des critiques de livres, des romans, des moments de lectures, des idées de lecture, lecture-partage, lecture-rencontre, lectures
lundi 31 octobre 2011
"Retour à Killybegs"
J'étais dans la lecture de "Retour à Killybegs" de Sorj Chalandon quand j'ai appris qu'il venait de recevoir le grand Prix de l'Académie française, le premier prix littéraire de la saison. Sorj Chalandon est journaliste au Canard Enchaîné. Son roman ressemble à une enquête sur la vie d'un militant très actif de l'IRA, en Irlande. Ce roman politiquement incorrect est un portrait d'un traître, Tyrone Meehan, qui, dans un geste incroyablement inattendu, va assassiner un des ses compagnons de lutte armée lors d'une attaque contre l'armée britannique. Le narrateur raconte son parcours tragique et terrible de militant en évoquant la figure de son père, lui aussi fou de son Irlande indépendante, violent et ravagé par l'alcool qui finira par mourir de désespoir. Il trompe sa femme, sa famille, ses amis, les militants pendant des décennies. Cette double existence en fera un paria total et un être immonde. La fin de sa vie ne pourra pas se vivre dans le calme, bien au contraire... Sorj Chalandon se met littéralement dans la peau de ce traître pour essayer de comprendre l'incompréhensible, le secret d'un comportement inadmissible pour tout être humain. "Personne n'a jamais été dans mon ventre, personne. Si je parle aujourd'hui, c'est parce que je suis le seul à pouvoir dire la vérité. Parce qu'après moi, j'espère le silence. Killybegs, le 24 décembre 2006 Tyrone Meehan". Cette tentative haletante de description d'un traître laisse le lecteur(rice) sonné(e)... Pour ma génération, le terrorisme de l'IRA comme de l'ETA a marqué douloureusement les années 70. Sorj Chalandon utilise comme ressort dramatique, le mouvement des militants de l'IRA grévistes de la faim se sacrifiant pour leur cause. Ce passé politique lourdement traumatisant obsède l'auteur qui va nous entraîner dans la spirale infernale du terrorisme... J'ai été frappée aussi par le style cisélé de Sorj Chalandon montrant le désespoir du peuple irlandais dans cette quête de reconnaissance et de liberté. Ce roman mérite évidemment un prix littéraire pour qu'il rencontre un public encore plus élargi. On cherche un héros positif dans ce livre, peut-être qu'il faut le trouver dans la personne la plus trahie de toutes dans la vie de ce héros négatif : sa propre épouse...
vendredi 28 octobre 2011
Gisèle Freund
Dans le magazine du Monde, je lis toujours la chronique de Christophe Donner sur la littérature. Cette semaine, il évoque Gisèle Freund et son exposition "L'oeil frontière" à la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent jusqu'au 26 janvier 2012. Gisèle Freund a photographié dans les années 30 et 40 les plus grands écrivains du siècle dernier : Joyce, Woolf, Colette, Gide, Malraux, Cocteau, etc. François Mitterrand l'avait choisie pour la photographie officielle en 1981. J'ai dans ma bibliothèque un ouvrage autobiographique de Gisèle Freund, interrogée par Rauda Jamis aux Editions des Femmes, publié en 1991. Je la connais donc depuis très longtemps... J'ai trouvé une notice sur wikipedia que j'ai résumée :
"Son père collectionneur, Julius Freund, lui offre un appareil photographique Leica lorsqu'elle est adolescente, elle se passionne très tôt pour le photojournalisme. Etudiante en sociologie à Francfort, elle rencontre Norbert Elias, qui lui propose d'écrire sa thèse sur La Photographie en France au XIXe siècle. D'origine juive et membre d'un groupe communiste, elle doit fuir l'Allemagne et elle achève ses études à Paris en 1936. Amie d'Adrienne Monnier, elle côtoie de nombreux écrivains qu'elle immortalise en des portraits célèbres. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s'exile en Argentine et rencontre Victoria Ocampo. En 1943 elle ramène de Patagonie et de Terre de Feu des paysages puissants. Elle rentre en France en 1946 et travaille à partir de 1948 pour l'agence Magnum comme photojournaliste. En 1950, elle se trouve refugiée en Uruguay, chez Jules Supervielle, lors d'un départ forcé de l’Argentine, suite à la publication d'un reportage paru dans Life sur la vie de luxe menée par Evita Eva Perón. Suspectée de communisme, elle est interdite de visa américain et est forcée de quitter Magnum en 1954.
