J'ai choisi le thème de la nostalgie pour l'Atelier Littérature de mai. Quand j'ai établi ma liste, j'ai pensé tout de suite au roman de Milan Kundera, "L'Ignorance", publié en 2005. Je l'ai donc relu pour cette occasion et, évidemment, j'ai apprécié cette troisième lecture avec un intérêt renouvelé. Ce récit avec 53 chapitres très courts aborde l'épineuse question de l'exil des émigrés dans leur pays d'origine. Milan Kundera parle de son propre destin car il a fui le communisme de la Tchécoslovaquie en 1975 pour s'installer en France avec sa femme, Vera. Peut-on retourner dans son pays après des années d'absence ? Milan Kundera répond avec une certaine mélancolie qu'il est impossible de retourner dans son pays natal. N'est pas Ulysse qui veut. Deux personnages se partagent leur "spleen" du retour : Josef et Irena. Leurs rôles respectifs incarnent une facette de la nostalgie. Josef cultive un certain oubli dans sa mémoire sélective. Vivant au Danemark, il vient de perdre sa femme adorée. Il retourne à Prague pour retrouver son unique frère. Dans l'avion, il rencontre Irena qu'il a oubliée alors qu'ils avaient eu une relation amoureuse. Quand elle le croise dans l'avion qui les ramène à Prague, il feint de la reconnaître alors qu'elle se souvient très bien de lui. Ils ne partagent pas les mêmes souvenirs, "c'est là que le malentendu commence". Un effet de l'ignorance. Quand il est invité chez son frère, il ne pense qu'à un tableau qu'il voudrait récupérer. Son frère et sa belle-soeur ne comprennent plus cet étranger familier. Un gouffre les sépare et Josef abandonne toute idée de réconciliation avec sa seule famille. Milan Kundera pulvérise la notion de famille, un nid de rancoeurs et d'incompréhension. Encore un effet de l'ignorance dans les relations humaines. Irena vit la même expérience avec des amies d'enfance. Elle les rejoint dans un bar pour fêter le retour de leur amie passée à l'Ouest. Irena apporte une bouteille de Bourgogne pour marquer "son appartenance à la France" mais ses amies boudent le vin et préfèrent la bière. En fait, la jeune femme ressent bien le rejet et ses amies au fond n'ont pas pardonné sa 'trahison", son départ, son exil. Encore un effet de l'ignorance. Le génie kundérien (j'ose cette expression) consiste à utiliser la fiction pour illustrer sa pensée philosophique. Son talent s'épanouit en prolongeant les faits fictionnels en développements parfois historiques, parfois philosophiques. Une dynamique qui donne toute sa saveur particulière au texte. (La suite, demain)
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