Avant de visiter Matera, je me suis arrêtée à Metapunto au bord de la mer Ionienne dans la région du Basilicate. Un temple grec du Ve siècle av. J.-C. se dresse dans un champ isolé qu'aucun touriste ne semble bien connaître. Les quinze colonnes doriques de ce temple donnent une idée de la richesse économique et culturelle de la région dans les siècles avant l'époque romaine. Dédiée à la déesse Héra, il mesure 34 mètres de long sur 34 mètres de large. J'ai appris dans le guide du Routard que Pythagore, le célèbre mathématicien grec, a séjourné dans ce site. La solitude du lieu apporte un supplément d'âme et j'admirais ces colonnes qui ont traversé les siècles. Je ressentais un sentiment d'appartenance à la culture européenne qui prend sa source première dans la Grèce antique. A quelques centaines de mètres de ce temple en bon état, j'ai visité aussi le parc archéologique où demeurent encore quelques ruines de temples sans colonnes, un théâtre et des murets d'habitations. Au loin, une colonie d'aigrettes occupaient le lieu et je les observais avec curiosité. Je partageais avec elles seules ce lieu étrange et abandonné. Le musée attenant était fermé pour travaux de rénovation. Cette étape archéologique m'a permis de voir un site très peu connu. Je voulais surtout voir Matera, cette ville maudite selon Carlo Levi, un écrivain italien dénonçant l'extrême pauvreté des habitants dans le roman, "Le Christ s'est arrêté à Eboli" dans les années 50. Qualifiée de "honte nationale", elle s'est transformée en haut lieu du tourisme mondial. Les habitations troglodytes ne sont plus des maisons insalubres. Dans le passé, ces grottes abritaient dix à douze personnes avec les animaux domestiques. Ces quartiers, les sassi, ont été abandonnés puis réhabilités. 4 000 personnes vivent aujourd'hui dans ces habitats, inscrits dans le patrimoine de l'UNESCO. J'ai déambulé dans ce labyrinthe avec, hélàs, beaucoup, beaucoup de touristes comme moi. La beauté minérale de la ville saute aux yeux. Comme dans toutes les villes italiennes, j'ai visité des églises et le musée archéologique national, Domenico Ridola. Mais, il faut une sacrée santé pour arpenter Matera, composée de collines, de rues en pente, de ruelles, d'escaliers. Heureusement, des belvèdères permettent de tres belles vues sur la ville. Je garderai dans ma mémoire voyageuse des images fortes dont celle des églises rupestres, encastrées dans la roche. Un peintre pointilliste pourrait se saisir de ce paysage urbain, unique au monde.
des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
mardi 29 octobre 2024
lundi 28 octobre 2024
Escapade dans les Pouilles, Tarente
Après Lecce, élégante et raffinée, je suis partie à Tarente, une ville importante avec ses 190 000 habitants. L'antique cité de Taras, colonie grecque, a été fondée par des exilés spartiates ! Sa position stratégique lui permet d'abriter un port, un arsenal militaire et un complexe industriel. J'ai loué des chambres d'hôte dans un appartement sur la mer, près du centre ancien, la cita vecchia, établi sur une île rectangulaire, reliée à la ville moderne par un pont tournant, le Ponte Girevole, inauguré en 1887. J'ai vu les traces de la Grèce antique dans le quartier ancien. Deux colonnes doriques se trouvent sur la piazza Castello, et elles campent depuis deux mille ans près d'une église. Elles appartenaient à un temple de Poséidon. Un édifice aussi très important attire l'oeil : le Château aragonais, à la pointe du chenal d'accès à la rade, construit à la fin du XVe siècle. J'ai lu dans mon guide une légende mythologique sur Tarente : des araignées géantes vivaient dans la cité (la tarentule). Les habitants ont essayé de s'en débarasser et quand ces sales bestioles les piquaient, ils dansaient la tarentelle pour lutter contre la douleur. Heureusement, je n'ai pas rencontré ces araignées mythologiques ! J'ai traversé les ruelles du vieux quartier avec son lot de vieux immeubles. Le linge pendait aux fenêtres, les vespas nous frôlaient. J'ai assisté à la sortie d'un mariage avec des Italiens fort élégants dans leur tenue. Je me croyais à Naples au temps de la saga romanesque d'Elena Ferrante, "L'amie prodigieuse". Une Italie éternelle, populaire, vivante, bruyante, vibrionnante ! J'ai dégusté un risotto al mare, une spécialité succulente de la ville et j'ai consacré mon après-midi au Musée archéologique national de Tarente, dit aussi MArTA. Situé dans le couvent des Alcantarini, il a été souvent restauré et abrite des collections très importantes, du Paléolithique au Moyen Age. La période de la Grande Grèce m'a vraiment intéressée : de magnifiques cratères à motifs rouges, assiettes de poissons, vases de libation, coupes laconniennes, vases grecs, des figurines de terre cuite, des bijoux en or uniques tellement ils sont sophistiqués, des statues en marbre, des mosaïques romaines, etc. Un très beau musée archéologique que j'étais heureuse de découvrir. J'ai passé la fin de journée en dégustant un excellent "gelato" à la "nocciola" devant la mer ionienne et j'ai assisté à un très beau coucher de soleil ! Tarente, une étape étonnante où peu de touristes s'arrêtent. Pourtant, elle mérite un détour. Une ville authentique, loin de l'exploitation touristique.
