Sandor Marai a vécu à Paris comme correspondant d'un journal dans les années 20 et il voue donc un culte à la littérature française. Ses critiques n'épargnent pas Paul Morand, Montherlant et même Montaigne sans oublier Aragon et Sartre. Par contre, il vénère Stendhal, Proust et Thomas Mann. Son journal raconte sa vie intellecturelle avant tout comme tout écrivain qui voit dans sa langue des racines profondes et essentielles. Dans son Journal, il montre souvent sa passion des livres, de la littérature : "Tout de même, c'est en eux que je puise des forces. Cette pièce avec ses livres, c'est ma patrie... (...) Considérer avec un bonheur reconnaissant ces livres, mes derniers amis". L'écrivain dénonce tous les totalitarismes aussi bien le communisme que le nazisme : "Affronter le fanatisme. Seule arme : ne pas se lasser, argumenter, répondre de façon logique, même quand le fanatisme t'éclabousse la figure de sa bave sifflante". Sa conscience européenne se révèle forte même s'il se laisse souvent submerger par un pessimisme lucide : "Tout est ruines, décombres et cadavres en putréfaction. L'Europe n'existe plus que dans quelques livres comme "Les Buddenbrook" ; dans une fugue de Bach ; sur une toile de Manet ; et dans la mémoire de quelques uns, de moins en moins nombreux". L'écrivain hongrois se sent seul, isolé, incompris comme ses "collègues", Thomas Mann et Stefan Zweig : "Pourquoi je vis dans une forme d'exil intérieur ? Il n'est point de patrie sans liberté intellectuelle". En 1946, il comprend qu'il doit quitter son pays tellement la situation politique bascule, après le nazisme, dans le totalitarisme communiste. La langue hongroise demeure sa seule patrie. Ce journal "patchwork" contient des analyses politiques qui constituent un témoignage historique incontournable. Moraliste, il s'interroge sur la condition humaine et sur l'histoire du XXe siècle. Sandor Marai est aussi un homme éminemment cultivé et un lecteur hors pair. Il définit sa mission d'écrivain ainsi : " Un écrivain ne peut exprimer son mystère le plus personnel, l'essence de son être que si l'époque et le monde qui l'entourent accueillent ce mystère, cette essence. On ne peut pas parler dans le noir et dans un air raréfié". Il n'oublie pas aussi les tracas de son quotidien dans un pays détruit pour se nourrir et pour survivre. A 44 ans, il ne souhaite que poursuivre ce qui fait la trame de sa vie, l'écriture : "J'aimerais vivre encore, j'aimerais écrire la vérité, mais autrement, dans sa totalité ; comme si le souffle du monde devrait donner une fois encore des ailes à mon âme". Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié ce journal littéraire et je m'apprête à lire le tome suivant qui couvre les années 1949-1967. Un écrivain attachant, lucide. Un témoin d'une époque sombre et pas si lointaine que l'on s'imagine.
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
mercredi 26 février 2025
lundi 24 février 2025
"Journal, les années hongroises,1943-1948", Sandor Marai, 1
J'ai choisi le thème des journaux, des autobiographies et des récits de vie pour l'Atelier du jeudi 27 mars. Ma liste de livres concerne donc une littérature du Réel, de la vie sans le filtre de la fiction. J'ai donc lu "Le Journal, les années hongroises, 1943-1948", de Sandor Marai, paru chez Albin Michel en 2019. Je connaissais quelques romans de cet écrivain hongrois que l'on compare parfois à Stefan Zweig. Né en 1900 à Kassa, il est mort à San Diego, aux Etats-Unis en 1989. Journaliste, poète, auteur dramatique, il connaît le succès très tôt avec "Le Premier Amour" en 1928, "Les Révoltés", "L'Etrangère", "Les Confessions d'un Bourgeois" et tant d'autres. Il est le premier à découvrir Kafka qu'il traduit en hongrois. Sandor Marai et sa femme perdent leur fils après sa naissance et ils adopteront un garçon, Janos. Il observe avec inquiétude la montée des régimes totalitaires dans ces années 30. Antifasciste déclaré, il se situe du côté démocrate et il doit fuir Budapest à cause de l'invasion de son pays par les Allemands en 1944. Il commence son journal intime en 1943 et le tiendra jusqu'à sa mort. Témoin de son temps, l'écrivain décrit avec précision les événements de son pays dans cette époque trouble et opaque. Son regard profondèment humaniste sur le sort des Juifs de Budapest montre l'horreur du nazisme. Sa femme, Lola, était d'origine juive et ils se sont installés dans un village pour fuir les rafles en ville. Il est horrifié par l'antisémitisme meurtrier des Hongrois eux-mêmes, proches des Allemands. Il évoque les pillages des magasins, des logements et observe les déportations en masse des Juifs hongrois. L'Histoire avec un grand H imprègne toutes les pages de son Journal. A côté de ce présent angoissant et poignant, la littérature tient aussi un rôle majeur. Il aime André Gide, Anatole France, Rilke, Goethe, Mauriac et il cite même Virginia Woolf et son roman les "Années" : "Quelle force silencieuse et grave à chaque ligne". Sa vie intime apparaît dans son texte : son entourage immédiat, sa propre santé en particulier souvent évoquée. Il partage avec Stefan Zweig, le même sentiment nostalgique d'un monde perdu, l'Europe : "Même si je survis, jamais plus je ne reverrai l'Europe que j'ai connue. Quand tout sera terminé, nous serons des sages, des carreaux brisés dans les mains, comme Job sur son tas de cendres". Il rappelle souvent les raisons de ce journal : "Tant que je vivrai, je devrai travailler, observer la vie, les hommes, les phénomènes du monde, tout ce qui est complexe et incompréhensible".
