J'ai lu récemment une nouveauté de l'année, "Je me retournerai souvent" de Jean-Paul Enthoven, publiée chez Grasset. Pour tous ceux et celles qui ont la passion de la littérature, cet ouvrage est un régal de lecture. L'auteur, dans son nid parisien, a accroché quelques portraits qui "composent depuis toujours mon Panthéon égotiste. Ils m'éclairent et montent ma garde en précieuses sentinelles". Albert Camus est passé dans cet immeuble et cette présence fantomatique, "ce voisin idéal par-delà le temps", le met en joie. Le titre de ce récit littéraire est emprunté à Apollinaire, une de ces "précieuses sentinelles". L'auteur veut montrer sa reconnaissance, ses multiples gratitudes, un hommage aux "siens", ceux "qui consolent des chagrins de la vie". Servi par un style élégant et plein de charme, cet hommage aux écrivains se lit avec délectation. Dans sa tour parisienne, à la façon d'un Montaigne dans sa bibliothèque, il s'isole du monde social et se retire pour mieux se retrouver avec ses compagnons et compagnes de papier : "Si le monde était bien fait, tout individu devrait avoir droit, fût-ce brièvement, à cette tranche de temps suspendu". Dans son Panthéon "égotiste", l'auteur a décoré son mur avec des images de Diderot, Montaigne, Stendhal, Pascal, Proust, Melville, Hemingway. Sa galerie de portraits ne se composera pas seulement de ces gloires exceptionnelles. Il évoquera aussi des écrivains détestables, "sauvés par leur talent", ou contestables, avec une seule exigence : ils ont tous disparu. Il commence sa "galerie désordonnée" par Cioran, le pessimiste "hilare", un Diogène de notre temps. Après le beau portrait de Cioran, il relate son amitié avec Philippe Sollers, un "prodigieux virtuose de lui-même". Cet écrivain bordelais, mort en 2023, a marqué son temps par son "goût de l'aérien, de l'ubiquité, de la mobilité romanesque, esthétique, idéologique, érotique". Au fond, Philippe Sollers incarnait l'esprit des Lumières, la liberté absolue, le bonheur d'être. Un libertin du XVIIIe siècle, égaré au XXe. Le chapitre consacré à Roland Barthes est particulièrement passionnant car cette "star" des Lettres, loin de ses théories structuralistes, était un intellectuel angoissé, doutant de sa réputation. Il admirait à la fin de sa vie Marcel Proust et Chateaubriand, un retour aux sources de la littérature. (la suite, demain)
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