En France, le ministère de la Culture lui décerne en 1980 le grand prix national des Arts pour la Photographie. En 1991, elle est honorée par une grande rétrospective de son œuvre au Centre Georges-Pompidou."
Pour ma part j'ai rencontré dans les années 90, Gisèle Freund pendant une Fête du livre à Lyon et je lui ai déclaré toute mon admiration pour ses photos d'écrivains en la "priant" de me relater sa rencontre avec Virginia Woolf qu'elle avait photographiée en 1939, deux ans avant son suicide. Elle m'a révélé la simplicité de cette visite comme un événement professionnel quasi normal... En me tenant près de Gisèle Freund, je pensais que j'avais devant moi un témoin capital du visage splendide des écrivains européens les plus influents. J'aime les portraits d'écrivains, pour moi mes seules icônes que je conserve dans ma bibliothèque. Gisèle Freund fut l'amie fidèle d'Adrienne Monnier, la libraire la plus célèbre du milieu littéraire dans ces années glorieuses de la "grande, très grande littérature". Gisèle Freund devrait inspirer une romancière d'aujourd'hui qui en ferait un personnage hors du commun, une femme libre et farouchement indépendante, une lectrice passionnée qui va à la rencontre des écrivains qu'elle admire... Quel destin de femme exceptionnelle, un modèle, une Simone de Beauvoir de la photographie ! Si j'avais un projet de voyage, j'irais à Paris visiter l'exposition et contemplerais pour la centième fois ces portraits vus, et revus sans me lasser...
"Son père collectionneur, Julius Freund, lui offre un appareil photographique Leica lorsqu'elle est adolescente, elle se passionne très tôt pour le photojournalisme. Etudiante en sociologie à Francfort, elle rencontre Norbert Elias, qui lui propose d'écrire sa thèse sur La Photographie en France au XIXe siècle. D'origine juive et membre d'un groupe communiste, elle doit fuir l'Allemagne et elle achève ses études à Paris en 1936. Amie d'Adrienne Monnier, elle côtoie de nombreux écrivains qu'elle immortalise en des portraits célèbres. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle s'exile en Argentine et rencontre Victoria Ocampo. En 1943 elle ramène de Patagonie et de Terre de Feu des paysages puissants. Elle rentre en France en 1946 et travaille à partir de 1948 pour l'agence Magnum comme photojournaliste. En 1950, elle se trouve refugiée en Uruguay, chez Jules Supervielle, lors d'un départ forcé de l’Argentine, suite à la publication d'un reportage paru dans Life sur la vie de luxe menée par Evita Eva Perón. Suspectée de communisme, elle est interdite de visa américain et est forcée de quitter Magnum en 1954.
En France, le ministère de la Culture lui décerne en 1980 le grand prix national des Arts pour la Photographie. En 1991, elle est honorée par une grande rétrospective de son œuvre au Centre Georges-Pompidou."
Pour ma part j'ai rencontré dans les années 90, Gisèle Freund pendant une Fête du livre à Lyon et je lui ai déclaré toute mon admiration pour ses photos d'écrivains en la "priant" de me relater sa rencontre avec Virginia Woolf qu'elle avait photographiée en 1939, deux ans avant son suicide. Elle m'a révélé la simplicité de cette visite comme un événement professionnel quasi normal... En me tenant près de Gisèle Freund, je pensais que j'avais devant moi un témoin capital du visage splendide des écrivains européens les plus influents. J'aime les portraits d'écrivains, pour moi mes seules icônes que je conserve dans ma bibliothèque. Gisèle Freund fut l'amie fidèle d'Adrienne Monnier, la libraire la plus célèbre du milieu littéraire dans ces années glorieuses de la "grande, très grande littérature". Gisèle Freund devrait inspirer une romancière d'aujourd'hui qui en ferait un personnage hors du commun, une femme libre et farouchement indépendante, une lectrice passionnée qui va à la rencontre des écrivains qu'elle admire... Quel destin de femme exceptionnelle, un modèle, une Simone de Beauvoir de la photographie ! Si j'avais un projet de voyage, j'irais à Paris visiter l'exposition et contemplerais pour la centième fois ces portraits vus, et revus sans me lasser...