vendredi 25 octobre 2024
Escapade dans les Pouilles, Lecce
J'ai poursuivi ma route pour visiter Lecce, célèbre pour l'empreinte baroque de ses bâtiments. Certains la surnomment la Florence du Sud ou l'Athènes des Pouilles. Dès mon arrivée dans la ville, il faut trouver un parking ! Parfois, cette recherche s'avère difficile mais quand on trouve une place payante pour la journéee, y compris la nuit, c'est un soulagement d'abandonner son véhicule de location. J'ai tout de suite remarqué l'harmonie architecturale du centre ancien grâce à la pierre calcaire locale, appelée "pierre de Lecce". Située au centre de la péninsule du Salento, Lecce est l'une des villes les plus importantes des Pouilles avec ses 96 000 habitants. Grecque à l'origine, puis romaine, Lecce a traversé une terrible épidémie de peste au XVIIe siècle avec plusieurs milliers de victimes. Un miracle de saint Oronce aurait arrêté la peste. Une colonne de Sant'Oronzo se dresse sur la place centrale. Le baroque se manifeste dans toute la ville dès les XVIe et XVIIe siècles : palais, églises, places. La piazza del Duomo m'a vraiment évoqué un décor de théâtre mettant en valeur la pierre locale au grain fin et doré. J'ai visité le musée civique de la ville qui proposait une exposition contemporaine sur le tissage. Le musée provincial Castromediano, un musée archéologique important, présente des vases messapiens et attiques de toute beauté. J'avais devant mes yeux tous les objets trouvés dans les fouilles d'Egnazia, de Canosa et des environs : bijoux, pièces de monnaie, objets du quotidien, poteries, etc. J'ai toujours aimé arpenté les musées archéologiques et j'ai remarqué que j'étais souvent seule dans ces espaces pourtant essentiels pour la mémoire de l'humanité. Pourquoi ce manque de curiosité ? Pourquoi cette désertion du public ? Je n'ai croisé aucun touriste dans ces musées. Suis-je autant décalée d'admirer ces vases grecs, ces mosaïques romaines ? Je prie à ma façon les dieux grecs et romains pour que ces musées perdurent dans le temps... Le soir, j'ai découvert la Basilique Santa Croce où une chorale masculine répétait des chants grégoriens. Un moment de grâce dans cette journée marathon. Lecce, une étape esthétique et charmante dans cette région attachante.
jeudi 24 octobre 2024
Escapade dans les Pouilles, Egnazia et Ostuni
Après Polignano a Mare, j'ai visité le jeudi matin, le site archéologique d'Egnazia. Je ne manque jamais un site ancien tellement l'Antiquité gréco-romaine me passionne. J'ai vu sur ce lieu des archéologues accroupis sur le sol et le grattant avec précaution. Je me disais que j'aurais bien choisi ce métier pour trouver même un minuscule tesson d'une poterie trois fois millénaire. La ville, citée par des auteurs classiques, avait une position géographique stratégique entre l'Occident et l'Orient. Habitée par les Lapyges, puis par les Messapiens et les Romains, vers la fin du VIe siècle av. J.-C., il ne reste plus grand chose sur le terrain. Les archéologues ne connaissent pas les raisons de son abandon. Mais, les traces des murs révèlent l'habitat, des échoppes, des thermes, un théâtre, un temple et des rues pavées dont la voie de Trajan qui reliait Bénévent à Brindisi. Situées en bord de mer, ces ruines dégagent une mélancolie sur le vertige du temps. Le musée archéologique du nom de son directeur, Giuseppe Andreassi, est situé à l'extérieur des murs d'enceinte de l'ancienne Gnathia. Ce musée est une vraie merveille et même si sa dimension reste modeste, il propose un parcours sans faute pour connaître l'histoire des peuples anciens : poteries, jarres, objets de la vie quotidienne, vases grecs, bijoux, etc. Une mosaïque romaine, celle des Trois Grâces, montre trois femmes joyeuses et espiègles, un éloge de la jeunesse insouciante. Une pièce unique a attiré mon attention : un banquet en terre cuite lors d'une cérémonie funèbre. Au sous-sol, un aquarium géant montre les relations maritimes d'Egnazia avec le reste du monde : amphores, vestiges de bateaux, prolongés par un système de vidéo interactive et immersif. Ce fut pour moi une découverte vraiment étonnante. Après cette étape archéologique, j'ai repris la route pour Ostuni, une antique cité messapienne, citée par Pline. Son passé byzantin, angevin et aragonais lui a donné une identité plurielle avec, en son centre ancien, une superbe cathédrale du XVe siècle. J'ai déjeuné dans un excellent restaurant sur un des remparts de la vieille ville où j'ai profité d'une vue magnifique sur la mer au loin. Le musée civique était fermé pour travaux. Mais, j'ai gardé un souvenir d'une blancheur toute grecque d'Ostuni. Plus loin, je me suis arrêtée à Ceglie Messapica où j'ai visité un petit musée archéologique assez intéressant. J'ai cherché en vain un autre musée, celui consacré à Emilio Notte, un peintre italien du mouvement futuriste, originaire du village. Mystère autour de ce musée ! C'est le charme de l'Italie, celui de l'imprévu, de l'illusion, de l'éphèmère. Le guide du Routard devrait vérifier ses sources. Dans les chambres d'hôte de Carovigno, il fallait être très douée en informatique pour ouvrir les portes de nos chambres. Aucun accueil, la modernité déshumanisée sévit aussi dans les Pouilles ! C'est bien dommage de se priver de ces contacts humains même superficiels et brefs, surtout quand on aime entendre parler la langue italienne...
