Je vais régulièrement en librairie et comme j'avais mis à l'honneur la psychanalyse et ses relations avec la littérature dans l'atelier d'octobre, un titre m'a tout de suite accrochée, "Les sept maisons d'Anna Freud" d'Isabelle Pandazopoulos chez Actes Sud. Ce roman largement biographique explore la personnalité attachante de la fille de Freud, Anna, la cadette dans une fratrie de six enfants. La petite fille semblait bien insupportable et capricieuse, "Le petit diable noir des Freud". Anna était jalouse de sa soeur Sophie, une enfant rayonnante et heureuse. La première scène du livre se déroule à Londres en 1946. Anna souffre de la tuberculose et une infirmière vient la sauver car Martha, sa mère, lui demande d'endosser l'identité de sa fille pour éloigner la mort. La dame de compagnie reçoit les confidences d'Anna. Dans la société viennoise, la situation des femmes n'était pas facile. Elles vivaient sous la tutelle des pères ou des maris. La relation d'Anna avec son père ne s'est pas construite sans soubresauts, ni malentendus. Mais l'obstination de la jeune fille pour intégrer le mouvement psychanalytique montre sa force de caractère, son intelligence et sa culture. Une amie va l'initier : Lou Andréas Salomé, écrivaine et psychanalyste, amante de Rilke. Anna fait la connaissance d'une américaine, en instance de divorce et cette rencontre va déterminer sa vie amoureuse qu'elle cachera toujours à ses parents. A cette époque, il n'était pas facile de se déclarer homosexuelle. La jeune femme se passionne pour la psychanalyse des enfants et avec sa compagne, Dorothy, elle fonde une école pour les aider. Anna traverse la montée du nazisme et apprend l'autodafé des livres de son père à Berlin. La psychanalyse était détestée par le régime nazi et Freud a fui Vienne en 1938 avec l'aide de Marie Bonaparte pour se réfugier à Londres avec sa famille. Isabelle Pandazopoulos raconte, avec un grand talent narratif, la vie de la tribu familiale entre Vienne et Londres. La Grande Histoire se mêle à leurs vies privées et Anna se transforme en héroïne dans ce monde en folie. Elle protège ses parents à Londres et les scènes de famille autour de Freud, atteint d'un cancer horrible à la machoire, montrent un amour et une solidarité sans faille surtout quand les drames surgissent comme la mort de Sophie, la soeur d'Anna, victime de la grippe espagnole. Les quatre soeurs de Freud ont disparu dans les camps de concentration. Freud n'a pas réussi à les sauver car elles voulaient rester à Vienne. Anna deviendra l'héritière légale des archives et de l'oeuvre de son père. Elle vivra jusqu'en 1982 à Londres : "Elle ne regrettait rien. Sinon cette joie intense, intacte, à vivre, à penser, à vibrer à ses côtés, une ombre heureuse, un plaisir qu'elle éprouvait encore et qu'elle entretiendrait jusqu'à son dernier souffle". Un premier roman biographique d'une intensité palpable, rien d'étonnant quand il s'agit d'Anna Freud et d'un père génial !
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