jeudi 27 octobre 2011
"O Solitude"
Je recommande ce très bel ouvrage de Catherine Millot aux Editions Gallimard, paru en 2011 dans la collection "L'Infini". En première de couverture, sous "O Solitude", on lit un mot, le mot roman, qui ne correspond absolument pas au livre que je tiens dans mes mains. Catherine Millot, écrivain et psychanalyste, nous offre une célébration de la solitude, état souvent considéré comme une lèpre, une maladie, un échec. Son éloge de la solitude mérite une explication, une démonstration, une justification. Je pourrais extraire des dizaines de citations tellement ce livre nourrit délicieusement l'imaginaire du lecteur ou de la lectrice. "Ecrire, dit-elle, c'est toujours renouer avec le fond, avec le grand silence originel." Catherine Millot évoque ses amours déçus, ses retrouvailles avec la solitude, ses voyages en Italie, en Europe du Nord. Fille de diplomate, elle a la "bougeotte" dans le sang... Ses références essentielles en littérature, d'Edgar Poe à Marcel Proust, de Roland Barthes à William Henry Hudson, sont passionnantes à lire. Je ne peux pas résister à vous confier ce passage sur la lecture : "Lire resta ma passion prédominante. Lire est une vie surnuméraire pour ceux à qui vivre ne suffit pas. Lire me tenait lieu de tous les liens qui me manquaient. Les personnages de romans, et les auteurs qui devinrent mes personnages de prédilection, étaient mes amis, mes compagnons de vie. Dans les heures d'abandon et d'esseulement, comme dans les heures de solitude épanouie ou dans celles où je jouissais d'une présence à mes côtés, lire fut toujours l'accompagnement- comme on dit en musique- indispensable." Tout le texte de Catherine se savoure comme un dessert précieux, d'une finesse incomparable. J'avais emprunté ce livre à la bibliothèque, je vais l'acquérir en librairie pour qu'il figure en bonne place sur mes étagères et pouvoir ensuite le relire quand l'envie de retrouver Catherine Millot se réveillera en moi...
mardi 25 octobre 2011
Atelier d'écriture, séance 3, mon portrait chinois
Je vous livre mon portrait chinois réalisé dans le cadre de ma deuxième séance d'atelier d'écriture.
"Si j'étais une plage,
je serais toujours déserte.
Si j'étais une route,
je serais pavée de bonnes intentions.
Si j'étais un sommet,
je rejoindrais la lune.
Si j'étais une île,
je serais volcaniquement inaccessible.
Si j'étais un port,
je serais réservée aux petits bateaux de pêche et
refoulerais les yatchs arrogants.
Si j'étais un lac,
je jouerais avec le vent pour créer des vagues.
Si j'étais un fleuve,
je m'étalerais de tout mon large pour prendre mes aises.
Si j'étais un ruisseau,
je ferais revenir les écrevisses.
Si j'étais un ciel,
je retiendrais la nuit en otage pour toucher les étoiles.
Si j'étais un village,
je serais à l'abri du silence.
Si j'étais un jeu,
je jouerais au... portrait chinois !
"Si j'étais une plage,
je serais toujours déserte.
Si j'étais une route,
je serais pavée de bonnes intentions.
Si j'étais un sommet,
je rejoindrais la lune.
Si j'étais une île,
je serais volcaniquement inaccessible.
Si j'étais un port,
je serais réservée aux petits bateaux de pêche et
refoulerais les yatchs arrogants.
Si j'étais un lac,
je jouerais avec le vent pour créer des vagues.
Si j'étais un fleuve,
je m'étalerais de tout mon large pour prendre mes aises.