vendredi 21 février 2025
"De nos blessures, un royaume", Gaelle Josse
Le dernier roman de Gaelle Josse est sorti en janvier dernier : "De nos blessures, un royaume", paru chez Buchet-Chastel. Dès la première page, l'écrivaine au style si délicat, raconte l'histoire d'une blessure inguérissable. Agnès, danseuse professionnelle, a monté un spectacle avec sa troupe. Dès qu'elle termine sa tournée, elle quitte tout pour entamer un voyage-thérapie. Cette jeune femme a perdu son compagnon, Guillaume, et cette perte la hante à tout instant. Elle saisit son vieux sac à dos pour un périple en autocar qui va la mener de Nice à Zagreb, mille kilomètres à parcourir. Elle emporte avec elle le livre de chevet de son compagnon, "Eden, lettres à ma fille" de Julien Lancelle. Guillaume était un contemplatif "posé, ancré" et terrien, le contraire d'Agnès, bondissante et aérienne, faite "de feu et de vent". Dans ce voyage à étapes, elle revoit les lieux qu'ils ont aimés : de Milan pour un tableau du Caravage jusqu'à Mantoue où elle admire "La Chambre des Epoux", de Trieste où elle monte à Opicina à la frontière slovène à Zagreb, étape finale de son trajet. Les souvenirs affluent au même rythme que ses cheminements géographiques : "Des détours et des étapes, des hésitations, des repentirs, des visages, des rencontres, ou des possibilités de rencontres avec des moments pour revoir des choses aimées, des moments pour se découvrir, un voyage comme une promesse" . Gaelle Josse intègre aussi le livre de Julien Lancelle, une histoire d'un père aimant et de sa fille "différente" à qui il sacrifie sa propre vie. Agnès relate les impressions de son voyage avec des compagnons de fortune et quand elle arrive à Zagreb, elle accomplit le geste final : remettre le livre de chevet sur un autel du souvenir à Zagreb. Elle écrit : "Je me dis que les souvenirs, c'est un peu comme ce papillon qui ressemble à une petite feuille sèche, invisible sur le sol, le bois, la pierre". Evidemment, Gaelle Josse a inventé l'écrivain fétiche de Guillaume et son "Eden". Les deux textes s'entrelacent avec un charme certain et se répondent. L'écrivaine évite le pathos et le "feel good" dans ce texte de deuil où l'espoir d'une vie "bonne" demeure un "royaume" à sauver. Une écriture subtile, délicate, une histoire de rédemption pour Agnès et pour Julien, un peu de tendresse dans ce monde de fous...
Rubrique Cinéma : "Prima la Vita", Francesca Comencini
Francesca Comencini a réalisé un film intimiste et attachant sur son père, Luigi Comencini, dans "Prima la vita". Son père, décédé en 2007, était un immense cinéaste italien aux quarante films dont "Pain, amour et fantaisie", "L'argent de la vieille" ou "Les aventures de Pinocchio". Cette fiction biographique raconte l'enfance enchantée de la petite fille dans le monde fascinant du cinéma de cette époque. L'univers magique des tournages avec des scènes cocasses montre la complicité profonde entre un père adorable et une petite fille espiègle et énergique. Il intervient dans l'école de sa fille quand elle lui avoue que la maîtresse se moque d'un élève. Mais, la vie avance et l'enfance s'éloigne, la magie aussi. Francesca traverse l'adolescence et la jeunesse avec beaucoup plus de difficultés. L'Italie plonge dans les années de plomb et Francesca se rebelle contre l'ordre bourgeois incarné par son père. A la mort d'Aldo Moro, les étudiants applaudissent cet assassinat... La jeune étudiante sombre aussi dans la drogue. Son père réagit et quitte Rome pour Paris. Il veut la sauver de cette addiction mortifère. Leur relation se tend, se trouble. Luigi se bat pour la maintenir en vie et vient le moment où le sevrage fait son effet. Le troisième volet du film évoque l'âge adulte de Francesca, son apaisement et sa renaissance. Son père devient de plus en plus malade et leur relation s'inverse. C'est elle qui le soutient dans une relation inversée. La réalisatrice a choisi la relation unique entre son père et sa fille sans mentionner la présence de sa mère et de ses trois soeurs. Elle rend un hommage passionnant à un père fabuleux et aussi au cinéma. J'ai vraiment retrouvé le charme de l'Italie à travers ce film original. Des images de Rome, de Naples, les années 70, les couleurs, les rues, le brouhaha, la langue italienne si musicale. Un beau film à voir par tous ceux et celles qui aiment l'Italie. Des retrouvailles heureuses. Et une envie de partir dans ce pays magnifique.