mercredi 23 octobre 2024
Escapade dans les Pouilles, Polignano a Mare
J'aime l'Italie depuis de nombreuses années quand j'ai découvert la Toscane dans les années 80. Je me souviens encore de mes premières impressions à Lucques. J'étais sous le charme en arpentant cette ville, le modèle de la cité italienne avec son centre ancien, ses places, ses églises, ses ruelles, nimbée d'une lueur ocre jaune. Un charme venu des temps anciens du Moyen Age, de la Renaissance jusqu'à nos jours. Ce patrimoine architectural me semble unique au monde. J'explore donc ce pays deux fois par an et je retourne parfois à Rome et à Venise pour faire des provisions de beauté. Cette année, j'ai découvert la région des Pouilles : de Bari à Lecce, de Tarente à Matera, de Matera à Bari en passant par des étapes surprenantes. J'ai eu de la chance avec un soleil d'automne permanent. Dès que j'ai mis les pieds dans l'aéroport de Bari, je me suis sentie dans un pays connu. J'aime entendre la langue italienne que j'essaie d'apprendre en solo et je reconnais souvent le sens des phrases que je saisis dans une conversation. Après avoir pris ma voiture de location, j'ai pris la direction de Polignano a Mare, petite cité balnéaire de 20 000 habitants. Je me croyais dans les Cyclades avec toutes les maisons blanches sur les falaises. Mon premier geste, le plus urgent pour moi, c'était de voir la mer, la mer Adriatique d'un bleu profond. Je ressens toujours la nostalgie de la mer car j'ai vécu au bord de l'océan atlantique pendant mes trois première décennies. J'ai marché, pieds nus, sur le sable blond de la plage et dans l'eau. Une cérémonie rituelle pour démarrer mon escapade. Le soir, j'ai dormi dans une masseria magnifique en plein milieu de champs d'oliviers. Ces oliviers de quelques centaines d'années formaient des sculptures vivantes et je pensais au mouvement artistique de l'Arte povera exploitant les richesses simples de la nature. Un musée d'art contemporain présentait des oeuvres surprenantes et portait le nom d'un grand artiste, Pino Pascali. La masseria del Crocifisso, véritable havre de paix et de calme, rappellait la culture ancienne des Pouilles où ces fermes historiques datent du XVIe siècle et du XVIIe. Les propriétaires terriens cultvaient le blé et l'olivier, élevaient des troupeaux et conservaient le sel. Ces lieux magiques hébergent maintenant des touristes, amoureux d'une nature éminemment civilisée. J'étais entourée de grenadiers, d'oliviers, de bougainvilliers, de lauriers-roses. Le soir, notre hôte nous a concocté un très bon repas succulent : des pâtes, évidemment !
mardi 22 octobre 2024
Atelier Littérature, 3
Après notre séance "psychanalyse", nous avons évoqué les coups de coeur du mois. Annette a parlé d'un très bon roman, "Les guerriers de l'hiver" d'Oliver Norek, publié chez Michel Lafon. Ce roman historique évoque l'invasion de la Finlande par l'Union soviétique le 30 novembre 1939. Le personnage principal, Simo Häyhä, apprend le tir de précision à la chasse avec son père. Ce jeune homme est appelé à la guerre d'hiver où il se retrouve face à une armée gigantesque. Les Finlandais possèdent peu de matériels (pas de tanks, de canons, d'avions). Simo et ses amis vont défendre leur territoire avec une motivation patriotique que les soldats russes ne semblent pas éprouver. Ces soldats héroiques détenaient le Sisu : "Le Sisu est l'âme de la Finlande. Il dit le courage, la force intérieure, la tenacité, la résistance, la détermination. Une vie austère, dans un environnement hostile, a forgé leur mental d'un acier qui nous résiste aujourd'hui". Ce roman a été sélectionné pour les prix littéraires de novembre. Les lecteurs, fidèles de l'écrivain, ont évidemment plébescité son dernier roman. Pascale a choisi comme coup de coeur un roman d'Anna Seghers (1900-1983), "La Septième Croix", publié en 1942 et disponible en Poche. Dans les années 1930, sept opposants au nazisme s'enfuient d'un camp. Un formidable appareil policier est mis en branle pour les retrouver et sept croix sont dressées. Combien de fugitifs seront capturés ? Il faut découvrir ce roman sur la montée du totalitarisme nazi, écrit par une écrivaine allemande, membre du Parti communiste de son pays. Elle s'est exilée en France et au Mexique. Elle retourne à Berlin en 1947. Geneviève a évoqué son dernier coup de coeur, "Le Magicien", formidable biographie romanesque sur l'écrivain allemand, Thomas Mann. Le biographe se nomme Colm Toibin, grand écrivain irlandais. Odile a choisi "Houris" de Kamel Daoud. Elle a analysé le roman qui se déroule dans une Algérie des années 90 où la guerre civile a provoqué des milliers de victimes. Nous avions déjà parlé de ce livre en septembre. Il figure dans les listes des prix littéraires et obtiendra peut-être le Graal, le prix Goncourt ! Nous nous retrouverons le jeudi 21 novembre à la Base pour Paul Auster et pour les coups de coeur que j'espère plus nombreux...