Si j'étais un ruisseau,
je ferais revenir les écrevisses.
Si j'étais un ciel,
je retiendrais la nuit en otage pour toucher les étoiles.
Si j'étais un village,
je serais à l'abri du silence.
Si j'étais un jeu,
je jouerais au... portrait chinois !
lundi 24 octobre 2011
Marguerite Duras en Pléïade
La grande nouvelle du mois d'octobre 2011 sur le plan littéraire, c'est l'intégration de notre Marguerite Duras nationale dans le Panthéon de l'Edition française, la collection La Pléïade chez Gallimard. Le Magazine Littéraire propose un dossier central sur "la romancière de l'amour absolu". Les cahiers de Libération, du Monde, eux aussi, marquent l'événement. Alors que "sa littérature" était quelque peu constestée dans les années 70 et 80, les critiques se montrent aujourd'hui quasi unanimes pour saluer le génie littéraire de Marguerite Duras. Les deux premiers tomes couvrent la période 1943-1973. Deux autres tomes sortiront en 2014. Comme les femmes écrivains sont encore rares dans cette prestigieuse collection, je me félicite que Marguerite Duras soit enfin "pléïadisée"... Et après elle, je serai plus qu'heureuse de voir Simone de Beauvoir... Quand on a vécu la grande révolution de l'émancipation des femmes à partir du milieu du XXème siècle, on a lu du "Duras, automatiquement. J'ai aimé sa liberté de ton, sa façon d'être, sa prose reconnaissable entre toutes, tordue, scandée, bizarre et aussi classique. Son théâtre, son cinéma, ses romans décrivaient une planète du côté des femmes et de l'amour, de la recherche amoureuse, totale, entière, impossible et invivable. Marguerite Duras a accompagné des milliers de lectrices (des femmes surtout...) comme un soeur, comme une amie qui avait osé outrepasser les codes sociaux et politiques de son temps. Son amitié avec François Mitterrand, son soutien dans la cause des femmes même si elle se méfiait des féministes pures et dures, son engagement à gauche, ont toujours incité de la curiosité à son égard, jamais de l'indifférence. On pouvait la détester, l'adorer, la moquer, la vénérer, Duras était une "star" de la littérature de son époque. En souvenir de toutes ces années de lectures durassiennes, je vais m'offrir ces deux Pléïades pour me replonger dans cet océan de mots, d'idées, de sentiments et de passions... Un bain de jouvence pour moi !
lundi 17 octobre 2011
"Et rester vivant"
Encore un roman "autobiographique" dans cette rentrée littéraire... J'ai déjà mentionné dans mon blog le nom de Jean-Philippe Blondel que j'ai rencontré à la bibliothèque universitaire dans le cadre du Festival du Premier Roman de Chambéry. Son avant-dernier livre "G229" relatait son expérience "héroïque" de professeur d'anglais dans la banlieue parisienne. Son dernier opus avec ce beau tire "Et rester vivant" évoque le terrible accident de voiture où il a perdu sa mère et son frère aîné dans les années 80. Seul, son père survivra. Ce roman-récit nous parle du deuil, un deuil effroyable quand on perd sa famille alors que la vie s'offre à vous, à seize ans à peine. Le narrateur (Jean-Philippe Blondel ?) décide de partir en Californie, avec ses deux meilleurs amis du moment, Samuel et Laure. Après la mort de son père qui survient quatre ans après celles de sa mère et de son frère, il vend l'appartement familial pour financer son "road-movie" en Amérique, en hommage à Jack Kerouac. Le texte nostalgique de Jean-Philippe Blondel pourrait "plomber" la lecture mais malgré ce sujet très grave du deuil, cette lecture en devient lumineusement belle. Avec des phrases courtes, percutantes, familières, le narrateur transforme sa douleur et son chagrin en hymne à la vie, à la vie de sa famille perdue à tout jamais. Il se reconstruira grâce à l'amour, à son travail de professeur et évidemment à sa vocation littéraire. J'ai retrouvé dans ce roman-récit la musique si douce, si délicate de Jean-Philippe Blondel, un écrivain à suivre, dont le talent se confirme de livre en livre...