mercredi 19 février 2025
Atelier Littérature, les coups de coeur, 2
Danièle a présenté "Des diables et des saints" de Jean-Baptiste Andrea, publié en 2022 dans le Livre de Poche. Ce beau roman sur l'enfance raconte l'histoire d'un orphelin. Un vieil homme joue du Beethoven sur les pianos publics dans les gares ou dans les aéroports. Il s'appelle Joe et il gâche son talent de concertiste dans ces espaces anonymes. Pourquoi ce destin ? Alors qu'il avait 16 ans, il perd sa famille dans un accident d'avion. Il est envoyé dans un pensionnat des Pyrénées où il va vivre un enfer de maltraitance, de corvées, de violences. Heureusement, il rencontre Rose, une jeune fille de son âge qui va le sauver. Danièle nous a informé qu'un de ses amis, Gérard Ponson, était à l'origine de cette histoire. L'orphelinat en question se situait en Savoie et un documentaire relate ce fait de société, "Les oubliés de la belle étoile". Un roman moins connu à découvrir de Jean-Baptiste Andrea, lauréat du prix Goncourt en 2023. Danièle a aussi évoqué un ouvrage de Thomas Clerc, "¨Paris, musée du XXIe siècle, le 18 arrondissement". Comme elle a vécu dans ce quartier, elle a retrouvé l'ambiance de son "Paris". Pascale a choisi son grand coup de coeur : le troisième volet de la trilogie du "Pays des autres", "J'emporterai le feu", paru chez Gallimard. Enfants de la troisième génération de la famille Belhaj, Mia et Inès sont nées dans les années 80. Elles cherchent à être libres chacune à sa façon, "dans l'exil ou dans la solitude". Il leur faudra affronter les préjugés, les malentendus et les nouveaux codes. Cette fresque familiale a déjà conquis un large public qui avait hâte de connaître ce troisième volet. Régine a présenté un roman original, "La pierre et l'ombre" de l'écrivain turc, Burhan Sonmez, paru chez Gallimard en 2023. Avdo, maître marbrier et gardien de cimetière, a vécu "mille vies" avant de s'installer à Istanbul. Il cherche la paix, mais, il n'imaginait pas que son passé reviendrait le hanter. Il aperçoit une jeune femme dans le cimetière que la police pourchasse. Qui est cette mystérieuse Reyhan ? L'écrivain brosse un portrait sans concession de la Turquie du siècle dernier. Une mosaïque historique complexe qui interroge les thèmes de la mémoire et de l'identité. Régine met à l'honneur un auteur peu connu du grand public et qui mérite amplement d'étre découvert. Très bonne récolte des coups de coeur dans l'Atelier de février. J'attends la même cueillette fructueuse en mars !
mardi 18 février 2025
Atelier Littérature, les coups de coeur, 1
Après la littérature irlandaise d'une vigueur certaine, nous avons évoqué les coups de coeur. Annette a présenté son coup de foudre comme elle l'a dit, "Le Rêve du jaguar", de Miguel Bonnefoy, paru chez Rivages en 2024. Au Venezuela, le petit Antonio, orphelin, recueilli par une mendiante de Maracaibo, va connaître un destin extraordinaire. De vendeur de cigarettes à domestique dans une maison close, son énergie bouillonnante le sort de sa condition et il devient l'un des plus illustres chirurgiens du pays. Sa femme, Ana Maria, médecin elle-même, donnera naissance à une petite fille, Venezuela. Celle-ci, devenue adulte ne rêve que de Paris. Cette saga familiale, chatoyante et fantasque, aux personnages vibrants de vie, rappelle le monde de Gabriel Garcia Marquez et son "Cent ans de solitude". Ce roman a cumulé deux prix littéraires : le Femina et celui de l'Académie française. Agnès a choisi "La gosse" de la journaliste, Nadia Daam, paru chez Grasset. Une mère raconte sa relation avec sa fille de 18 ans. Elle pensait que ce serait plus facile d'élèver une fille qu'un garçon, mais elle ressent une peur pour sa fille "qui devient une femme de tous les désastres liés à son genre". La "Gosse" en question prend son envol même si sa mère craint le pire pour elle. Cette chronique "mono-parentale" sur l'adolescence et ses dangers a beaucoup intéressé Agnès. Geneviève poursuit sa lecture passionnante des "Rougon-Macquart" qui constitue son grand coup de coeur du moment. Odile a beaucoup apprécié un roman écrit par une écrivaine chambérienne, Marjorie Tixier, et son "Pays blanc". Ce pays blanc se nomme Pologne et en 1926, Helena quitte ce pays qu'elle aime tant pour un exil sans retour avec son nourrisson "illégitime". La France les accueille. En 2022, à Paris, Thomas, artiste peintre, ne sait rien de ses ancêtres et sa mère reste mutique. Il retourne en Pologne pour, enfin, découvrir ses racines familiales. Un roman sur quatre générations à découvrir sans tarder. Odile et Janelou ont présenté le même coup de coeur, fait assez rare dans l'Atelier. Il s'agit "Les Ames féroces" de Marie Vingtras, publié chez L'Olivier. Léo, une jeune fille, a disparu et le shérif Lauren Hobler découvre son corps au milieu des iris sauvages. L'enquête demarre et plusieurs points de vue composent ce texte-enquête d'une grande ampleur romanesque. L'histoire se déroule dans une petite ville américaine et l'écrivaine traque "la part d'ombre de chacun". Nos deux amies lectrices nous ont donné envie de lire cerre nouveauté de l'année dernière, le deuxième roman de Marie Vingtras après "Le Blizzard".