lundi 21 octobre 2024
Atelier Littérature, 2
Pascale et Régine ont lu le même ouvrage, "Sigmund Freud : La guérison par l'esprit" de Stefan Zweig, publié en 1932 et disponible en 2010 en Livre de Poche. Elles ont été unanimes pour déclarer que cet essai les avait vraiment intéressées tant l'écrivain autrichien raconte avec son talent indiscutable l'aventure de la psychanalyse et celle de son fondateur originel, Sigmund Freud. Ces deux intellectuels fondamentaux partagaient des passions communes : la littérature, la psychologie, Vienne, leur culture juive. Ces deux hommes se complétaient à merveille : l'un, Freud, admirait la créativité littéraire de Zweig, et l'autre éprouvait une fascination envers son ami savant. Ils s'écrivaient des centaines de lettres et l'écrivain autrichien a prononcé l'éloge funèbre de Freud à Londres. Cet ouvrage pédagogique dans le bon sens du terme précise avec une grande clarté la valeur et la portée de l'oeuvre freudienne. Nos deux lectrices ont apprécié ce livre très bien écrit qui définit les clés essentielles sur l'homme Freud et sa théorie. Mais, avec Zweig, on peut s'attendre à une extension de sa réflexion sur les pouvoirs de la pensée, sur l'esprit de l'époque avec ses doutes et ses espoirs. Ils ont fui tous les deux la folie meurtrière du nazisme en s'exilant, l'un à Londres, l'autre au Brésil. L'écrivain est le plus grand témoin complice de l'oeuvre freudienne avec la découverte de l'Inconscient, du rôle révélateur des rêves, de la sexualité, de l'agressivité, pulsion de mort. Stefan Zweig apporte aussi une touche philosophique quand il décrit "l'antagonisme entre la civilisation et l'instinct". S'il n'y a qu'un livre à lire sur le génie de Freud, il faut choisir celui-ci ! Régine a aussi découvert "Panique" de Lydia Flem. L'écrivaine psychanalyste définit ce moment, la panique, comme un "coup de fouet. Elle jette à l'écart de soi, loin des mots, de la raison, hors du sens. Les sentiments n'existent plus, elle occupe toute la place. Nue comme le fil d'une lame. (...) C'est un écartèlement de tout l'être, une dépossession de soi, la sensation d'une mort imminente". Le texte relate des exemples de panique dans une journée mais malgré l'intérêt de ce sujet, notre amie lectrice n'a pas ressenti une adhésion totale à cette "Panique", publié en 2014. Certains titres ont été choisis, d'autres n'ont pas attiré l'intérêt des lectrices. Mais, j'ai voulu mettre à l'honneur la relation profonde entre la littérature et la psychanalyse, deux phénomènes essentiels pour sonder notre "âme" !