vendredi 14 octobre 2011
Atelier d'écriture, séance 2
J'ai donc suivi cette deuxième séance avec beaucoup de plaisir. Mylène a proposé deux exercices : un portrait chinois et un texte de présentation à partir d'une peinture burlesque. En début de séance, chaque participante a lu son texte sur le thème de l'installation. Voilà ce que j'ai écrit : "Je connais un chat blanc et gris qui pratique l'art de l'installation. A tous moments de la journée, Monsieur s'installe, se niche, se love, s'étale, s'étire dans les endroits les plus confortables de la maison : lit, canapé, placard, quand il pleut. Quand il fait un grand soleil, le jardin devient son Eden. Il se cache sous les haies, les hortensias, les forthysias, les pieds de tomates... Vivre en chat, c'est un mode de vie jubilatoire ! Le sommeil et le rêve sont étroitement mêlés à des instants de vie liés à la chasse des lézards, des oiseaux, des papillons. Si l'on me demandait quel animal je choisirais pour me transformer après ma mort, j'hésiterais entre une vie de chat, la nidification personnifiée, et une vie de... mouette, la liberté incarnée ! La mouette symbolise le mouvement perpétuel, le choix permanent de voler, près d'un enfant, près de la berge, ou en plein milieu du lac ou de la mer. La mouette ne s'installe jamais, ne se repose jamais, va et vient, vole et plane, déplie ses ailes avec conviction et grâce. je choisis le chat ou la mouette ? J'opte pour les deux ! Je veux mener une vie de chat pour le repos, la rêverie, la méditation et je veux vivre comme une mouette pour bouger, agir, planer, foncer... Une vie de chatmouette ou mouettechat..."
jeudi 13 octobre 2011
Festival du Premier Roman
Je suis retournée dans mon ancien lieu de travail, la bibliothèque universitaire de Chambéry, pour rejoindre un comité de lecture lié au Festival du Premier Roman. Ma participation à ce groupe fort sympathique de lectrices, peu nombreuses, hélàs, porte sur la découverte d'un premier roman. Les réunions ont lieu tous les quinze jours et mon seul "devoir" à "rendre" est un compte-rendu sur un des romans préselectionnés par le festival, une bonne cinquantaine, en fait. Les lecteurs (des lectrices en majorité) choisiront en février les meilleurs d'entre eux qui constitueront une liste soumise à un jury final pour aboutir à un choix très serré de douze auteurs invités en fin mai 2012 à Chambéry. Le premier roman que j'ai donc lu cette semaine ne m'a pas complètement convaincue. Il s'agit du "Le Silence de ma mère" d'Antoine Silber aux Editions Denoël. Il se lit très facilement, mais le sujet du roman n'est pas très original. L'auteur, qui a bien écrit "roman" sur la couverture, a signé un roman déguisé en récit autobiographique. C'est l'histoire d'un amour total entre un petit garçon et sa mère. Ce roman familial peut toucher de nombreux lecteurs et lectrices mais il lui manque un "je ne sais quoi" pour en faire un très bon texte. Pourtant, ce réglement de compte entre une mère absente et pas assez aimante et son fils fou amoureux d'elle procure un malaise à la lecture. Le narrateur cite souvent sa psychanalyste, Anne, qui l'accompagne dans sa quête pour dénouer le lien maternel qui l'empêche de grandir et de vivre des relations "équilibrées" avec d'autres femmes. L'enfance dans les années 50 est évoquée avec émotion. Je suis une lectrice peut-être trop exigeante sur l'écriture que j'aurais aimé plus travaillée. Le narrateur finira par se libérer de l'image maternelle mais se demandera toujours la raison du "silence de sa mère", de ce manque d'amour qu'il ne peut pas comprendre.
