmant car elle a souffert elle-même de ne pas bénéficier du domaine de son père qu'elle adorait car les filles étaient scandaleusement évincées de la succession familiale dans l'Angleterre du début du XXe. Le personnage principal, Peregrine Chase, hérite d'une tante qu'il n'avait jamais vue. Cette grande propriété dans la campagne anglaise est hypothéquée et le notaire, chargé de l'affaire, doit la mettte en vente. Perigrine Chase travaille dans une compagnie d'assurance et mène une vie un peu terne. Il se retrouve donc dans cette maison ancienne qu'il apprivoise peu à peu. Il succombe alors au charme envoûtant du domaine avec son parc, ses arbres, ses fleurs et la présence des paons, déambulant avec grâce dans les allées : "Il était à présent au rez-de-chaussée, devant la porte de la bibliothèque, à regarder un vase de tulipes couleur corail dont la transparente délicatesse se détachait avec éclat sur les sobres lambris de la pièce. Il était reconnaissant envers la somnolence de la maison, abolissant l'agitation avec une manière de tranquille réprimande". L'héritier loge dans cette maison et apprécie les matins brumeux, se balade dans les chemins, rencontre les fermiers, se lie avec les domestiques de sa tante. Mais, l'avocat Nutlet veille avec ardeur et sans coeur au démembrement du mobilier, des objets, des peintures pour les mettre en vente aux enchères jusqu'au moment fatidique. Va-t-il sauver la maison pour qu'elle ne tombe pas dans les griffes d'un repreneur ? Vita Sackville-West ne possède pas évidemment le génie de son amie chérie, Virginia Woolf, mais j'ai retrouvé dans ce petit roman la dentelle d'un roman anglais féminin, tissé d'une délicatesse psychologique digne de toutes ses collègues comme Anita Brookner, Penelope Lively, Katherine Mansfield, etc. 

mercredi 5 novembre 2025

"La chambre d'hôtel suivi de La Lune de miel", Colette

 Je reviens toujours vers "ma" Colette quand j'ai envie de retrouver un monde à part, un style, une ambiance d'autrefois. Elle ressemble à "mon" Proust mais en plus léger, en plus sensoriel. J'ai trouvé un livre de poche dans la bibliothèque d'une parente et les couvertures de ces Colette possèdent un charme d'antan avec des illustrations colorées et naïves. Dans la première nouvelle, "La Chambre d'hôtel", l'écrivaine revient sur son passé quand elle s'est lancée dans le Music-Hall. Lucette, une belle fille et danseuse entretenue, propose à la narratrice, un séjour dans un chalet de montagne pour quelques semaines. Colette accepte cette offre et part avec sa chatte adorée. Mais, en arrivant devant ce chalet, elle refuse d'y loger et s'installe dans une chambre d'hôtel dans la station thermale. Elle rencontre un couple avec lequel elle se lie. Antoinette est malade et s'est entichée de Colette. Le mari, Gérard, a une maîtresse à Paris mais il se morfond de ne pas avoir de nouvelles d'elle. Il demande à leur amie d'aller à Paris pour enquêter sur son silence. Celle-ci a disparu et plonge son amant dans le désespoir. Mais, l'humour et l'ironie de Colette donnent au texte une tonalité particulière quand elle raconte l'arrivée de Lucette et la "résurrection" de Gérard pour séduire cette femme avec laquelle il va vite se consoler. Dans la deuxième nouvelle, "La Lune de pluie", Colette ne peut pas compter sur sa secrétaire habituelle et se rend chez Rositta, dactylo, pour son manuscrit. Elle découvre alors qu'elle a vécu dans cet appartement et elle aimait les reflets que faisaient naître les rayons de soleil dans une vitre, sa "lune de pluie". Colette y retourne souvent et apprend que la soeur de Rositta jette des sorts à son mari qui l'a quittée. La narratrice est intriguée par ses pratiques malsaines et décide de ne plus croiser les deux soeurs. Mais, un jour, elle rencontre dans la rue, cette fameuse Délia, devenue veuve... Colette a écrit une nouvelle un peu inquiétante, une sorte de conte fantastique. Entre le quotidien où règne le rationnel et la magie superstitieuse, l'art de Colette est au sommet dans cette nouvelle. Se plonger dans l'univers de Colette, c'est toujours un plaisir de lecture garanti... 

mardi 4 novembre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 7

 Le lendemain, j'avais rendez-vous avec les dauphins ! J'ai pris un zodiac dans le port d'Obia avec une dizaine de personnes pour aller à la rencontre des dauphins, un rêve d'enfance. La compagnie nous a bien prévenus que ces mammifères marins restent sauvages et ne se montrent pas. Au bout de vingt minutes, le bateau s'est arrêté vers l'île de Figarola et nous étions dans une attitude silencieuse et attentive. Je pensais au roman fabuleux d'Herman Melville quand il raconte la saga du capitaine Achab qui passait son temps à observer la mer pour voir apparaître la baleine blanche, Moby Dick ! Er voilà, un frémissement dans l'eau et je vois deux dauphins à bec court filer près du canot. Et ensuite, deux autres, et quatre autres toutes les cinq minutes. Un ballet d'une grâce inouïe. Leur présence très fugace entraînait des cris de joie comme si tous les passagers du bateau avaient retrouvé leur esprit d'enfance. Nous sommes restés une bonne heure à les observer et c'était magique. Une accompagnatrice est venue nous exposer avec gentillesse et en français la vie de ces dauphins dans ce golfe d'Aranci. Leur durée de vie atteint les cinquante ans et sont tous badgés pour qu'on les suive dans leurs pérégrinations. Les femelles vivent ensemble et rejoignent seulement les mâles pour être fécondées. Le bateau s'est dirigé vers l'île de Figarola où j'ai aperçu des chèvres sauvages sur les flancs de la falaise. Cette balade a duré deux bonnes heures et nous filions à vive allure pour retourner au port d'Olbia. Après cette sortie en mer, je rêvais encore le soir de ces dauphins si connus dès l'Antiquité dans les fresques romaines et grecques. Les Grecs et les Romains les considéraient comme des gardiens sacrés de la mer et ils les jugeaient intelligents, solidaires, amicaux, sensibles à la musique. Cette sortie "dauphins" symbolise aussi le charme de la Sardaigne et surtout la vocation marine de l'île. Le lendemain matin, avant de rejoindre l'aéroport d'Olbia, je me suis promenée sur une plage déserte et comme j'ai aimé ce paysage serein, tranquille ! La Sardaigne, une île qui ressemble encore à un petit paradis mais il ne faut pas le dire ! 

