Sandor Marai déclarait que son journal intime "s'empare de tout, aspire tout (...) C'est ma seule planche de salut". Sa situation matérielle à New York s'améliore car il devient collaborateur de Radio Free Europe. Il vit ce deuxième exil avec un regret de son Naples, si attachant. Il monte dans un paquebot pour atteindre l'Amérique. Quand il découvre New York, il écrit : "New York m'a fait penser à Venise. Quand on y arrive un matin de printemps, c'est une autre Venise, non pas celle du Settecento, mais celle de l'ère nucléaire". Tout est gigantesque à ses yeux : les gratte-ciels, les arbres, la chaleur : "Il y a quelque chose d'insensé dans cette démesure". Il découvre cette ville "monstrueuse" avec fascination et commence à voyager dans le pays pour tâter sa réalité en notant le problème des afro-américains, du maccarthysme, de la misère dans les rues newyorkaises. Les événements politiques des années 50 surgissent au fil du récit autobiographique : la répression de 1956 en Hongrie, la guerre d'Indochine, Il lit des écrivains américains : Faulkner, Hemingway qu'il admire. Mais, il pense qu'il repartira en Italie. Sa force intérieure se mesure à un quotidien, nourri de livres et d'écriture : "Ecrire, lire, avec force, oui, écrire, lire avec persévérance". Malgré son isolement social, l'écrivain jouit de sa solitude et déclare : "Je vis chaque jour avec un grand bonheur et beaucoup de curiosité, même si je ne bouge pas de chez moi et ne fais rien". Il ne parvient pas à se sentir chez lui en Amérique, ce qu'il ressentait à Naples : "Toutefois, il est très difficile d'atteindre l'Amérique à cause des Américains". Il partage ses découvertes du bord de l'océan, des musées, des zoos avec son fils adoptif, Janos, qui, lui, devient un petit Américain modèle. Le journal fourmille d'anecdotes sur son quotidien, sur les romans qu'il compose, sur sa famille, sur la littérature mondiale. Une mosaîque d'impressions, de sensations, de commentaires. Un témoignage précieux, unique dans son genre. Un journal à lire pour bien connaître ce grand écrivain hongrois. Le tome 3 du journal m'attend cet été. Sandor Marai représente la quintessence d'un honnête homme littéraire comme Stefan Zweig et Thomas Mann. Ils ont offert à leurs lecteurs leurs mondes intérieurs, une attitude généreuse et parfois risquée. Un grand plaisir de lecture.
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