lundi 17 février 2025
Atelier Littérature, 2
Odile a choisi "Un peu de bleu dans le ciel" de Maggie O'Farrell, publié en 2018. Elle a lu ce roman presque par devoir sans être vraiment "emballée" par l'histoire. Daniel Sullivan, professeur d'université, vit en Irlande depuis longtemps. Il est marié et père de deux enfants. Comme il n'a pas vu son père depuis longtemps qui vit en Amérique, il décide de le revoir. Dans la voiture vers l'aéroport, il apprend que Nicola, son premier amour, est morte. A partir de cet événement, une cascade de souvenirs se déverse dans sa tête. L'écrivaine irlandaise, Maggie O'Farrell, n'a pas totalement réussi à convaincre Odile. Dommage. Geneviève et Agnès ont découvert le même roman, "Cet été là" de William Trevor. Encore une déception pour nos deux lectrices qui se sont ennuyées au cours de leur lecture. Pourtant, la critique littéraire avait conseillé ce roman. Dans les années 50, Florian, jeune photographe, tombe amoureux d'une femme du village. Elle croit qu'elle va vivre une belle histoire. Mais, le jeune Florian ne songe qu'à son projet : quitter l'Irlande. On a comparé William Trevor à Tchekhov et à Katherine Mansfield. Régine a présenté le roman de Colm Toibin, "Nora Webster", paru en 2016. J'ai déjà parlé de ce beau roman psychologique sur le destin d'une femme entravée par la tradition familiale et qui, à la mort de son mari, s'assume et se libère hors du carcan social. Un portrait sensible d'une femme des années 60, tout en douceur et en délicatesse. Régine n'a pas été totalement séduite par Nora dans sa quête de liberté. Janelou a découvert et apprécié un roman biographique, "Le Magicien", de ce même écrivain, Colm Toibin. Ce portrait de Thomas Mann permet de connaître ce grand écrivain allemand dans toutes les facettes de sa vie, aussi bien publique que privée. Véronique m'a envoyé un message pour évoquer le roman de Dermot Bolger, "Une seconde vie", paru en 2012. Elle a eu "du mal" à rentrer mais finalement c'est un beau livre". Mylène, étant absente, a choisi un roman hors de la liste. Il s'agit du "Le chant du Prophète" de Paul Lynch. Ce livre l'a bouleversée et je recopie sa critique enthousiaste : "Une dystopie. La République d'Irlande sombre dans un régime totalitaire. Nous suivons cette descente aux enfers dans l'horreur absolue à travers Eilish, mère de quatre enfants et épouse d'un enseignant syndicaliste". Mylène a vraiment apprécié ce roman : "Thème, construction du roman et l'écriture qui nous met la fièvre dans le corps et dans l'esprit". Un hommage certain pour cette nouveauté de l'année. Paul Lynch semble décrocher la palme d'or de l'atelier Littérature. A découvrir sans tarder. On en reparlera en mars.