lundi 3 novembre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 6

 A Alghero, j'ai pris un bateau pour découvrir une grotte très réputée que les guides touristiques recommandent. Je me méfie de ces balades touristiques mais, j'avoue que cette expérience s'est très bien déroulée. Cette grotte, la grotte de Neptune, la Grotta di Nettuno, est un lieu incroyable, façonné par Dame Nature, formée il y a environ 2 000 000 d'années. Le bateau s'est approché de la falaise et c'était déjà magnifique de longer la côte pendant vingt-cinq kilomètres. La grotte a été découverte par un pêcheur local au XVIIIe siècle et son accès est possible par la terre et par la mer. J'ai choisi, évidemment, la facilité en prenant le bateau car il fallait descendre à flanc de falaise les 654 marches (l'Escala del Cabirol) ! Quand je suis sortie du bateau et posé mes pieds dans l'entrée de la grotte, j'ai tout de suite éprouvé un émerveillement inouï devant cette grotte naturelle. Quelques centaines de mètres sont ouverts au public sur les trois kilomètres de longueur. La première salle est formée de colonnes de stalactites et de stalagmites et plus loin, un petit lac, le Lago Lamarmora, diffuse des reflets marmoréens d'où son nom. Nous avancions en file indienne avec prudence à cause de l'humidité du sol. Je pouvais toucher les concrétions calcaires et j'admirais les formes, les couleurs, l'odeur salé de la mer. Ces sculptures fabuleuses m'ont fait vivre une expérience étonnante et je pensais à Jules Verne et à son roman, "Au centre de la terre" ! Je n'avais jamais vu de grotte de cette taille et quand j'ai retrouvé mon bateau pour rejoindre Alghero, j'étais déjà heureuse d'avoir pénétré les entrailles de la terre sur le plan physique même si la visite a duré trente minutes mais ces minutes valaient des heures ! Après cette matinée merveilleuse, j'ai repris la route pour ma dernière étape, Olbia où j'avais réservé un appartement dans un quartier très calme. Comme j'ai eu la chance d'avoir un soleil permanent pendant mon séjour, j'ai découvert une plage de sable fin à Porto Istano où je me suis baignée avec délice. 

samedi 1 novembre 2025

Escapade en Sardaigne du Nord, 5

Avant l'étape d'Alghero, j'ai visité un site nuragique réputé, le Nuraghe di Palmavera, assez bien conservé où l'on penètre dans une salle de réunion, équipée de bancs circulaires. Les vestiges d'une cinquantaine de maisons entourent l'habitation principale. Ce sera mon dernier site nuragique que j'ai quitté avec le sentiment que ces hommes et ces femmes qui vivaient dans ces espaces réduits et austères sont nos ancêtres si proches et si lointains à la fois. Parfois, je me demande quels étaient leur alimentation, leurs vêtements, leur quotidien. Comment se soignaient-ils ? L'âge moyen de vie dans cette péridode historique atteignait la trentaine. Ces Nuraghe à travers la Sardaigne rappellent que les civilisations sont, hélàs, mortelles... J'ai aussi visité à Porto Conte un musée original, celui consacré à Antoine de Saint-Exupéry, un lieu incroyable, installé dans une tour de guet sur le Cap Caccia. L'écrivain a vécu dans cette tour en 1944 avant de sombrer dans la Méditerranée en juillet 44 avec son avion, abattu par un chasseur allemand. Toute une scénographie d'objets, de photos, de textes montre un homme attachant, courageux et authentique. Cet écrivain que j'ai lu dans mon adolescence mérite de ma part un nouveau regard. En sortant de ce musée littéraire étonnant sur la terre sarde, je me suis jurée de relire "Vol de nuit" et "Terre des hommes". J'ai visité ensuite la Casa Gioiosa, une ancienne colonie pénitentiaire dans le parc naturel de Porto Conte. Les prisonniers politiques, enfermés par Mussolini, s'adonnaient à l'agriculture mais les conditions de vie dans les cellules devaient être très dures. Je trouve ces lieux de mémoire trés importants pour ne pas oublier l'histoire souvent tragique d'un pays. Le soir, j'ai rejoint mon hôtel, un ancien monastère en plein centre historique. Le cloître servait d'espace pour le petit-déjeûner du matin. Cette ville possède une particularité linguistique car une partie de ses habitants parle le catalan. On la surnomme la "Barceloneta sarde". Je me suis baladée dans ces rues, sur les remparts dominant la mer et j'ai apprécié la tranquillité du site, une quiétude savoureuse dans une ville vraiment charmante et authentique.