Philip Roth a écrit en 2004 une uchronie (récit d'événements fictifs à partir d'un point de départ historique), "Complot contre l'Amérique", se déroulant dans les années 40 aux Etats-Unis. Le narrateur, qui porte le nom de Philip Roth, raconte ses souvenirs d'enfance au sein d'une famille juive dans le New Jersey. En 1940, le président Roosevelt n'est pas réélu et c'est l'aviateur Charles Lindbergh, sympathisant du régime hitlérien, isolationniste et antisémite, qui devient président après une campagne imprégnée d'un pacifisme défaitiste et d'un antisémitisme rampant. A partir de ce changement historique imaginaire, l'écrivain américain brode avec son génie habituel une histoire passionnante. La montée de l'antisémitisme est décrite d'une façon subtile et la famille du narrateur subit des actes insupportables comme leur rejet d'un hôtel parce que juifs. Des personnages contrastés traversent cette uchronie. Il met en scène sa propre famille : Herman, son père lucide et courageux, Bess, sa mère généreuse, Sandy, son frère aîné naif et passionné de dessin. Pour compléter le tableau, il faut ajouter un neveu délinquant, une tante et son rabbin collaborateurs, des voisins, un journaliste troublion. L'écrivain imagine l'esprit de résistance de ses parents qui, depuis le début, ont compris le danger mortel de Lindbergh alors qu'il dénonce la lâcheté d'une partie de sa famille. Dans un article du Monde des Livres, Josyane Savigneau, amie de l'écrivain, dévoile la matrice du roman : "Pourquoi et comment, avons-nous échappé au sort des Juifs d'Europe ?". Malgré la présence de l'antisémitisme en Amérique, Philip Roth rend hommage à la démocratie qui a empêché l'effroyable Holocauste sur le continent américain. Ma deuxième lecture du roman, quinze après, m'a semblé plus percutante, plus sensible que dans le passé. Je pensais que l'antisémitisme était moins prégnant dans notre société mais, l'actualité depuis le 7 octobre montre le contraire. Ce livre salutaire et décapant conserve toute sa force de conviction sur les faiblesses de la démocratie et sur l'avénement du totalitarisme. Ce vingt-sixième roman de Philip Roth mêle la petite histoire familiale à la grande et comment les individus réagissent face au chaos. Un grand roman à découvrir.
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