vendredi 14 février 2025
Atelier Littérature, 1
Jeudi après-midi, nous étions une dizaine de lectrices à la Base pour évoquer quelques romans irlandais et quelques coups de coeur dans une bonne ambiance conviviale. La première partie était consacrée à la littérature irlandaise et Pascale a démarré la séquence avec un choix personnel mais très conforme au thème du jour. Elle a présenté un premier roman venu d'Irlande de Michael Magee, "Retour à Belfast", publié chez Albin Michel en 2024. Ce livre coup de poing raconte l'histoire de Sean Maguire, étudiant à Liverpool. Il revient donc à Belfast parmi les siens, dans un quartier ouvrier où il a grandi. Après les années de conflit entre catholiques et protestants, la prospérité se fait attendre. Le jeune homme est vite rattrapé par ses vieilles habitudes : alcool, coke, argent emprunté, travail précaire comme serveur. Sa descente aux enfers va mal se terminer. Michael Magee parle de masculinité "toxique", de déterminisme social et de secrets de famille. Un roman poignant sur l'Irlande du Nord. Un premier roman, un premier coup de maître. Danièle a choisi et a beaucoup apprécié "Normal People" de Sally Rooney, l'écrivaine phénomène du pays et mondialement connue. Connell et Marianne ont grandi dans la même ville irlandaise dans deux familles différentes. Le garçon d'origine très modeste, est sportif, sociable, très en vue dans son lycée. La fille, par contre, montre un caractère un peu particulier. Elle a grandi dans le milieu huppé de la ville. De très bons élèves. Ils tombent amoureux mais leur relation va vivre des soubresauts. Ce roman sur la jeunesse, l'amitié et l'amour se lit avec plaisir, servi par un style concret, efficace et très contemporain. Sally Rooney cumule les succès éditoriaux avec son dernier roman, "Intermezzo". Odile et Annette ont lu "La neige noire" de Paul Lynch et malgré la "noirceur" du roman, elles ont bien aimé l'atmosphère pourtant éprouvante de ce texte. Un émigré irlandais revient au pays après quelques années passées en Amérique. Il achète une ferme et s'y installe avec sa famille. Mais, un incendie ravage son étable et l'empêche de vivre son nouveau départ. La communauté villageoise lui complique son retour au pays. Annette a déconseillé ce livre si le "moral est chancelant". Mais, nous allons le lire quand même. Un roman puissant, âpre, rude comme les paysages de son pays natal. Un écrivain à découvrir. Geneviève avait déjà évoqué son roman, "Grace" qui l'avait beaucoup frappée par sa beauté. (La suite, lundi)
mercredi 12 février 2025
Rubique cinéma : "Maria" de Pablo Larrain
Le réalisateur chilien, Pablo Larrain, raconte dans son film, "Maria", les derniers moments de la vie de Maria Callas, la diva de l'art lyrique la plus célèbre de la planète ! Elle s'appelait Maria Anna Cecilia Sofia Kaligeropoulos, née à New York en 1923. Son enfance malheureuse en Amérique. Son retour en Grèce avec sa mère et sa soeur en 1937. Ses débuts de chanteuse sous l'Occupation italo-allemande. Un chef d'orchestre la met sur le devant de la scène en Italie et sa carrière démarre sur un rythme infernal. Dans sa vie privée, sa relation la plus marquante avec le milliardaire Onassis qui la quittera pour Jacqueline Kennedy. Elle commence à perdre sa voix et met fin à sa carrière en 1965. Le film montre la diva à ce moment crépusculaire de sa vie à Paris dans un appartement de luxe. Son majordome et sa cuisinière la protègent avec amour et respect malgré le caractère tyrannique de leur maîtresse. Recluse et malade, droguée par des médicaments, elle tente avec désespoir de récupérer sa voix à l'aide d'un pianiste dans un théâtre fantôme. Cette voix magique, magnifique qu'elle a perdue à tout jamais. Des scènes de son passé aussi bien difficiles que flamboyantes surgissent sur l'écran avec des déambulations dans un Paris de rêve du côté du Trocadero et du Palais royal. Un journaliste la contacte pour réaliser un documentaire sur sa vie et elle apprécie ce regain d'intérêt à son égard. Evidemment, dans les scènes du passé, Maria Callas interprète ses grands rôles dans Norma, La Traviata, Les Puritains, etc. Dans tous ces décors luxueux, la cantatrice, jouée par Angelina Jolie, perclue dans le deuil de sa voix, déesse déchue de la scène lyrique, femme abandonnée par son compagnon milliardaire, meurt de solitude et de rancoeur. Ses domestiques la découvrent sur le sol du salon : son coeur a lâché. Elle n'avait que 53 ans ! Ce film déroutant sur une icône du XXe siècle se laisse regarder avec plaisir à condition d'aimer évidemment le monde de l'opéra.