mardi 11 octobre 2011
Prix Nobel de littérature 2011
La presse évoquait des noms : Bob Dylan, le poète syrien Adonis, toujours Philip Roth et J.C. Oates, etc. Le Nobel a choisi un poète inconnu du public : Tomas Tranströmer dont les poèmes ont été édités au Castor Astral et repris chez Gallimard. J'espère que les bibliothécaires vont acquérir ces recueils pour que le public découvre ce grand poète suédois. J'ai trouvé une maigre notice biographique sur Wikipédia. Il est né en 1931. Il vit à Stockholm et dans sa résidence d'été sur l'île de Runmarö. Il exercea son métier de psychologue jusqu'en 1990. Il est tombé malade à la suite d'une attaque cérébrale qui l'a laissé en partie aphasique et hémiplégique. Il a néanmoins publié encore trois recueils depuis lors dont les 45 haïkus de La Grande Énigme (Le Castor Astral, 2004). En France, le Castor Astral et Jacques Outin, son traducteur, s’attachent depuis de nombreuses années déjà à faire connaître son œuvre.
J'ai trouvé un poème de Tomas Transtömer sur le site du Nouvel Observateur :
« A deux heures du matin : clair de lune. Le train s’est arrêté
au milieu de la plaine. Au loin, les points de lumière d’une ville
qui scintillent froidement aux confins du regard. [...]
Et comme quand quelqu’un va si loin dans la maladie
que l’essence des jours se mue en étincelles, essaim
insignifiant et froid aux confins du regard. »
Poète singulier de Suède, le jury a voulu lui décerner un prix tout à fait justifié.
Donc à découvrir...
J'ai trouvé un poème de Tomas Transtömer sur le site du Nouvel Observateur :
« A deux heures du matin : clair de lune. Le train s’est arrêté
au milieu de la plaine. Au loin, les points de lumière d’une ville
qui scintillent froidement aux confins du regard. [...]
Et comme quand quelqu’un va si loin dans la maladie
que l’essence des jours se mue en étincelles, essaim
insignifiant et froid aux confins du regard. »
Poète singulier de Suède, le jury a voulu lui décerner un prix tout à fait justifié.
Donc à découvrir...
lundi 10 octobre 2011
Eléctrico W
Ce titre correspond au nom d'une ligne de tramway à Lisbonne. Je ne résiste pas à un roman dont l'action se situe dans une des plus belles capitales européennes... Ce livre d'Hervé Le Tellier, écrivain et membre de l'Oulipo, possède un charme certain. Moi qui aime la musique classique, je dirai que ce livre n'a pas le souffle grandiose d'une symphonie, ni d'un concerto. Il ressemble à un trio, dont la basse continue est une image récurrente de Lisbonne. En fait, cela se passe en 1985. Deux copains, Vincent, le journaliste, et Antonio, le photographe, se rejoignent à Lisbonne pour effectuer un reportage sur un tueur en série. Vincent est amoureux d'une Irène, fort déplaisante qui, elle, a une liaison avec Antonio. Mais la femme qui passionne Vincent est en fait une jeune fille, baptisée "Canard". Antonio l'a aimée et l'a abandonnée alors qu'elle était "tombée" enceinte. Le romancier propose cette intrigue romanesque qui rebondit sans cesse, mais le charme du texte provient du personnage central, Vincent, qui écrit un roman dans le roman, échafaude un plan pour retrouver cette jeune femme disparue, essaie de rendre Irène jalouse, rencontre aussi d'autres personnages pour former un puzzle de destins disparates et désordonnés... Hervé Le Tellier a l'art de communiquer une atmosphère poétique de cette ville envoûtante qu'est Lisbonne. J'aime ce genre de littérature, une littérature décalée, ironique, discrète et d'une écriture travaillée sans fioritures. Un livre original dans cette rentrée de septembre...
vendredi 7 octobre 2011
Atelier d'écriture
Je me suis inscrite à un atelier d'écriture, animé par Mylène, une amie avec qui j'avais déjà suivi quelques séances dans la bibliothèque universitaire où je travaillais. Cette expérience avait duré quatre saisons, et l'intérêt que j'y trouvais résidait dans un esprit de rencontre "inter-générationnel". Mylène, toujours aussi attentive aux uns et aux autres proposait des exercices ludiques pour nous détendre et nous plonger dans un bain de mots et de phrases qui formaient un ensemble de textes que nous nous lisions les uns après les autres. Les étudiants et quelques membres du personnel de la bibliothèque partageaient ainsi des moments forts liés à l'écriture. L'imagination était stimulée par l'effet de groupe. Je garde donc un très bon souvenir et je considère cet atelier comme une réussite très rare dans ce milieu universitaire peu motivé par l'organisation d'activités culturelles offerts aux étudiants et au personnel de l'université. C'est pour cette raison que j'ai rejoint un groupe "d'écrituriens", en majorité des femmes, des "épicuriens" de la vie, une vie souvent dédiée aux livres et à l'écriture...