vendredi 18 octobre 2024
Atelier Littérature, 1
Le jeudi 17 octobre, nous étions autour d'une table à la Base du centre Malraux pour parler "littérature et psychanalyse". Odile et Agnès ont choisi "Le Détective de Freud" d'Olivier Barde-Capuçon, publié en 2010. Nos deux lectrices ont beaucoup apprécié ce roman "freudien" qui se passe à Paris en 1911. Le docteur du Barrail est missionné par Freud lui-même pour enquêter sur la mort mystérieuse d'un confrère. Aidé par Max Engel, un drôle de détective marxiste et Carl Jung, le jeune homme sonde les esprits, surtout les trois femmes de l'entourage du disparu. Ces troublantes héroïnes jouent un rôle majeur. Odile et Agnès ont surtout aimé l'arrière-plan historique de la Belle Epoque et de l'apparition d'une nouvelle science humaine, la psychanalyse. Un très bon roman divertissant, classé comme un roman noir dans la collection Babel d'Actes Sud. Une porte d'entrée originale et ludique pour comprendre l'univers de la psychanalyse. Geneviève a commenté le roman de Sarah Chiche, "Saturne", publié en 2021 en livre de poche. Ce texte autofictionnel, imbibé de psychanalyse, raconte la famille de la narratrice. Harry, son père, meurt à 34 ans dans des circontances tragiques. Issu d'une grande lignée de médecins contraints à l'exil au moment de l'indépendance de l'Algérie, Harry et son frère, Armand, ont bâti un empire médical en France. Mais, la passion de Harry pour une femme à la beauté "incendiaire", fera voler en éclats cette famille et leur empire économique. Comme le soulignait Geneviève, ce roman particulier se lit bien mais au fond, sans un intérêt profond. Véronique a lu "La petite robe de Paul" de Philippe Grimbert, publié en 2001 chez Grasset. Paul, la cinquantaine, marié, achète une petite robe blanche qu'il a aperçue dans une vitrine. Cette acquisition compulsive va entraîner une déflagration dans ce couple. Il la cache dans son placard sous un costume. Sa femme voulant donner des vieux vêtements découvre alors cette petite robe. Elle se pose mille questions sur cette robe. A-t-il une deuxième vie ? Un enfant caché ? Cet achat mystèrieux fissure l'harmonie du couple les précipitant au bord du gouffre. On ne peut pas vivre avec les mensonges, des secrets cachés, des souffrances refoulées, semble dire l'écrivain psychanalyste. Ce couple va revivre les moments les plus douloureux de leur existence pour retrouver un équilibre serein. (La suite, lundi)
mardi 8 octobre 2024
"Avant", Jean-Bertrand Pontalis
Psychanalyste réputé et écrivain, Jean-Bertrand Pontalis (1924-2013) possède un art incroyable de mettre à la portée des lecteurs-lectrices la psychanalyse sans jargon spécialisé et sans ostentation. Son style d'une simplicité raffinée se confirme dans cet ouvrage, "Avant", publié en 2012. Ce recueil de textes parfois hétéroclites pose la question existentielle du temps, de son passage inéluctable : "Quand il nous arrive de dire, "c'était mieux avant", sommes-nous des passéistes en proie à la nostalgie d'une enfance lointaine, d'une jeunesse révolue, d'une époque antérieure à la nôtre où nous avons l'illusion qu'il faisait bon vivre ? A moins que cet avant ne soit un hors-temps échappant au temps des horloges et des calendriers. Je me refuse à découper le temps. Nous avons, j'ai tous les âges". Cette citation résume la démarche de l'écrivain, une démarche intime, intérieure, hors d'une temporalité tyrannique. Chacun d'entre nous songe souvent à son enfance mythique, à sa jeunesse insouciante et le psychanalyste parle de "l'infans" en nous, "cet être d'avant le langage", ce passé inconnu, la plage de l'inconscient. Le premier chapitre intitulé, "Avant", rappelle le texte fabuleux de Georges Perec, "Je me souviens". Le rôle de la mémoire sélective joue une partition essentielle dans notre vie psychique. Il revendique la méthode du fragment dans ses écrits divers. Ses références littéraires et philosophiques représentent un régal de l'esprit, de Roland Barthes à Proust, de Georges Perec à Borges, de Rousseau à Chateaubriand. Un des passages les plus intéressants concerne ce phénomène de la mémoire que le psychanalyse définit comme un "inconscient" : "L'Inconscient ne devrait-il pas s'appeler Mémoire ? Une Mémoire Zeilos, hors-temps, (...) indifférente au calendrier. Et la cure psychanalytique qui, via le transfert, ne cesse d'entremêler le passé et le présent, serait-elle autre chose qu'un dévoilement progressif, qu'une aléthéia, la levée du voile de Léthé, l'oubli ? Une magie lente, disait Freud". Car, le nom de Freud revient souvent sous la plume enchantée de Pontalis. Des articles m'ont particulièrement intéressée notamment sur Ulysse, sur le peintre Caspar David Friedrich, sur une nouvelle de Balzac. Evidemment, il est question aussi de la culture psychanalytique quand il cite Lacan, Winnicott, Breuer, etc. Ce texte patchwork, tissé de souvenirs, d'aphorismes, de références, se lit sans difficultés. J.-B. Pontalis, un médiateur idéal de la psychanalyse et de la littérature que j'ai choisi dans ma liste pour l'Atelier d'octobre.