mardi 11 février 2025
"Pâques Sanglantes", Iris Murdoch
Dans ma liste sur la littérature irlandaise, j'ai intégré l'écrivaine, Iris Murdoch, née à Dublin en 1919 et morte en 1999. Je l'avais un peu oubliée, cette grande écrivaine, que j'ai beaucoup lue dans les années 70. J'ai vu qu'elle était programmée dans l'émission de France Culture, "Avec philosophie". Cette renaissance m'a agréablement étonnée et j'ai eu envie de relire ses oeuvres. J'ai donc découvert "Pâques sanglantes", publié en 1989. Ce titre explicite rappelle l'insurrection de Pâques en 1916, menée par des Irlandais nationalistes, les Irish Volunteers, dans la ville de Dublin contre le gouvernement britannique. Le personnage principal, le jeune anglo-irlandais Andrew Chase-White, a passé plusieurs années en Angleterre et revient en Irlande, le pays natal de sa mère, alors que la guerre de 14 fait rage en Europe. Il est en permission avant de repartir sur le front. Il veut se marier avec sa meilleure amie d'enfance, Frances Bellman. Mais, il n'ose pas la demander en mariage : "La peur le poussait à s'approcher le plus possible de l'objet de ses terreurs". Dans le cercle de famille d'Andrew, Millicent, sa très belle tante, est courtisée par Christopher Bellmann, le père de Frances. Millie, une femme libre et sensuelle, ne vit que pour séduire les hommes. Deux frères, Pat et Cathal, se préoccupent de leur pays et de sa libération, "le but même de leur existence". Entre Andrew, l'Anglais, le traître, et Pat, le véritable Irlandais, cousins ennemis, rien ne va plus. En quelques jours, le drame historique et les querelles familiales se préparent jusqu'à l'issue finale. Millie, la tante des deux cousins, joue un rôle majeur dans le roman car elle cache les armes de Pat dont elle est amoureuse. Quand elle apprend qu'Andrew a été rejetté par sa fiancée supposée, elle initie le jeune homme à l'amour. Ce personnage pertubateur fascine littéralement tous les hommes de la famille dont un oncle, fou amoureux d'elle. A travers les deux cousins, Iris Murdoch analyse les rapports des deux pays, si proches et si lointains. Andrew avoue ne rien comprendre : "Je ne comprends rien de ces histoires de domination. Personne ne juge les Irlandais inférieurs". Ces six jours de soulèvement préfigurent la naissance de la République irlandaise et surtout la guerre civile qui s'ensuivit. Comme dans les romans de l'écrivaine, la psychologie l'emporte sur l'action et chaque personnage est ciselé par le style inimitable de la grande écrivaine anglo-irlandaise. Un roman étonnant, dense, complexe à découvrir par curiosité.
lundi 10 février 2025
"Nora Webster", Colm Toibin
Décidément, l'écrivain irlandais, Colm Toibin, est devenu ma coqueluche de l'année dernière après avoir lu trois de ses romans : "Brooklyn", "Long Island" et "Le Maître". J'ai découvert récemment "Nora Webster", paru en 2014 chez Robert Laffont. J'ai retrouvé la même ambiance feutrée, simple et authentique de l'univers de cet écrivain si subtil. Nora Webster, au fil des années 60, perd son mari et élèves ses quatre enfants, deux grande filles et deux petits garçons. Cette mère-courage cache son chagrin à sa famille et commence à prendre des décisions qui la surprennent elle-même tellement elle était peu habituée à se prendre en charge. Elle vend sa maison de vacances sur la côte pour survivre financièrement. Premier acte de liberté dans sa vie. Nora accepte d'occuper un emploi de secrétaire et malgré une collègue qui la déteste, elle s'impose et se fait respecter. Deuxième acte de liberté. Nora a toujours aimé chanter. Elle achète une chaîne stéréo et des disques pour écouter de la musique qui lui procure beaucoup d'émotion. Une professeur de piano lui propose une formation de chant et cette activité artistique lui permettra d'intégrer une très bonne chorale. Troisième acte de liberté. Malgré les soucis familiaux entre ses deux filles qui deviennent adultes et les deux petits garçons qui grandissent, la vie quotidienne de Nora s'organise avec un sentiment de liberté tout nouveau pour elle. Elle accepte aussi de partir en vacances en Espagne alors qu'elle n'avait jamais pris l'avion. Toutes ces petites victoires dans une société irlandaise en pleine mutation lui redonnent confiance et force en elle. Elle ose aussi s'affranchir des regards critiques de sa communaute villageoise. Quatrième acte de liberté. En petites touches délicates et essentielles, Colm Toibin déclarait dans un entretien : "Les phrases porteuses d'informations ne m'intéressent pas. Ce sont celles qui renferment de l'émotion qui m'intéressent. Plutôt que de raconter une histoire, je cherche à heurter le système nerveux émotionnel du lecteur à travers le rythme. Il faut contenir l'émotion, la relâcher, la contenir, la relâcher". Nora Webster, Eylis de Brooklyn, deux héroïnes effacées et timides, d'une délicatesse infinie, choisissent leur destin malgré le poids des traditions et les contraintes familiales. Un manifeste pour la liberté des femmes écrit par un écrivain masculin... C'est très rassurant.
