mercredi 18 juin 2025

"Ecouter les eaux vives", Emmanuelle Favier, 2

 Au retour de sa mission, sa hiérarchie la convoque pour lui annoncer la mort de son père. Il s'est noyé mais, Adrian, soupçonne qu'il s'est suicidé. Elle est envoyée à Brest pour une visite diplomatique afin d'échanger des informations sur la guerre acoustique. Au seuil d'une nouvelle vie, hors d'un sous-marin protecteur, le personnage féminin change de registre. Au lieu d'observer la mer, de l'écouter, elle va se découvrir, explorer ses "eaux vives", ses envies et ses désirs enfouis en elle. La mort de son père la "libère" en quelque sorte. Elle quitte l'Ecosse pour la Bretagne et fait la connaissance d'un jeune homme, Arthur, qui va la présenter à Abel, un homme aveugle de naissance, et vivant dans une solitude volontaire avec son chat, Miel, comme un Robinson breton. Cet homme cultivé aime passionnément le poète espagnol, Antonio Machado et son ami, Arthur, lui lit des poèmes du poète espagnol. Il refuse de voir son père Paol, directeur de la station biologique de Roscoff, car il l'accuse de la mort de sa mère des suites d'un cancer. Adrian tombe follement amoureuse de cet homme singulier et mystérieux. Au fond, elle épouse l'obscurité d'Abel, homme torturé par son angoisse existentielle. La relation fusionelle qu'elle entretient avec Abel ressemble à une submersion dans les abysses du sexe. Elle entretient en même temps une relation amicale avec Arthur qui l'initie à la plongée, des moments de respiration pour elle. Je ne dévoilerai pas la fin de ce roman atypique, rempli d'embruns bretons, de paysages sauvages, de l'Ecosse à la Bretagne. Adrian a passé sa vie dans un sous-marin qui demande un contrôle total de son corps et de son esprit. Cette période de temps, voué à la maîtrise de soi, est suivie par un éclatement total de ses "pulsions" de vie, de l'éros selon Freud. Abel représente cette renaissance, un appel à la vie et à la liberté, mais cette relation va les précipiter dans un trou béant. Pour ma part, j'ai préféré la première partie du roman quand l'héroïne écoute la mer. L'écrivaine reconstitue avec une précision chirurgicale la vie à bord d'un sous-marin, surtout du côté d'une femme soldat. L'histoire d'amour entre Adrian et Abel m'a semblé excessive et trop passionnelle. Emmanuelle Favier possède un souffle romanesque évident et puissant. J'ai aussi apprécié son écriture ciselée et riche, un phénomène assez rare dans l'univers littéraire contemporain. A découvrir.

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