lundi 7 octobre 2024
"La Vie des spectres", Patrice Jean
Patrice Jean, un écrivain talentueux, vient de publier son dernier roman, "La vie des spectres", publié au Cherche Midi. Quand je lis du "Patrice Jean", je sais que je rentre dans le domaine du grinçant, de l'ironie, d'un certain désarroi, et surtout du politiquement incorrect. Le regard impitoyable de l'auteur me fait souvent sourire. Son héros principal, Jean Dulac, travaille pour un journal local dans sa ville de Nantes. Il était chargé des critiques de théâtre et son rédacteur en chef lui demande de réaliser des portraits de personnalités locales. L'humour dévastateur de l'auteur se niche dans ces articles loufoques. Jean renacle devant tant de mauvaise foi des personnalités superficielles qu'il rencontre. Son "mauvais esprit" se manifeste dans un article qu'il écrit sur une surveillante, victime de clichés sensibles sur les réseaux sociaux. Des lycéens dont son fils ont diffusé ces photos. Comme cet homme persiste dans un esprit critique corrosif, sa femme et son fils le boycottent et lui demandent de quitter le foyer familial. Le voilà un peu dépité de se retrouver isolé de tous tellement il ne colle plus au consensus général, celui de la bienveillance fraternelle. Il loge dans un ancien appartement de sa mère et il finit par dialoguer avec un ami disparu. Ce héros découvre la bêtise environnante, surtout celle d'une jeunesse en pleine dérive, dogmatique et intolérante, refusant la moindre autorité. Ce romantique désabusé fait penser à l'univers de Houellebecq ou à celui de Flaubert, le grand pourfendeur de l'hypocrisie sociale, de la médiocrité des élites, de la lâcheté collective. Jean Dulac sera exclu de la société, car il refuse de "jouer le jeu". Dans un précedent roman, "L'Homme surnuméraire", il imaginait un jeune homme embauché pour réécrire les classiques de la littérature française pour supprimer les passages offensants pour les minorités. Patrice Jean est un écrivain en colère contre le conformisme social, les faux semblants, la bêtise des réseaux sociaux, le narcissisme triomphant. Evidemment, il ne rayonne pas d'optimisme quand il dénonce avec humour les travers d'une société en crise morale et politique. Il ressemble à Milan Kundera pour qui les "notions de droite ou de gauche lui sont parfaitement étrangères. Seule compte la littérature". Patrice Jean écrit dans son roman : "Existe-t-il un seul être humain, depuis l'ère quaternaire, qui ait mesuré, dans toute sa vérité, le degré d'indifférence dont il était universellement l'objet ?". J'ai pensé à une filiation littéraire car son père spirituel ressemblerait à Marcel Aymé, sarcastique, ironique sur les travers inévitables de la société contemporaine. A découvrir.
samedi 5 octobre 2024
Découverte de la grotte d'el Castillo, une expérience unique
J'ai évoqué les grottes d'Altamira et j'ai eu la chance d'en visiter une, une vraie, une authentique, celle d'El Castillo, située à Puente Viesgo, à quelques kilomètres de Santillana del Mar, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco en 2008 au sein d'un ensemble appélé "Grotte d'Altamira et art pariétal paléolithique du Nord de l'Espagne". J'avais réservé mes places cet été deux mois à l'avance pour la visiter avec un guide spécialisé. C'est la première fois de ma vie que je voyais devant mes yeux ébahis l'art du Paléolithique supérieur. Découverte en 1903, étudiée par Henri Breuil, la datation des peintures pariétales remontent à plus de 40 000 ans, les plus anciennes en Europe ! Mon rendez-vous était fixé à 13H et la visite a duré une heure. Sur 759 mètres, j'ai suivi mon guide qui nous a prévenus que le sol était ultra glissant. J'avançais donc avec une extrême prudence, en suivant le halo lumineux de la lampe torche du guide. Je me disais que j'allais à la rencontre de nos plus lointains ancêtres qui avaient habité cet espace pourtant glacial et d'une obscurité totale. Pour avoir de la lumière, ils restaient devant la grotte et quand certains d'entre eux s'éloignaient dans la grotte, ils utilisaient des "chandelles végétales". Avant d'atteindre les quelques traces artistiques, je remarquais la forme de la grotte, pourvue de stalactites, de stalagmites, de colonnes. C'était déjà un spectacle de sculptures naturelles datant de quelques millions d'années. Le guide a ensuite éclairé les mains négatives sur une paroi en nous expliquant la façon dont elles étaient déposées sur la roche. Les artistes n'étaient pas des hommes comme on le pense souvent par préjugés culturels. Les femmes marquaient leur présence dans ces espaces secrets. Et personne ne sait ce que signifiaient ces traces : un rite magique, un calcul, une marque de propriété ? J'admirais ces mains comme les premiers tableaux de l'art humain. Plus loin, le guide a révélé un bison, puis un auroch, d'autres mains et ces traces m'enchantaient ! Je pensais à Jules Verne et à son roman "Voyage au centre de la terre"... J'ai vraiment ressenti une grande émotion devant ces oeuvres si anonymes, si simples, si symboliques ! Cela valait le déplacement même en passant une heure dans le froid, l'humidité, en marchant sur un sol glissant au risque d'une chute ! Je m'en souviendrai longtemps de ces mains qui me parlaient de ces lointains, très lointains ancêtres, si proches de nous, pourtant. Une visite inoubliable !