Un mardi sur deux, pendant deux heures, dans une salle d'une maison des associations de Chambéry, je pars toute en confiance et en "confidence" sur ce chemin des mots, des textes et des idées. Je me suis présentée ainsi pour donner quelques repères de ma personnalité : "Maïté, prénom basque qui laisse deviner mes origines "sudistes" signifie "aimé" pour réveler mon identité "livresque" : libraire dans les années 70, bibliothécaire de 1985 à 2010, mon amour des livres et de l'écriture est total ! L'écriture représente un "exercice spirituel" dans mon quotidien. Mon attente dans cet atelier : partager ces moments avec d'autres passionné(e)s et surtout nous lire, se lire, vous lire, conjuguer le verbe lire à tous les temps, présent, passé et futur... " Voilà le petit texte de présentation que j'ai écrit ce mardi-là. J'ai l'intention de livrer quelques morceaux de choix si je suis inspirée... Merci à Mylène de créer une atmosphère propice à la concentration et à l'imagination.
Un mardi sur deux, pendant deux heures, dans une salle d'une maison des associations de Chambéry, je pars toute en confiance et en "confidence" sur ce chemin des mots, des textes et des idées. Je me suis présentée ainsi pour donner quelques repères de ma personnalité : "Maïté, prénom basque qui laisse deviner mes origines "sudistes" signifie "aimé" pour réveler mon identité "livresque" : libraire dans les années 70, bibliothécaire de 1985 à 2010, mon amour des livres et de l'écriture est total ! L'écriture représente un "exercice spirituel" dans mon quotidien. Mon attente dans cet atelier : partager ces moments avec d'autres passionné(e)s et surtout nous lire, se lire, vous lire, conjuguer le verbe lire à tous les temps, présent, passé et futur... " Voilà le petit texte de présentation que j'ai écrit ce mardi-là. J'ai l'intention de livrer quelques morceaux de choix si je suis inspirée... Merci à Mylène de créer une atmosphère propice à la concentration et à l'imagination.
jeudi 6 octobre 2011
Le genre selon Judith Butler
Lire des romans est une priorité pour moi, mais, j'apprécie aussi le monde des idées, des concepts, des intellectuels... En ce moment, l'actualité, qui souvent surfe sur les faits divers, la politique nationale et internationale, les affaires juridiques, les crimes et délits, s'est penchée sur une polémique concernant "le genre", un sujet un peu difficile à comprendre portant sur l'identité sexuelle. Des députés de la majorité ont lancé une pétition pour retirer un chapitre d'un ouvrage de SVT au lycée qui aborde l'épineuse question du "genre". Pour comprendre ce concept audacieux, je recommande la lecture d'un très bon dossier dans le nouveau cahier "Culture et idées" qui tient toutes ses promesses, paru dans le Monde du samedi 1er octobre. Judith Butler, la grande théoricienne américaine du genre, explique cette notion : "L'enjeu est de comprendre l'organisation sexuelle de nos sociétés. Pourquoi les femmes sont-elles écartées des postes de pouvoir ? (...) L'assignation à un genre n'advient pas qu'à la naissance, elle se perpétue toute la vie. A l'école, en famille, à travers l'éducation, au travail, sans oublier les normes religieuses, communautaires, nationales." Elle se déclare plus que jamais féministe tant que les femmes "subiront des violences, qu'elles seront majoritaires parmi ceux qui souffrent de la pauvreté et de l'analphabétisme". Judith Butler veut déconstruire les modèles stéréotypés féminin et masculin. Ce dossier nous signale un choix de livres intéressant sur ce sujet, sujet d'une complexité excitante...
