mercredi 18 décembre 2024

"Le Liseur", Bernhard Schlink, 2

 Bernhard Schlink justifie le sujet délicat de son roman ainsi : "J'ai écrit un livre sur ma génération, sur le rapport qu'elle entretient avec la génération de ses parents et la façon dont elle appréhende les actes de ces derniers". Tout au long du texte, une tension permanente persiste entre l'histoire personnelle du narrateur et celle de cette femme-bourreau, analphabète honteuse, mais qui semble toujours nier la réalité de ses actes atroces dans le camp de concentration. Hannah Arendt dénonçait cette attitude dans l'expression, "banalité du mal", en suivant le procès d'Eichmann, un "banal fonctionnaire" parmi des milliers d'autres, obéissant aveuglèment aux ordres supérieurs des nazis. L'obsession du jeune Michael pour sauver cette femme par la lecture à voix haute est une "mission" qui la sortirait de son trou noir, de son aveuglement sur le mal absolu que représente le totalitarisme nazi, une idéologie barbare. Pourtant, la puissance du savoir et de la culture n'a pas évité cette grande catastrophe du XXe siècle. Le personnage féminin semble glacial et inaccessible et dans une scène du roman, elle peut aussi avoir des gestes violents envers son jeune amant. Seuls les moments de lecture lui apportent une atmosphère paisible. Grâce à ce "liseur" généreux et compatissant, elle pourrait accéder à une ouverture au monde et surtout retrouver la dignité. Le geste ultime d'Hanna, son suicide par pendaison, peut s'interpréter comme une prise de conscience d'un passé trop lourd à supporter. Les livres ont peut-être déclencher en elle des remords de son adhésion aveugle à la pire période de son pays. Ce roman a été adapté au cinéma par Stephen Daldry en 2008. Hanna était interprété par Kate Winslet. La notion de culpabilité demeure le sujet central du roman : Hanna, coupable de sa banalité et de son vide existentiel, Michael, coupable par sa fascination sexuelle pour une femme étrange, la société, coupable de ne pas éduquer ses citoyens. Le narrateur écrit : "La souffrance que me causait mon amour pour Hanna était d'une certaine façon le destin de ma génération, le destin allemand auquel je pouvais me soustraire plus difficilement". Un roman allemand important à découvrir ou à relire qui n'a rien perdu de son actualité trente ans après sa parution. 

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