vendredi 4 octobre 2024
Escapade à Santillana del Mar
Après Santander, je suis partie à Santillana del Mar, une petite cité médiévale que notre écrivain national, Jean-Paul Sartre, a qualifié de "la plus jolie ville espagnole" dans "La Nausée". Avec Simone de Beauvoir, il voyageait beaucoup mais je n'ai trouvé aucune trace de leur passage à Santillana ! J'ai bénéficié d'une belle éclaircie dès le matin pour déambuler dans les rues pavées de la commune. Placettes, maisons à balcons, boutiques anciennes, palais, toute l'architecture romane se déploie avec un respect total pour son passé. Le nom de la cité vient de Santa Juliana dont les reliques sont conservées dans la collégiale de la ville, le monument le plus emblématique datant du XIIe siècle. La Colégiale se compose d'une église, d'un cloître et d'un musée diocésain témoignant de l'art médiéval en Espagne. Le cloître est particulièrement splendide avec ses colonnes doubles et ses chapiteaux finement sculptés de motifs géométriques et figuratifs. Dans l'église, un rétable polychrome composé de tableaux et de figurines embellit l'espace. Le sarcophage de Santa Juliana trône au milieu de l'allée centrale. J'ai aussi visité un musée d'un sculpteur espagnol, José Otéro, peu connu en France mais une gloire locale en Espagne. Je savais que Santillana del Mar remontait à la Préhistoire avec la présence des grottes d'Altamira, célèbres pour leurs peintures rupestres du Paléolithique supérieur. Baptisées souvent de "Chapelle Sixtine de l'art", elles ont été découvertes à la fin du XIXe. Evidemment, comme la grotte de Lascaux, les visiteurs se contentent d'une grotte en fac-similé, assez spectaculaire au demeurant. Des bisons et des chevaux ornent les parois. Mais, selon le philosophe Walter Benjamin, il manquait à ce décor reconstitué la notion d'aura, l'aura d'une oeuvre d'art, son "hic et nunc", son "ici et maintenant". Le philosophe évoque l'aura comme "l'unique apparition d'un lointain si proche". Seules, deux cents personnes par an, tirées au sort, peuvent visiter la vraie grotte ! Heureusement, le musée d'Altamira présente des pièces authentiques : os gravés, flèches et silex, figurines féminines, etc. La vie quotidienne des Homo sapiens est relatée d'une façon ludique pour ne pas "ennuyer" les visiteurs. Après l'étape d'Altamura, j'ai retrouvé l'océan à Suances, petite station balnéaire, située au pied d'immenses falaises, un vrai repaire de surfeurs. La playa des Locos, la plage des fous, a conservé un aspect sauvage, rare de nos jours. (La suite, demain)
jeudi 3 octobre 2024
Escapade à Santander
J'ai profité de mon séjour basque pour passer quelques jours en Cantabrie. Première étape à Santander, cette ville portuaire possède un charme certain. Dès mon arrivée, j'ai pris le bateau pour découvrir sa baie, une des plus belles du monde (d'après les guides touristiques). Comme je connaissais un peu Santander, je n'ai visité que deux institutions : le centre Botin et le Musée Maritime de la Mer cantabrique. Le centre culturel Botin, inauguré en 2017, est un espace dédié à l'art et au développement créatif. Conçu par Renzo Piano, cet édifice est divisé en deux zones, l'Ouest à l'art et l'Est aux activités culturelles. Amarré sur le quai en deux blocs qui s'avancent sur la mer, ce lieu compte deux grandes salles d'exposition, un auditorium, des salles de formation, une cafétéria-restaurant. Je me suis baladée dans cet espace ultra-performant dont l'architecture marque la ville portuaire. J'ai vu une exposition sur les portraits avec un Picasso et un très beau Sorolla. Une artiste suisse dont je tairai le nom occupait la deuxième salle et, vraiment, je n'ai pas ressenti un coup de foudre. Ses tableaux en papier blanc avec des lignes peintes verticalement ou horizontalement m'ont laissée de marbre. L'art contemporain me semble bien incompréhensible. Après Botin, j'ai découvert le Musée maritime, consacré à la vie marine et à la culture des pêcheurs depuis la nuit des temps : objets divers, maquettes de bateaux, instruments de navigation, décors reconstitués, technologies maritimes, cartes, matériel de pêche, etc. Un aquarium présente les espèces marines avec les requins, les méduses, les étoiles de mer et une quantité de poissons aux noms inconnus. J'ai croisé plusieurs classes scolaires et ces enfants étaient émerveillés de voir ce musée pédagogique et ludique. En fin de journée et sous un doux soleil de septembre, j'ai arpenté une des plus belles plages de la ville : la plage de la Sardinero au sable doré, peu venteuse et à la houle très calme. Il régnait un air iodé dans ce lieu magique où j'ai évidemment rencontré des mouettes rieuses. J'ai terminé la soirée dans un restaurant de plage où j'ai dégusté des spécialités culinaires du pays. L'Espagne recèle de beaux paysages en Pays basque et tout au long de la côte cantabrique. Et quel plaisir d'entendre parler cette langue, ma deuxième langue presque natale ! Mes grands-parents paternels sont nés dans le pays aragonais et sont venus vivre à Bayonne au début du XXe siècle. Dès que je me retrouve en Espagne, j'ai une pensée pour eux, ces ancêtres que je n'ai, hélàs, pas connus. (La suite, demain)