vendredi 7 février 2025
"La mer", John Banville
L'Atelier Littérature de février va explorer le charme particulier de la littérature irlandaise, imprégnée du sel de la mer et de tempêtes marines. J'ai découvert l'écrivain irlandais, John Banville, avec son roman, "La Mer", paru en 2007 chez Robert Laffont. Le narrateur, Max Morden, vient de perdre sa femme, Anna, terrassée par un cancer. Devenu veuf, il retourne dans la petite station balnéaire de Ballyless où il a vécu dans sa jeunesse, cinquante ans plus tôt. Claire, sa fille unique, le tient à distance. Ce retour sur ce lieu de vacances devrait lui apporter l'oubli et une consolation tellement son chagrin le met dans un état gravement dépressif. Il s'installe dans une pension où il retrouve une ancienne amie d'enfance, gérante de l'hôtel. Il boit un peu trop et consacre son temps à l'écriture d'un livre sur le peintre Bonnard. Le passé le rattrape quand il se remémore un drame qu'il a vécu dans cette ville de bord de mer. John Banville écrit : "Le passé cogne en moi comme un second coeur". Cette notion du temps traverse le narrateur : "A la vérité, tout commence à se confondre, le passé, l'avenir possible et l'impossible présent". Quand il était un jeune garçon, il était fasciné par une riche famille bourgeoise, les Grace, qui prenaient leurs vacances dans la villa des Cèdres : Constance, la mère séductrice, Carlo, un père autoritaire, Rose, la gouvernante sans oublier le duo de choc formé par les jumeaux, l'excentrique Chloé et le mutique Myles. Il se souvient de Chloé, son premier amour, une jeune adolescente étrange et insaisissable. Max les voyait comme des dieux tombés du ciel. Dans ces souvenirs teintés de nostalgie, un drame incompréhensible surgit dans ce panorama de vacances sensé se dérouler dans un bonheur estival parfait. Les jumeaux unis dans la vie s'éloignent dans la mer jusqu'à la mort par noyade. Le narrateur, malgré les cinquante ans passés, s'interroge sur cet acte mystérieux et incompréhensible. Tel à l'incessant ballet de la mer, le flux et le reflux des souvenirs envahissent le présent du narrateur. Ce drame qu'il a vécu a-t-il influencé sa vie d'adulte ? Ce beau roman, parfois dérourant, évoque la perte et le pouvoir de la mémoire et aussi de l'oubli. John Banville, un écrivain proustien, évidemment. A découvrir.
mercredi 5 février 2025
Ma cabane à livres d'Aix-les-Bains
Lundi dernier, je me suis baladée comme je le fais régulièrement, au bord du lac. Lors de ma marche bénéfique, je m'arrête devant les cabanes à livres que j'aime bien fouiller. Quand je me suis approchée de la cabane du Jardin vagabond à Aix-les-Bains, j'étais ébahie : devant mes yeux, un amas de ferraille et de livres carbonisés ! Depuis quelques années, je me réjouis de voir ces boîtes à livres où chacun peut déposer des romans, des essais, des documentaires dans un méli-mélo sympathique. Parfois, je trouve des vieux poches, lus dans ma jeunesse ou même des nouveautés. Quels sont donc ces crétins qui ont mis le feu à cette cabane que j'avais prise en photo tellement elle était originale, s'intégrant dans cet espace vert protégé ? Quels sont ces idiots qui n'aiment pas les livres ? Quels sont les mobiles de ces antisociaux ? Mais, pourquoi s'attaquer à cet objet paisible qui ne gêne personne, un abri pour les livres qui n'ont aucune valeur marchande ? Je n'arrive pas à comprendre ces actes gratuits d'incivilité. Des livres dans un jardin public, de la culture en pleine nature, un acquis merveilleux de notre art de vivre. Des questions sans réponses. En juin 2023, des émeutiers ont brûlé quelques médiathèques et des écoles. S'attaquer au savoir, à la connaissance, aux "Lumières" relève d'un comportement inquiétant. Une partie de notre jeunesse semble partir en vrille en laissant leurs pulsions agressives prendre le dessus. Aucun surmoi pour ces jeunes, dépourvus de morale et d'idéal. Je rêve qu'ils approchent ces cabanes à livres et au lieu de prendre une allumette pour flamber ce nid où quelques livres sommeillent, un des protagonistes saisit un de ces beaux objets en papier et il se met à le lire. C'est un essai de Pascal Quignard. Il le feuillete et tombe sur cette citation : "L'humanité doit plus à la lecture qu'aux armes". Alors, ce garçon à la tête en jachère, choisit ce camp, le camp de la culture. Plus jamais de cabanes brûlées pour ne jamais revivre aussi ces autodafés des temps passés dont celui de Berlin. J'étais très émue devant ce mémorial de l'autodafé, appelé "La Bibliothèque engloutie", un monument du sculpteur israélien, Micha Ullman, inaugurée en 1995 et dédiée au souvenir des autodafés de livres perpétrés à Berlin en mai 1933. Cette oeuvre se situe sous le sol de la Bebelplatz. Plus de 20 000 livres ont été brûlés symbolisant pour les nazis, "l'esprit non allemand". La mairie d'Aix-les-Bains va-t-elle réintégrer une nouvelle cabine à livres dans le Jardin vagabond ? A surveiller.
