Alessandro Piperno, l'un des plus grands écrivains italiens de sa génération, vient d'écrire "Un air de famille", publié chez Liana Levi. Ce professeur enseigne la littérature française à l'université et il est l'auteur d'essais et de six romans, dont certains ont obtenu des prix littéraires prestigieux. Il dirige aussi l'équivalent de la Pléiade, "I Meridiani" et écrit des articles pour le Corriere delle Sera. La presse spécialisée le compare souvent à Philip Roth. Sa famille appartient depuis toujours à la communauté juive de Rome. Inlassablement, l'écrivain romain décrit les péripéties familiales : "Ah, la famille ! En effet, c'est mon refrain, mon idée fixe". Dans son dernier roman, il met en scène un professeur, Mr Sacerdoti, célibaire endurci, ne cachant pas sa détestation des enfants, "petites brutes égoïstes, bruyantes, cruelles et vulgaires". Or, ce professeur hérite, par un pur hasard du destin, d'un garçonnet de huit ans, Noah, orphelin et d'origine anglaise. Les parents sont morts dans un accident de montagne. Il se voit désigné comme tuteur de ce lointain petit-cousin alors qu'il ne l'a jamais rencontré. Les personnages dans les romans de cet écrivain ne sont jamais des héros car ils ont un tempérament du côté de la faiblesse, même de la lâcheté. Le professeur, avant la prise en charge de ce garçon, a traversé une tempête médiatique. Il a cité dans un cours des phrases de Flaubert, teintées de misogynie. Et voilà qu'une collègue ambitieuse et intolérante, d'un féminisme caricatural, le dénonce de véhiculer des idées rétrogrades. Alors, sa mise à mort dans les réseaux sociaux lui tombe dessus. Couvert d'opprobre, il est obligé de démissionner, de quitter son poste. Ce fait de société rappelle le roman de Philip Roth, "La Tâche". En plein marasme psychologique, le narrateur s'enferme dans une spirale infernale. Alessandro Piperno manie l'ironie et constate comme son héros négatif que les temps sont difficiles pour les écrivains politiquement "incorrects". Après cette déchéance sociale, le professeur voit sa vie complètement chamboulée par la venue de ce petit-cousin. Cette deuxième partie du livre, plus sérieuse et plus profonde que ses déboires à l'université, pose la question de la filiation, du lien avec un enfant, de la famille, du temps qui passe, de la solitude, de la responsabilté. Le professeur a connu aussi un drame familial et la disparition tragique de ses parents rappelle celle des parents de Noah. Une complicité affectueuse entre eux se révèle parfois compliquée, mais peu à peu naissante. Mais, un héritage va mettre fin à leur association familiale. Noah va rejoindre une deuxième famille intéressée à Londres. Un roman drôle, moderne, attachant. Un écrivain italien à découvrir.
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