mercredi 2 octobre 2024
"Hôtel Roma", Pierre Adrian
Pierre Adrian, jeune écrivain français mais italien de coeur, s'est fait remarquer par son beau roman, "Que reviennent ceux qui sont loin", publié chez Gallimard, en 2022. Il s'était déjà interessé au destin de Pasolini dans un récit, "La piste Pasolini". Ancien pensionnaire de la Villa Médicis, il réside aujourd'hui à Rome. Il est parti sur une nouvelle piste, celle de Cesare Pavese (1908-1950), un pélérinage émouvant pour tous ceux et celles qui aiment l'Italie et sa littérature. Pierre Adrian révèle dans un article du Monde sa fascination pour Pavese qu'il considère comme "un compagnon" de vie, un frère de coeur, un modèle littéraire. L'écrivain piémontais s'est suicidé dans une chambre de l'hôtel Roma, le 27 août 1950 à Turin. Il évoque chez Pavese le thème du retour : "le retour à l'enfance, à la maison, et le questionnement sur ce que cela signifie d'avoir un pays, un chez soi". L'enquête littéraire démarre à Turin dans la chambre où Pavese a choisi de s'éclipser du monde. Le narrateur est accompagné de son amoureuse, "La fille à la peau mate", elle venant de Paris, lui de Rome et ils se rejoignent pour suivre les traces timides, presque effacées de la vie de Pavese. Pierre Adrian admire, aime ce frère en désespoir, dans Turin, mais aussi dans son village natal, au bord de la mer. Les relations amoureuses de Pavese avec les femmes s'avèraient délicates et difficiles. Cet homme malheureux en amour suscite chez Pierre Adrian une interrogation sur son geste final. Le narrateur explique sa passion "pavesienne" : "Le fait qu'il soit si peu incarné pourrait éloigner de lui alors que je m'en suis rapproché. Je me rends compte que je partage avec lui la tentation du retrait : j'ai tendance à fuir l'actualité, les débats, le présent". Le narrateur rend un "hommage vagabond" à ce poète singulier, un homme attaché à ses racines piémontaises, très prudent dans son engagement politique. Et cette question lancinante sur le suicide de Pavese : un chagrin d'amour, un aveu d'échec, une fatigue de vivre, une dépression ravageuse ? Ce récit mélancolique et généreux berce le lecteur et la lectrice d'une douce musique schubertienne. Un bel hommage d'un écrivain à un confrère en littérature, un frère pour lui, tout simplement. Après avoir lu Pierre Adrian, j'ai sorti le Folio de ma bibliothèque pour le relire plus attentivement, le journal intime, de Cesare Pavese, "Le métier de vivre" et je vais aussi découvrir quelques uns de ses romans comme "La Plage", "Le bel été" et sa poèsie, "Travailler fatigue". Un écrivain italien à lire et à relire.
mardi 1 octobre 2024
"Un jour d'avril", Michael Cunningham
J'ai déjà évoqué ce roman dans le compte-rendu de l'Atelier Littérature de septembre. Mais il mérite un billet entier tellement ce roman était attendu par les lecteurs. Le texte est construit sur trois jours d'avril de 2019 à 2021. Dans un article que j'ai lu sur le site littéraire, "En attendant Nadeau", l'écrivain explique sa démarche romanesque. Les personnages décrits dans le roman se débattent dans une crise provoquée par l'apparition de l'épidémie du Covid qui a bouleversé leurs vies. Dan, le mari d'Isabel, est un rockeur vieillissant qui n'a jamais rencontré la gloire. Isabel, sa femme, travaille dans un magazine papier sur la photographie en perte de vitesse. Leur couple repose aussi sur l'amour qu'ils éprouvent pour Robbie, le jeune frère homosexuel d'Isabel, qui loge chez eux. Les deux hommes s'occupent beaucoup de leurs deux enfants. Mais, Isabel s'éloigne peu à peu de sa famille, se sentant enfermée dans ce huis clos. Cette configuration triangulaire donne une dimension romanesque complexe. L'écrivain américain révèle sa passion de la psychanalyse. Il apprécie surtout Winnicot et le portrait d'Isabel se rapproche d'un tabou que le psychanalyste avait étudié : la désaffection des mères envers leurs progénitures, submergées par leurs angoisses. Des mères, que l'on jugerait indignes, ne ressentent pas un lien maternel et ce sujet tabou est abordé dans le roman. Les relations humaines selon les découvertes de Freud, sont teintées d'ambiguïté, d'ambivalence et de particularités. Michael Cunnigham explore donc les tourments de ses personnages et leur malaise d'être. Dan veut relancer sa carrière de chanteur, mission impossible. Robbie, abandonné par son compagnon, s'exile en Islande et meurt seul dans une cabane perdue. Seule Isabel atteint un équilibre fragile en quittant New York et en changeant de vie. L'écrivain américain décrit une société américaine très "progressiste", en pleine crise existentielle. Un roman très contemporain, sous l'influence de sa grande ancêtre qu'il a mis en scène dans son livre, "Les Heures", en 2004, je veux parler de Virginia Woolf.