mardi 4 octobre 2011
"Des vies d'oiseaux"
En ce moment, je découvre les nouveautés de la rentrée 2011. Dans la liste des romans déjà proposés par les Goncourt, Médicis, Renaudot et Femina, je puise les titres à lire. Après Delphine de Vigan qui mérite un prix littéraire cet automne, j'ai fini "Des vies d'oiseaux" de Véronique Ovaldé, aux Editions de l'Olivier. Je l'ai trouvé intéressant, agréable à lire avec des personnages attachants dans un cadre géographique imaginaire du côté de l'Amérique du Sud. Le lecteur ou lectrice se laisse emporter dans cette histoire de jeunes squatters, de riches arrogants, de pauvres éloignés des collines "dollars". La première ligne du roman résume l'intrigue principale :"On peut considérer que ce fût grâce à son mari que Madame Izarra rencontra le lieutenant Taïbo." Madame Izarra va oser rompre son quotidien de femme-poupée et retrouver sa fille fugueuse. "Des vies d'oiseaux" est un titre très bien choisi pour montrer la légéreté d'être qui peut devenir une philosophie vitale. Paloma et Adolfo pratiquent le squatt dans les maisons de riches, la mère de Paloma quittera son mari, toutes ces ruptures rendent la vie plus légère et plus libre. Ce roman de Véronique Ovaldé pourrait particulièrement plaire aux femmes et après la lecture de Delphine de Vigan, j'avais l'impression de retrouver une forme de littérature aérienne, un vol d'oiseaux, un air frais et revigorant. Véronique Ovaldé est une optimiste radicale : elle croit en l'amour... et à la liberté !
lundi 3 octobre 2011
"Rien ne s'oppose à la nuit"
Le roman de Delphine de Vigan a obtenu dès la rentrée de septembre le prix Fnac qui réguliérement choisit, pour ce prix délivré très tôt, un roman de très grande qualité. J'ai lu son roman, édité en 2009, "Les heures souterraines" que j'avais apprécié à l'époque. Delphine de Vigan possède un talent certain pour retenir l'attention. Son style limpide, clair et efficace convient parfaitement à l'histoire qu'elle raconte. Elle cite d'ailleurs comme modèle le très beau livre "autobiographique" de Lionel Duroy, "Le chagrin" que j'avais analysé dans ce blog. Je pensais que cette histoire de famille, traitée mille et mille fois dans la littérature, serait trop traditionnelle, voire ennuyeuse... Rien de tout ça : Delphine de Vigan a écrit un roman, mieux, un récit de vie émouvant sans miévrerie du début à la fin. Le portrait fragmenté de sa propre mère que l'on devine très vite condammée au malheur, devient une prouesse littéraire très juste et très forte. Les premières lignes livrent la fin de l'aventure terrestre de cette "mère-courage" : "Ma mère était bleue, d'un bleu pâle mêlé de cendres, les mains étrangement plus foncées que le visage, lorsque je l'ai trouvée chez elle, ce matin de janvier." On apprend la mort de sa mère dans cette première ligne. S'en suit une biographie fouillée, "archéologique" de cette femme meurtrie par la vie : son enfance, son adolescence, sa vie de femme et de mère de famille. Le lecteur ou lectrice apprend tout des amours, des amitiés, des joies et des peines, des réussites et des échecs, de sa folie passagère de ce personnage emblématique des années 7O. Delphine de Vigan se mue en détective privé pour rendre compte du destin tragique de sa mère au sein de sa famille en recherchant auprès des frères et des soeurs, des indices, des traces, des souvenirs déformés par le temps. Ce lien indéfectible entre une mère fragile et une fille forte renverse le lien parental originel qui supposerait une protection permanente des parents vis à vis de leurs enfants... Je propose au jury du Goncourt de délivrer ce prix à Delphine de Vigan... Une récompense méritée enfin pour une femme écrivain qui a capté dans son roman-témoignage la difficulté d'être femme dans ce monde d'hommes...
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