mardi 17 juin 2025

"Ecouter les eaux vives", Emmanuelle Favier, 1

 J'avais lu quelques romans d'Emmanuelle Favier dont "Virginia", un hommage à Virginia Woolf, très intéressant à lire. J'ai remarqué son style très travaillé, les sujets originaux qu'elle aborde souvent et son dernier livre, "Ecouter les eaux vives", paru chez Albin Michel en janvier 2025, ne m'a pas déçue. Le personnage central, Adrian Ramsay, est une jeune femme écossaise d'une quarantaine d'années qui pratique un métier dit masculin, sous-marinière dans la Royal Navy. Plus précisèment, Oreille d'or : "Adrian écoutait les symptômes de la mer comme le médecin écoutait le coeur des marins, de sa capacité de concentration, de sa facilité à mobiliser les ressources de sa mémoire mais aussi de sa résistance à la pression psychologique, dépendait la sûreté de l'équipage. Elle avait acquis ces compétences au prix de nombreuses formations et d'innombrables tests, qui lui avaient permis d'obtenir son statut d'analyste en guerre acoustique". Son métier d'expert dans un sous-marin, porteur de missiles nucléaires, consiste à "écouter la mer", c'est à dire, analyser tous les bruits environnants, détecter des anomalies, deviner les cris des mammifères marins. Un métier vraiment très particulier où l'intuition et la mémoire auditive jouent un rôle majeur. L'héroïne se transforme en phare des abysses. Son père aveugle demeure sa seule relation humaine. Se lover dans ce ventre d'acier, se nicher dans ce mastodonte des mers. Ces deux phénomènes ressemblent au ventre d'une mère quand le bébé nage dans le liquide amniotique. L'écrivaine raconte avec son talent d'écriture la vie quotidienne dans un sous-marin, un quotidien rythmé par une cadence militaire où chacun reste à sa place. L'espace étriqué et restreint d'un sous-marin provoque une promiscuité difficile à vivre. Il faut savoir que les femmes n'évoluent presque jamais dans ce milieu masculin. Son rapport aux hommes se résume par quelques rencontres hasardeuses et sans lendemain entre deux missions. Au fond, sa vie de sous-marinière lui suffit et lui donne la sensation "d'une matrice dont la grande respiration métallique la ramenait à l'origine de tour". (la suite, demain)

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