mardi 4 février 2025
"Madame Bovary", Gustave Flaubert, 2
Le sentimentalisme exarcerbé d'Emma Bovary lasse ses conquêtes masculines. Ses achats compulsifs d'étoffes et de colifichets la mettent en danger car le commerçant lui fait crédit et la menace de saisir ses biens. Tout s'effondre pour elle : "Le lendemain fut pour Emma, une journée funèbre. Tout lui parut enveloppé par une atmosphère noire qui flottait confusément sur l'extérieur des choses, et le chagrin s'engouffrait dans son âme avec des hurlements doux, comme fait le vent d'hiver dans les châteaux abandonnés". Acculée à rembourser ses dettes, Emma comprend qu'elle ne peut plus faire face. Elle s'empoisonne par désespoir. Charles Bovary meurt de chagrin et la petite Berthe est confiée à une tante. Gustave Flaubert a élaboré avec ce personnage féminin le concept de "bovarysme", passé dans le langage courant. Ce sentiment d'insastifaction, de frustation procure une souffrance "psychique" chez l'héroïne qui désire une vie de passion, alimentée par les effets des lectures romantiques. Elle bute contre un réel qui la blesse sans cesse. Je pense à Clément Rosset et à sa théorie sur "Le réel et son double". J'aurais aimé que ce philosophe analyse le roman de Gustave Flaubert. Quand la réalité ne nous convient pas, chacun s'engouffre dans un double, un ailleurs et Emma se noie dans une idée du "grand amour" qu'aucun partenaire ne lui offre sauf son propre mari, Charles, le seul qui l'a véritablement aimée mais qu'elle néglige et méprise. Gustave Flaubert dénonce évidemment cette attitude mais il aime aussi cette femme quand il a déclaré : "Madame Bovary, c'est moi ! ". Le roman dans son ensemble décrypte aussi la "bêtise" : celle du pharmacien Homais, infatué de sa personne. Les amants d'Emma, Rodolphe et Léon, sont pétris d'égoïsme et de lâcheté. Ce classique intemporel demeure un puissant réquisitoire contre la médiocrité intellectuelle, le conformisme social, les illusions lyriques, la bêtise humaine. L'écrivain a subi un procès pour outrage à la morale et aux bonnes moeurs. Le roman, sous-titré, "Moeurs de province" en hommage à Honoré de Balzac, est inspiré d'un fait divers local, l'histoire d'une jeune épouse d'un officier de santé qui mourut à 26 ans. Et le style de Flaubert, un sommet de la langue française !
lundi 3 février 2025
"Madame Bovary", Gustave Flaubert, 1
Comme je le dis souvent dans ce blog, je retrouve le chemin des classiques avec délectation. Je redécouvre ainsi mes grands écrivains qui m'ont fait aimer la littérature : Flaubert, Stendhal, Balzac et Proust pour citer mes préférés. Le roman de Flaubert, "Madame Bovary", paru en 1857, se savoure avec plus d'intensité après une deuxième lecture. Emma représentait, à mes yeux, le modèle des femmes insastifaites, frustrées, déçues par la goujaterie de leurs amants. Je la trouvais un peu "idiote" de se laisser berner aussi facilement. Aujourd'hui, je la comprends mieux dans son désir d'être heureuse. Son balourd de Charles devient éperdument amoureux d'elle quand il la voit pour la première fois chez le père Rouault. Comme elle s'ennuie dans la ferme familiale, elle accepte de le revoir et finit par se marier avec ce médecin de campagne, loin d'être séduisant. Quand elle rêve de son mariage, elle pense à une cérémonie aux chandelles vers minuit. Evidemment, Charles ne comprend rien aux rêves de princesse de sa femme. Le poison du romantisme s'infiltre dans ses veines car, dans ses jeunes années adolescentes, elle lisait des romans à l'eau de rose où les princesses et les chevaliers peuplaient son imagination : "Elle était l'amoureuse de tous les romans, l'héroïne de tous les drames". La lecture peut aussi jouer un rôle déformant comme le Don Quichotte avalant des romans de chevalerie et se transformant en héros factice devant les moulins à vent. Charles constate que son épouse souffre des "nerfs". A cette époque, le mot dépression ne faisait pas partie du vocabulaire flaubertien. Il reçoit une invitation du marquis d'Andervilliers pour assister à un bal. Emma en sort éblouie par ce monde tellement différent du sien. Charles décide alors de quitter son bourg trop campagnard pour Yonville, une petite ville plus animée. Apparaissent dans le roman des personnage secondaires, hauts en couleurs, dont le stupide Homais, pharmacien herboriste, progressiste et voltairien, le notable de province par excellence qui sait tout sur tout. Emma donne naissance à sa fille, Berthe, mais elle est déçue car elle voulait un garçon. Le réel la contrarie constamment : elle n'éprouve rien pour son mari, ni pour sa fille qu'elle confie à une nourrice. Comme elle veut vivre avec passion, elle se lance dans une aventure amoureuse avec Rodolphe, un hobereau sans foi ni loi qui se moque de cette pauvre Emma, rêvant de fuir sa famille et son milieu petit-bourgeois. Elle se disait : "J'ai un amant, un amant ! Se délectant à cette idée comme à celle d'une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc possèder enfin ces joies de l'amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré". Emma Bovary ou les "Illusions perdues". Gustave Flaubert avait lu et bien lu Balzac ! (La suite, demain)